Auteur Sujet: Histoire de l'Internet - 1) la racine profonde  (Lu 477 fois)

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lyapounov

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Histoire de l'Internet - 1) la racine profonde
« le: 19 septembre 2023 à 03:42:24 »
Même si cela va sembler évident pour certains, il faut néanmoins toujours rappeler que la racine profonde du numérique se trouve dans l'invention, pas tant de l'écriture, mais de celle de l'alphabet.

Nous sommes entre le quatrième et le deuxième millénaire avant J.C. Pour faire un peu de story telling, l'humanité passe d'un système iconographique - on dessine un arbre - à une série de symboles - ARBRE ou l'équivalent de l'époque. Remarquons au passage que la Chine et le Japon ont toujours du mal à faire cette mutation.

Imaginons un peu la résistance au changement à l'époque : "c'est compliqué"; "j'y comprends rien"; "et le voisin en face, il a TREE, au moins quand on dessinait un arbre, on pouvait se comprendre" (résistance au changement très bien racontée dans l'histoire de la tour de Babel). Rappelons aussi que, à l'époque, il y eu tout de même des grands nom qui refusaient l'écrit: Socrate par exemple, mais aussi Jésus Christ, pour qui l'écrit était très réducteur de sa pensée. Dans les deux cas, ce sont des tiers - Platon, les Apôtres - qui transcrivaient les paroles des Maîtres.

Il y eu les Égyptiens, et les Grecs. Les Égyptiens ont refusé la démocratisation de l’écrit, disant grosso-modo « dormez dormez, brave peuple, les scribes sont là pour travailler pour vous ». En clair, un système élitiste. Ils sont finalement passé à l'alphabet (le démotique), mais bien trop tard. Au résultat, après avoir construit de magnifiques chefs d’œuvre, la civilisation Égyptienne, petit à petit, s’éteint.

A l’inverse, les Grecs comprennent l’importance de l’alphabet. Ils inventent la voyelle, qui n’existait pas encore. Surtout, ils font des lois : loi de Charondas « les enfants iront à l’école pour apprendre à lire et à écrire, et ce sera la ville qui paiera les maîtres ». En clair, ils font de l’alphabet un vecteur de progrès sociétal. Résultat : explosion de la connaissance ; la science, la médecine, la philosophie, etc. font des magnifiques bons en avant. Si vous êtes un jour dans un dîner mondain où vous vous ennuyez, posez donc la question suivante : « quand fut réalisé le premier calcul du diamètre de la terre ? » En général, on vous répond Moyen-âge ou Renaissance. Le premier calcul fut réalisé par Ératosthène en -280. L’erreur par rapport à la valeur calculée aujourd’hui est de 4,5%, remarquable quand on sait qu’il n’y avait aucun instrument d’optique (les Grecs savaient que la terre était ronde depuis -800; ils avaient observé l'ombre de la terre sur la lune, et aussi que lorsqu'un bateau quittait le port, la coque disparaissait avant le mât). Tout ceci ne peut pas se produire sans l’alphabétisation de tout un peuple, pas seulement des Élites. D’ailleurs, beaucoup des grands noms de la physique, de la philosophie, des mathématiques, de l'époque antique étaient issus du peuple, pas de la noblesse.

Aujourd'hui, l'alphabet est banalisé. Le taux d'alphabétisation dans le monde est à 85%, et est en croissance. Rappelons surtout un point fondamental: l'alphabet est neutre. C'est avec le même alphabet que l'on écrit une lettre d'amour et une notice d'emploi d'un routeur; un poème de Ronsard et Mein Kampf. L'alphabet véhicule la beauté et la laideur; mais surtout, l'alphabet permet d'écrire des bétises, et d'écrire la correction des bétises. Nous retrouvons cela dans l'Internet, qui est, pour reprendre un joli terme, un Pharmakon. Il véhicule le poison, et son antidote.

L'internet est un nouvel alphabet, et nous ne sommes qu'aux débuts des "écrits" qu'il nous permet. C’est pourquoi, aujourd’hui, l’apprentissage du numérique devrait être obligatoire, pas au sens de la seule technologie, mais des usages; car nous sommes dans le même schéma. Allons-nous nous comporter comme des Grecs, ou comme des Égyptiens ?

La suite au prochain numéro.

« Modifié: 19 septembre 2023 à 04:04:03 par lyapounov »

Leon

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Histoire de l'Internet - 1) la racine profonde
« Réponse #1 le: 19 septembre 2023 à 14:00:05 »
Je dérive un peu du sujet abordé:

L'aspect "texte" a été très important au début des "réseaux numériques ouverts à commutation de paquet".
Je ne parle pas seulement d'Internet, mais aussi du minitel, sur le réseau Transpac.
Oui, le minitel a été précurseur, même s'il a beaucoup été critiqué à postériori. Le minitel a permis l'émergence d'un écosystème d'entreprises tournées vers les services en ligne.
Le minitel a permis de donner la fibre "numérique" à beaucoup d'entreprises.
Ca a été ultra bénéfique en France, quoi qu'en disent certains ayatollah d'un Internet pur et ouvert.

Revenons-en au texte, à l'écrit: le texte prend beaucoup moins de place, de débit, que la voix, pour le même "contenu". Dans les années 80 et 90, le débit des réseaux télécom nationaux et internationaux était très limité. Les réseaux "data" ont donc commencé à émerger principalement grâce au "texte", se contentant d'un débit très faible, plus faible que la voix.
Imaginez qu'on faisait du minitel avec 1200 ou 2400bps, et de l'Internet avec 14kbps au début des années 90...
La puissance de l'écrit.

Leon.

lyapounov

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Histoire de l'Internet - 1) la racine profonde
« Réponse #2 le: 24 septembre 2023 à 01:01:56 »
Je dérive un peu du sujet abordé:

L'aspect "texte" a été très important au début des "réseaux numériques ouverts à commutation de paquet".
Je ne parle pas seulement d'Internet, mais aussi du minitel, sur le réseau Transpac.
Oui, le minitel a été précurseur, même s'il a beaucoup été critiqué à postériori. Le minitel a permis l'émergence d'un écosystème d'entreprises tournées vers les services en ligne.
Le minitel a permis de donner la fibre "numérique" à beaucoup d'entreprises.
Ca a été ultra bénéfique en France, quoi qu'en disent certains ayatollah d'un Internet pur et ouvert.

Revenons-en au texte, à l'écrit: le texte prend beaucoup moins de place, de débit, que la voix, pour le même "contenu". Dans les années 80 et 90, le débit des réseaux télécom nationaux et internationaux était très limité. Les réseaux "data" ont donc commencé à émerger principalement grâce au "texte", se contentant d'un débit très faible, plus faible que la voix.
Imaginez qu'on faisait du minitel avec 1200 ou 2400bps, et de l'Internet avec 14kbps au début des années 90...
La puissance de l'écrit.

Leon.

C'est vrai que le Minitel a été précurseur. Mais son modèle économique le bridait. Le côté aveugle des X-Télécoms lors de l'arrivée de l'Internet a failli coûter cher à la France...