Sous ce titre accrocheur se cache une simple hypothèse, basée sur plusieurs constats. Le câble a réellement la capacité de révolutionner le très haut débit. Mais le fera-t-il ?
Situation du câble dans le monde du très haut débit :
Tout d’abord, le très haut débit est lancé, ça commence en ce moment en France. Le besoin est donc là, c’est indiscutable. Pour l’instant, partout dans le monde, le très haut débit rime surtout avec FTTH et VDSL. Beaucoup d’offres triple-play et soit disant « très haut débit » voient le jour sur le câble, mais elles sont en réel décalage avec les autres technologies, en terme de « data », de flux remontant, de services, etc... Le câble n’apparaît pas comme LA technologie du très haut débit. Surtout pas en France, où sa réputation devient de plus en plus catastrophique, à cause des multiples défaillances de numéricâble.
Le câble, un potentiel énorme…
Le câble a pourtant un potentiel énorme pour transporter le très haut débit. Un potentiel ignoré par beaucoup apparemment. En ne considérant que la couche physique, un réseau câblé en FTTLA (comme celui que déploie Numéricâble actuellement) a un potentiel de ~4Gb/s par branche. Oui, 4Gb/s, c’est énorme! Ce débit comprend l’upload et le download. A ce niveau, quelques explications s’imposent. Dans un réseau HFC (Hybrid Fiber Coax) de type FTTLA (Fiber To The Last Amplifier) la fibre arrive jusqu’à quelques centaines de mètres de chaque foyer. La fibre dessert un « node », qui transfert le signal sur la partie coaxiale du réseau (et dans l’autre sens pour l’upload). Sur quelques centaines de mètres, la bande passante est très importante. Ce débit annoncé de 4Gb/s supporte tous les services (TV, VoD, internet…). Chaque branche (4Gb/s) dessert quelques centaines de foyers (nombre variant en fonction des câblo-opérateurs).
Dans ces conditions, l’architecture du réseau est très proche d’un réseau PON.
Un réseau de très grande valeur :
Les réseaux câbles ont une valeur très importante aujourd’hui. Ce sont les seuls réseaux d’accès à pouvoir concurrencer les opérateurs de télécom sur le xDSL et le FTTH. Alors que les opérateurs classiques doivent reconstruire un réseau pour déployer en masse du FTTH, les cablo-opérateurs, eux, ont déjà un coaxial qui va vers l’abonné, et dont le potentiel est énorme. La partie la plus chère, la plus délicate et la plus longue à réaliser dans un réseau d’accès, c’est bel et bien la pénétration dans le domicile. Négocier avec les syndic, sonner à chaque porte, prendre rendez vous avec chacun, se plier aux exigences du client, cela va prendre beaucoup de temps et coûter très cher aux nouveaux opérateurs FTTH. Numéricâble, lui, n’a pas besoin de modifier cette partie pour déployer du très haut débit en FTTLA. Il lui suffit de déployer (comme il est en train de faire) de la fibre jusque très près du client, sans toucher l’installation finale. Le déploiement est donc beaucoup plus rapide et plus économique que pour du FTTH. Dans 2 ans, numéricâble aura déployé son réseau FTTLA pour raccorder 9M de foyers. C’est énorme ! Le FTTH sera donc loin derrière en terme de couverture.
Potentiel sous – exploité, offre décalée:
Actuellement, l’offre sur le câble, bien qu’assez innovante, est décalée par rapport au FTTH ou VDSL dans le monde. On reste centré sur de la TV (y compris VoD) de qualité, et le data n’est pas aussi développé que sur le FTTH : limites de download, et upload insuffisant. En fait, dans la majorité des pays, les câblos ont une position de force, et ils n’ont pas besoin de faire trop d’efforts, ni d’augmenter leurs services, faute de concurrence. Cela freine l’innovation sur le câble. De plus, le rachat (par Cisco) de différents équipementiers ces dernières années dans le domaine des réseaux câblés n’a pas non plus favorisé la concurrence ni l’innovation. Enfin, beaucoup de pays (surtout à fort potentiel économique – Asie) n’innoveront pas dans le domaine du câble, car ils n’ont pas de réseau câblé préexistants.
C’est pour tout cela qu’on a affaire à une offre peu attrayante en France, malgré les investissements réalisés.
Raisons techniques du décalage :
Le potentiel technique du câble est donc largement sous-exploité. Pourquoi ? Parce que le câble est encore basé sur un modèle technique ancien et inadapté au très haut débit, et surtout aux services interactifs, à la demande. En fait, le câble est victime de son histoire. On a d’abord voulu faire passer de la TV dans des canaux de largeur fixe (8Mhz sur une bande passante totale de ~800Mhz). Pour faire passer du data, on a repris ce modèle de canaux, avec les mêmes contraintes de largeur pour pouvoir s’insérer « harmonieusement » dans l’organisation initiale. Pour l’upload, on a dédié les fréquences basses à cette tâche, mais la bande passante est très limitée, pour ne pas trop « manger » les canaux de la TV. Aujourd’hui, pour faire passer du « très haut débit » avec toutes ces contraintes techniques, c’est très compliqué. On est obligé d’aggréger des canaux de 8Mhz pour le faire. Les modems câble très haut débit actuels incluent donc un certain nombre de modulateurs et démodulateurs (norme Docsis 3). Pareil à l’autre bout côté tête de réseau. Tout cela est devenu monstrueusement complexe et cher. Le tarif des équipements d’accès fait vraiment peur en comparaison du VDLS par exemple.
Evolution techniques nécessaires, et attendues :
Je pense donc (je ne suis pas le seul) qu’il faut revoir en profondeur le modèle technique du câble. Il faudrait en fait supprimer toutes les contraintes actuelles. L’idée est de transformer la majorité de la bande passante en un réseau data (ethernet) de grosse capacité. Car la capacité est là ! Des études sont menées par plusieurs laboratoires. L’objectif est d’utiliser seulement quelques canaux à très large bande. Les modulations par ondelettes ou pulses peuvent être utilisées. Les équipement d’accès seraient plus simple (un seul démodulateur). Tout cela est apparemment possible sans modifier de manière importante le réseau. On garde la fibre, le coax, les nodes. On change les équipements client et les équipements d’accès en tête de réseau.
Pour libérer de la bande passante sur chaque branche du réseau, on ne transmet plus toutes les chaînes possibles, mais on transmet seulement (en multicast) les flux réellement consommés par les foyers raccordés à la branche en question. Bref, on fait exactement comme du PON ! Le protocole existe, il s’appelle Ethernet.
Donc les technologies permettant de transformer existent. Il ne reste plus qu’à les développer, les industrialiser.
Malheureusement, je ne sais pas si on peut espérer que ces technos sortent dans les 2 ans à venir. C’est vraiment difficile à admettre, mais c’est la situation actuelle.
Conclusion :
En France, le câble va mal, il est à l’agonie, à cause d’une entreprise mal organisée et incapable de faire face aux problèmes et d’innover. Mais si un jour le câble se réveille, cela peut faire très mal, car le réseau câblé a un très gros potentiel, et une grande valeur. Les services rendus peuvent être strictement équivalents au PON. Je précise toutefois que le fait de déployer un réseau réellement très haut débit sur le câble n’a de sens qu’en cas de réseau pré-existant. Le coût de déploiement (en partant de zéro) d’un réseau câblé devrait être supérieur à celui d’un réseau FTTH très prochainement. Ca serait surtout un moyen de déployer rapidement du très haut débit, et de rentabiliser les infrastructures existantes.
Leon.