Nouvel épisode des acrobaties fiscales de P. Drahi, publié hier par le site suisse Heidi.news, et Le Monde, cette fois-ci au sujet de sa collection d'oeuvres d'art, estimées à 750 millions d'euros, et sur laquelle il ne veut bien sûr pas payer d'impôts, et la transmettre à ses enfants sans imposition. Selon Le Monde, elle serait à faire pâlir d'envie de nombreux musées : 5 Picasso, 11 Magritte, 8 Chagall, 2 sculptures de Rodin...
Elle était détenue jusqu'ici par une société écran luxembourgeoise, Before SA, justement pour les avantages fiscaux du Luxembourg. Mais suite au scandale des LuxLeaks, la communauté européenne a adopté en 2017 une directive dite ATAD 2, pour limiter les avantages fiscaux des paradis fiscaux comme le Luxembourg, entrant en oeuvre au 1er Janvier 2022. Ce qui a laissé le temps à P. Drahi de préparer une solution de repli. Il a décidé de créer deux autres sociétés écran, dans un paradis fiscal hors juridiction européenne, dans les Caraïbes, à Saint-Vincent les Grenadines, un paradis fiscal "connu pour son taux d’imposition des plus-values à 0 % et sa grande opacité financière" comme dit Le Monde. Les deux sociétés, Angel-heart Ltd et Forever Ltd , ont été enregistrées au nom de deux de ses enfants en Octobre 2021. Elles ont racheté la collection d'art, avec des financements de P. Drahi au prix du marché, 764 illions d'euros. Cela permettait donc le transfert de cette collection à ses enfants, sans déménagement physique, les oeuvres sont restées en Europe, sans payer d'impôt.
P. Drahi paye pour ses acrobaties des experts fiscaux dans 6 pays. Mais il y a eu un grain de sable, Il s'est trouvé que dans cette vente, la société luxembourgeoise Before SA, faisait une plus value par rapport à sa valeur initiale de 51 millions et aurait du payer 17 millions d'ompôts sur les plus values. Au départ, ces experts fiscalistes ont pensé que grâce à des pertes fiscales précédentes de Before SA, cette imposition serait annulée, puis en refaisant leurs calculs, en Mars 2022, ils se sont aperçus que ce ne serait pas suffisant, et qu'il resterait 3.3 millions d'euros à payer. Horreur !
La solution trouvée a été de faire baisser le prix d'achat de 17 millions. Ainsi un Picasso serait passé de 27 à 24.5 millions d'euros, un Miro aurait baissé de 1 million d'euros etc... Mais la vente avait déjà été passée en Octobre 2021. Un nouvel acte de vente, diminué aurait été rédigé, et antidaté au 29 Octobre 2021. C'est là que l'on passe d'acrobaties fiscales limites mais à priori légales, dans probablement l'illégalité. Pour éviter une contestation possible du fisc, un de ces experts a suggéré de faire une estimation de la valeur par un expert tiers, ce qu'ils finalement repoussé. Mais un expert consulté par Le Monde a indiqué à ce sujet :
« C’est très risqué , poursuit l’expert fiscal. En cas de litige fiscal, ils auront les plus grandes difficultés à prouver que leur évaluation était honnête. Et si l’antidatage du contrat est confirmé, cela pourrait justifier l’imposition de pénalités pour manœuvres frauduleuses. » Ces révélations sont bien sûr issues de la fuite de données suite au hack du système informatique d'Altice Luxembourg.
L'article du Monde est en partie accessible (mode lecture, sinon sous paywall) ici :
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/11/10/des-picasso-dans-les-caraibes-les-man-uvres-de-patrick-drahi-pour-ne-pas-payer-d-impots-sur-ses-uvres-d-art_6149348_4355770.htmlDes Picasso dans les Caraïbes : les manœuvres de Patrick Drahi pour ne pas payer d’impôts sur ses œuvres d’art
Maxime Vaudano, Jérémie Baruch Publié hier à 14h00, mis à jour à 09h12
Le milliardaire a déplacé son immense collection vers des sociétés offshore juste avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation fiscale. Et évité plusieurs millions d’euros d’impôts au Luxembourg en corrigeant l’évaluation de ses tableaux.
Un bataillon de fiscalistes, un contrat possiblement antidaté et des sociétés-écrans dans les Caraïbes. Tels sont les ingrédients de l’opération qui a permis à Patrick Drahi d’éviter de payer le moindre euro d’impôt sur la cession de son immense collection d’œuvres d’art, estimée à au moins 750 millions d’euros. Une optimisation fiscale agressive, aux limites de la légalité, selon l’enquête du Monde et du magazine suisse Heidi.news.
Les courriels, contrats de vente, notes internes et tableurs qui permettent de reconstituer cette histoire figurent parmi les nombreux documents confidentiels dérobés par le groupe cybercriminel Hive lors d’un piratage visant Altice, la holding de Patrick Drahi, et publiés en ligne en août, après une demande de rançon non satisfaite. Le Monde a choisi d’exploiter ces données malgré leur origine criminelle en raison de leur intérêt public. Ces documents, déjà évoqués par le site Reflets.info, révèlent en effet de la part du magnat des médias et des télécoms – onzième fortune de France selon le magazine Challenges et propriétaire de BFM-TV et SFR – des pratiques fiscales qui posent question au regard des réglementations européennes.
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Pour le site Heidi.news (sous paywall aussi, mais début accessible) :
Quand la valeur des tableaux de Patrick Drahi varie en fonction du taux d’imposition, plutôt que du marché de l’art
Un contrat anti-daté, une valorisation de convenance et des sociétés offshore dans les Caraïbes. Le milliardaire franco-israélien, domicilié officiellement à Zermatt, ne s’épargne aucun effort pour diminuer la facture fiscale de sa splendide collection de tableaux, estimée à 750 millions d’euros. Voire la réduire à zéro, car les fiscalistes qui travaillent pour lui dans six pays du monde sont des champions. Jusqu’à ce jour de mars 2022… où ils commettent une boulette. C’est alors l’imprévu qui surgit, tel un grain de sable dans la mécanique bien huilée de la Drahi-optimisation.
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https://www.heidi.news/explorations/drahi-par-lui-meme/quand-la-valeur-des-tableaux-de-patrick-drahi-varie-en-fonction-du-taux-d-imposition-plutot-que-du-marche-de-l-art