Larges extraits :
Réseau Optique de France, anciennement Free Infrastructure, est une société filiale du groupe Iliad dédiée au déploiement et à l’exploitation de réseaux en fibre optique. Réseau Optique de France a déployé à partir de 2008 un réseau de boucle locale à très haut débit en fibre optique dans plusieurs communes situées principalement en zones très denses mais aussi en zone moins dense. Ce réseau a été conçu pour permettre le raccordement des clients en point à point depuis des points de mutualisation de grande capacité (ci-après « PMGC ») et couvre environ :
- 180 000 locaux dans les communes situées dans les zones très denses, dont 120 000 à Paris ;
- 59 000 locaux dans les communes situées en zone moins dense.
Depuis plusieurs années, les opérateurs commerciaux tiers ont signalé rencontrer des problèmes techniques — notamment de continuité optique — ainsi que des difficultés opérationnelles pour obtenir une nouvelle route optique dans des délais raisonnables, lors des mises en service des accès fibre optique de leurs abonnés sur l’infrastructure PMGC. Ces difficultés se traduisent par des taux d’échec au raccordement des clients finals élevés.
À cet égard, dans un courrier en date du 23 novembre 2021 adressé à Free Infrastructure, devenu Réseau Optique de France, Bouygues Télécom a indiqué notamment que « le taux d’échecs de raccordement cause OI s’avère très nettement supérieur à la moyenne constatée auprès des autres opérateurs d’immeubles, plus de 10 fois supérieur ». De plus, dans un courrier en date du 10 mai 2022 également adressé à Free Infrastructure, devenu Réseau Optique de France, Orange a expliqué avoir engagé un cycle « d’échanges […] afin de résoudre les problèmes susvisés […] et d’en comprendre le causes racines », toutefois l’opérateur commercial indique n’avoir « constaté aucune amélioration, et constate à l’inverse une dégradation de la situation […] ».
En réponse aux difficultés rencontrées par les opérateurs commerciaux dans la production des accès de leurs clients sur les lignes des PMGC, Réseau Optique de France a mis en place en février 2023 un dispositif de fiabilisation de la route optique ayant pour objectif principal « [d’] améliorer le taux de réussite des raccordements ou mises en service des utilisateurs », « en s’assur[ant] de la bonne continuité optique de la ligne » « pour chaque commande PMGC ».
Toutefois, certains opérateurs commerciaux ont indiqué à l’Autorité à plusieurs reprises dès avril 2023 que le dispositif mis en place n’a pas permis d’améliorer la qualité de production des accès et que des solutions alternatives devaient être étudiées par Réseau Optique de France.
Par la décision n° 2023-1296-RDPI du 15 juin 2023, prise sur le fondement des dispositions des articles L. 36-11 et D. 594 du CPCE, la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction (ci-après « RDPI ») de l’Autorité a ouvert une instruction relative au manquement éventuel de la société Free Infrastructure, devenue Réseau Optique de France, aux dispositions de l’article L. 34-8-3 du CPCE et des décisions n° 2009-1106, n° 2010-1312, n° 2015-0776 et n° 2020-1432 de l’Autorité, relatives à l'accès aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique et en particulier à l’obligation de faire droit aux demandes d’accès aux lignes en fibre optique dans des conditions effectives, raisonnables et non-discriminatoires.
À la suite de l’ouverture de cette instruction, Réseau Optique de France a notifié à l’Arcep, par un courrier en date 31 octobre 2023, le lancement d’un plan de modification structurelle de l’infrastructure PMGC (voir partie 2.3.4). Dans l’annexe de ce courrier, Réseau Optique de France indique notamment que « [l]e projet de modernisation du parc PMGC vise à reprendre l’infrastructure existante, à résoudre les problèmes identifiés et à simplifier les modalités de raccordement des OC dans l’immeuble. / Pour atteindre ces objectifs le projet prévoit de s’affranchir de l’architecture en « PM Grande Capacité » et du brassage par l’OI, pour la faire évoluer vers une architecture FttH plus commune comprenant des points de mutualisations distincts des NRO [ci-après « Nœud de Raccordement Optique »] de FREE et opérables par les OC. »
[...]
Dans ses réponses au questionnaire, Réseau Optique de France indique que « les NRO, [se situent] souvent [en] rez-de-chaussée et sous-sols d’immeubles, [qui] n’ont pas été construits initialement pour y déployer des réseaux de communications électroniques. L’espace y est très limité et les NRO de Free contiennent majoritairement des installations et des équipements qui sont sans rapport avec l’activité de ROF (équipements mobiles, de collecte, etc.). [L’activité de ROF] […] n’occupe qu’une fraction très minoritaire de l’espace et des ressources du NRO.
