Cette décision forte de la Côte d'Ivoire nous rappelle qu'en France, aucun plan digne de ce nom n'a été mis en œuvre pour favoriser l'adoption d'IPv6, les gouvernements successifs préférant laisser faire le marché et s'en remettant à sa « main invisible »
Source : ZD Net Par Pierre Col le Lundi 11 Novembre 2013
Mouais, je vois bien les interventionnistes (comme Pierre Col) et autres socialistes arriver avec leurs gros sabots pour faire le procès du marché, de sa « main invisible » et du libéralisme en général. Ces critiques peuvent avoir une certaine validité si l'objet critiqué est bien défini, et si les arguments sont honnêtes (c'est rarement le cas avec les socialos!).
Le marché n'est pas forcèment capable de trouver les incitations pour faire une transition bénéfique à l'immense majorité (en majorité le public qui n'y connait rien), neutre (hors coût immédiat) pour la plupart (acteurs qui s'y connaissent) et très néfaste à une petite minorité (d'acteurs historiques) qui sont en situation de force puisqu'ils peuvent monnayer des ressources devenues rares.
Je trouve très dommage que la majorité des internautes ne se rendent pas compte de cette situation asymétrique.J'ai l'impression que certains vont en profiter de cela pour faire un procès politique à vocation très large au marché et au libéralisme; ce serait très mal venu
s'agissant de la pénurie d'une ressource administrée.
La « ressource en numérotation » est une ressource particulière, une ressource
fiat. Elle est non extensible (on ne peut pas « fabriquer » ou « miner » des numéros), et elle n'existe que par une décision arbitraire des concepteurs d'un protocole. (Contrairement à la monnaie
fiat, qui relève aussi de la création humaine, la ressource en numérotation n'a pas pour fonction de représenter la rareté.)
Avant de parler de la « main invisible » du marché, il faut
se demander de quel marché on parle. Il ne doit pas exister de « marché des adresses », puisque ce ne sont
pas des biens incorporels échangeables, mais des ressources dont le droit d'utilisation est attribué par contrat ou par licence. Il peut exister un marché des services dépendants de ces adresses, mais cela introduit une situation malsaine : c'est de la plus pure hypocrisie de ne pas commercialiser une ressource mais un service basé sur la rareté de cette ressource.
Si les adresses IP étaient des biens librement échangeables à la bourse, on pourrait parler d'échec du marché (non que je pense que cette hypothèse soit souhaitable).
Actuellement, vu l'état du « marais », j'ai fortement envie de parler « d'échec d'une administration »!Il ne faut aucun doute que la régulation naturelle qu'on surnomme « main invisible » du marché n'est pas forcèment adéquate quand la ressource critique n'a pas été attribuée par un mécanisme de marché (et n'est pas négociable par un tel mécanisme). C'est évidemment vrai concernant l'exploitation d'une ressource lentement renouvelable (on pensera aux espèces menacées). C'est ce qu'on appelle des « biens communs » c'est à dire des biens qui n'ont pas fait l'objet d'un échange marchand. Même les véritables libéraux, comme le Parti libéral démocrate (lire
leurs propositions pour se convaincre qu'il ne s'agit pas de libéraux en peau de lapin façon UMP) prévoient que certaines ressources n'ayant pas un propriétaire doivent être protégées par une réglementation (cf « 10. Respecter la propriété pour protéger l'environnement »).
Si les acteurs historiques avaient été obligés d'acheter des adresses sur un marché, je ne sais pas où nous en serions. Je ne sais pas à quoi un tel marché ressemblerait. Je ne suis pas capable de dire si une telle situation serait souhaitable, mais une spéculation libre sur cette ressource aurait je pense fait monter les prix depuis longtemps. La spéculation aurait rendu l'accès à cette ressource plus difficile plus tôt, incitant les acteurs mal dotés à trouver une alternative plus tôt.
Je pense que l'absence de possibilité de négocier librement les plages d'adresses (y compris pour les spéculateurs financiers n'ayant aucun usage pour eux même des adresses) a masqué la rareté des adresses à beaucoup de gens. De plus en l'absence de cette concrétisation financière de la rareté et en l'absence d'une clause de recyclage dans les licences, rien n'incite les détenteurs historiques à rendre leurs licences.
CONCLUSION
On peut tout autant parler d'échec du marché pour ce qui est du non passage à IPv6 par les FAI que d'échec de l'administration pour ce qui est de la non prise en compte de la rareté par les mécanismes d'attribution.