Article LA TRIBUNE du 13 Octobre 2023
Orange juge impossible la généralisation de la fibre en Francehttps://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms/orange-juge-impossible-la-generalisation-de-la-fibre-en-france-979991.htmlLors d’un colloque sur les télécoms, Jean-François Fallacher, le patron d’Orange France, a estimé que la promesse d’Emmanuel Macron d’apporter la fibre à tous les Français d’ici trois ans était une chimère. Une sortie qui n’a guère été du goût de l’Arcep. Laure de La Raudière, la présidente du régulateur des télécoms, a sèchement rappelé qu’il s’agissait d’un « objectif politique ».
Jean-François Fallacher a effectué une sortie remarquée ce jeudi, à Bourges, lors d'un grand colloque rassemblant toute la filière des télécoms. Le patron d'Orange France, qui a remplacé Fabienne Dulac le 3 avril dernier, a critiqué la promesse d'Emmanuel Macron d'apporter la fibre à tous les Français à l'horizon 2025. D'après lui, cet objectif a tout d'une chimère. « Quand j'ai pris mes fonctions, ce fameux 100% fibre, cela m'a surpris, a-t-il lancé. Je pense que c'est un rêve. » Il a rappelé que près de 86% des Français ont aujourd'hui accès à la fibre. « C'est énorme », s'est félicité le dirigeant, louant un résultat « phénoménal », fruit d'un « travail gigantesque » abattu en seulement dix ans. Ainsi, a-t-il poursuivi, « on arrive à la fin de ce projet ».
Comprendre : une proportion non négligeable de foyers n'aura pas, à ses yeux, accès à la fibre. Tout simplement parce que les derniers logements ou entreprises à raccorder sont, selon lui, les plus « compliqués », les plus « complexes ». Et donc les plus coûteux... Quand l'équation économique s'avère impossible, il vaut mieux, affirme Jean-François Fallacher, privilégier des technologies alternatives à la fibre, comme la 5G à usage fixe ou le satellite. Cette dernière précision n'est pas désintéressée. Jean-François Fallacher a indiqué qu'Orange allait lancer, mi-novembre, une offre Internet à très haut débit via le satellite.
La colère de l'Arcep et des collectivités
Quoi qu'il en soit, les propos de Jean-François Fallacher ont irrité l'Arcep. Également présente à Bourges, Laure de La Raudière, la présidente du régulateur des télécoms, a sèchement recadré le patron d'Orange. « L'objectif politique », a-t-elle indiqué, « c'est la généralisation de la fibre » dans tout le pays. Et certainement pas de dérouler le tapis rouge aux technologies alternatives, qui, d'après elle, doivent rester tout à fait marginales. L'Arcep, a poursuivi Laure de La Raudière, veillera au grain. « L'objectif du régulateur est de répondre à cet objectif politique », a-t-elle prévenu.
La position d'Orange a aussi agacé les collectivités. Patrick Chaize, le sénateur de l'Ain (LR) et président de l'Avicca, qui représente les collectivités impliquées dans le numérique, s'est montré outré. Le parlementaire a fustigé ceux « qui remettent en cause l'objectif du 100% fibre en France, affirment qu'il s'agit d'un 'rêve', que cela coûtera trop cher et que nous n'y arriverons pas ». D'après lui, il y a, ici, un enjeu « d'inclusion ». « Attention à ne laisser personne au bord du chemin », a-t-il enchaîné, s'inquiétant pour le sort des habitants de certaines zones rurales. Hors de question, pour le sénateur, d'accoucher d'une nouvelle fracture numérique... Même son de cloche pour Philippe Le Grand, le président d'InfraNum, association qui regroupe les industriels de la fibre - et dont Orange est membre. « Nous avons tous la même ambition : le 100% fibre est l'objectif qu'on poursuit tous », a-t-il déclaré.
Plus de 2 millions de raccordements « complexes »
Ce n'est sans doute pas un hasard si Jean-François Fallacher revient maintenant sur cet « objectif » présidentiel. Depuis la rentrée, Orange négocie un accord avec le gouvernement. Celui-ci vise, précisément, à terminer la couverture en fibre de l'Hexagone. L'idée est que l'exécutif renonce à sanctionner l'opérateur historique d'une forte amende pour ne pas avoir raccordé dans les temps les foyers des villes moyennes. En échange, l'opérateur doit obtenir un délai pour apporter la fibre à ces territoires, et terminer la couverture des grands centres urbains d'ici à 2025. Les modalités de ce deal sont très attendues : elles permettront d'y voir plus clair sur la proportion de locaux qui n'aura pas la fibre et devra composer avec des technologies alternatives.
Sur les près de 43 millions de locaux à couvrir dans l'Hexagone, plus de 2 millions entrent dans la catégorie des raccordements « longs » ou « complexes », dont le financement n'est pas encore assuré. InfraNum estime qu'il reste 3 milliards d'euros à trouver pour effectuer ces déploiements. La note est particulièrement salée, sachant que le chantier de la fibre a déjà coûté près de 36 milliards d'euros - dont 13 milliards d'euros de deniers publics - depuis 2013.