3 questions à Nicolas Guérin (Secrétaire Général d’Orange) concernant les relations d'Orange avec l’Arcep
Pourquoi Orange attaque-t-elle l’Arcep ?
Orange n’attaque pas l’Arcep, mais a déposé un recours devant le Conseil d’Etat afin qu’il se prononce sur le désaccord que nous avons avec le régulateur depuis longtemps, concernant la capacité à interpréter les engagements qu’Orange a pris en 2018 de déploiement de la fibre dans les villes moyennes (zone AMII). Nous tentons depuis des mois de faire valoir nos arguments auprès de l’Arcep, qui ne nous entend pas ; elle ne nous a pas laissé le choix en nous mettant en demeure de respecter des engagements qui sont différents de ceux que nous avons pris.
En 2011, nous avions répondu à un appel à manifestation d’intérêt du gouvernement (AMII), en nous engageant à couvrir en fibre sur nos fonds propres les villes moyennes en France. En juillet 2018, ces engagements de rendre raccordables d’ici fin 2022 environ 11 millions de locaux sur près de 3.000 communes, ont été rendus opposables à Orange par application de l’article L33-13 du Code des postes et des communications électroniques. Les engagements pris prévoyaient un premier jalon de déploiement au 31 décembre 2020.
Pourtant en 2020, l’Arcep a changé son référentiel de calcul – postérieurement donc, à notre engagement – et considéré que Orange devait dorénavant couvrir 13 millions de locaux – soit 2 millions de locaux en plus.
Et en mars 2022, l’Arcep a même mis en demeure Orange de se conformer à ce nouveau référentiel dès le premier jalon. Nous considérons que l’engagement d’Orange a été dépassé fin 2021 avec plus de 11 millions de locaux raccordables et à fin 2022, c’est même 12,1 millions de locaux qui sont raccordables, bien au-delà donc de nos engagements de 2018.
Nous avons donc déposé un recours devant le Conseil d’Etat pour contester cette mise en demeure invoquant notamment le fait que l’Arcep n’a pas le pouvoir d’interpréter nos engagements et de nous sanctionner sur la base de cette interprétation.
Nous avons multiplié les échanges et les démarches auprès de l’Arcep afin de faire valoir nos droits, mais elle a continué à nous mettre en cause notamment dans la presse en invoquant des « retards » et des « manquements » à nos obligations. Nous avons donc décidé de passer à l’étape supérieure.
Qu’est-ce qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ?
Si vous estimez qu'une loi est contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, vous pouvez poser une question - une « QPC » - avant que l'affaire ne soit jugée ; c’est-à-dire au cas d’espèce demander au Conseil d’Etat de saisir le Conseil Constitutionnel pour savoir si l’article L.33-13, qui est le socle de nos engagements - et surtout de la procédure de sanction engagée par l’Arcep contre Orange -, est conforme à la Constitution.
Nous soulevons différentes questions, et notamment la fait de savoir si l’Arcep peut sanctionner Orange sur la base de sanctions qui ont été introduites dans la loi postérieurement à la prise de nos engagements (question de la rétroactivité de la loi) ou encore de faire dire si l’Arcep peut se voir confier un pouvoir de sanction visant au respect d’engagements pris de manière volontaire unilatérale, sans aucune contrepartie (questions de la légalité de peines, de la liberté contractuelle et de la liberté d’entreprendre).
Conformément à la procédure, le Conseil d’Etat a trois mois pour envoyer ou non la QPC au Conseil Constitutionnel, et celui-ci aura à son tour trois mois pour statuer.
Quelle suite peut-on espérer dans cette affaire ?
Nous souhaitons tout d’abord que le travail phénoménal réalisé en un temps record pour réussir le pari d’une couverture fibre sur tout le territoire soit reconnu par le régulateur. C’est grâce à la mobilisation des femmes et des hommes d’Orange – qui a réalisé plus de 50 % des déploiements en France – que notre pays est aujourd’hui le pays le plus fibré d’Europe. C’est aussi en grande partie grâce à Orange qu’aujourd’hui plus d’un internaute a pu faire le choix de la fibre.
Nous souhaitons que notre lecture des engagements que nous avons formellement pris en 2018 soit reconnue et pas déformée.
Il n’est pas question pour nous de remettre en question les engagements pris - qui au surplus ont été atteints -, ni de faire du contentieux pour faire du contentieux ; notre objectif est tout simplement de faire valoir nos droits.
Nous avons toujours privilégié le dialogue dans nos relations avec le régulateur, et nous attendons son soutien pour travailler ensemble sereinement, en tant qu’investisseur de premier plan pour le développement des territoires, au bénéfice de tous les Françaises et Français.