Dans ce contexte, afin d’assurer la sécurité et la résilience de ses infrastructures et équipements fixes et mobiles présents au NRO, dont certains peuvent être soumis à des obligations particulières au titre du code de la défense (art. R.1332-1 et s.), ROF ne laisse pas entrer les techniciens tiers dans ses NRO, a fortiori pour « accompagner » un technicien de ROF. »
En outre, Réseau Optique de France indique avoir « mis en œuvre plusieurs mesures qui permettent de neutraliser les éventuels inconvénients liés à l’impossibilité pour les techniciens tiers d’accéder aux NRO lors des expertises contradictoires : / - ROF a proposé aux opérateurs commerciaux au début de l’année 2025 un dispositif de ‘présence au NRO’ : ce dispositif, qui a été ajusté ces derniers mois, permet de garantir la présence et la joignabilité d’un technicien ROF au PMGC sur plusieurs jours de la semaine sur l’ensemble des PMGC pour résoudre ‘ à chaud’ d’éventuelles difficultés de production ou de SAV des opérateurs commerciaux appelant, qui ont connaissance des plannings des techniciens présents au PMGC ; […] ».
Plan de modification structurelle de l’infrastructure PMGC
Réseau Optique de France a notifié à l’Arcep, par un courrier en date du 31 octobre 2023, le lancement d’un plan de modification structurelle de l’infrastructure PMGC.
A cet égard, dans le cadre de ses réponses au questionnaire, Réseau Optique de France indique avoir « mis en œuvre plusieurs mesures qui permettent de neutraliser les éventuels inconvénients liés à l’impossibilité pour les techniciens tiers d’accéder aux NRO lors des expertises contradictoires : / […] - le chantier de transformation du PMGC permettra aux opérateurs commerciaux d’intervenir en autonomie sur les PMI et PME qui sont en cours de déploiement. La fin de ce chantier d’ici à mi-juin 2026 pour la ZTD [ci-après « Zones très denses »] et fin 2026 pour la ZMD [ci-après « Zone moins dense »] privera de toute utilité les interventions conjointes au NRO. »
Dans le cadre de ses réponses au questionnaire de la rapporteure, Réseau Optique de France a précisé le volume de PMGC à transformer :
- 81 PMGC à transformer en 5356 points de mutualisation d’immeuble (ci-après « PMI ») ou points de mutualisation extérieur (ci-après « PME ») en zones très denses ;
- 12 PMGC à transformer en 134 points de mutualisation de rue (ci-après « PMR ») en zone moins dense.
[...]
En ce qui concerne le plan de modification de l’infrastructure PMGC en zone moins dense, le calendrier prévisionnel, rappelé dans la réponse de Réseau Optique de France au questionnaire, prévoit le lancement des opérations de production des points de mutualisation en janvier 2026, avec un objectif de finalisation des travaux pour septembre de la même année.
Constat des manquements et mise en demeure
[...]
Par ailleurs, lorsque la route optique attribuée par Réseau Optique de France à l’opérateur commercial
ne peut pas être utilisée – notamment en cas d’absence de continuité optique –, une demande de mutation de fibre optique doit être effectuée. Dans ce cas, l’opérateur commercial soumet la demande et doit attendre la réalisation du brassage au PMGC par Réseau Optique de France, qui est le seul à pouvoir y pénétrer. Cette situation oblige l’opérateur commercial à déclarer un échec au raccordement pour son intervention initiale et à replanifier une nouvelle intervention afin de finaliser la mise en service de son client.
A cet égard, comme mentionné en section 2.1, des difficultés liées à l’absence de continuité optique ont été identifiées par les opérateurs commerciaux qui ont constaté dès 2021 des taux d’échecs au raccordement très élevés sur le réseau PMGC. L’opérateur Orange, dans un courrier envoyé à Free Infrastructure en mai 2022, relevait que le taux de « reprovisioning à froid – cause OI », c’est-à-dire le nombre de notifications envoyées par l’opérateur d’infrastructure pour indiquer notamment qu’une nouvelle route optique a été affectée à la commande, rapporté au nombre total de commandes, atteignait « 52% sur le parc PMGC » au mois de mars 2022.
Ainsi, il résultait une impossibilité pour l’opérateur commercial de résoudre dans la majorité des cas, au moment de son intervention et de manière autonome, les éventuelles problématiques de raccordement, notamment en cas d’absence de continuité optique. Cette difficulté s’explique par l’absence d’accès direct au local PMGC et par l’absence d’intervention synchronisée entre les techniciens de Réseau Optique de France et ceux de l’opérateur commercial dans le local PMGC, afin de s’assurer au moment de l’intervention de la continuité des routes optiques. En conséquence, ces situations aboutissaient nécessairement à rallonger le délai de livraison de l’accès par l’opérateur commercial à son client final, voire à la déclaration d’un échec au raccordement.
Effectivité de l’accès depuis la mise en place du dispositif de fiabilisation
Face aux difficultés exposées en section précédente et illustrées par des taux d’échecs au raccordement élevés, Réseau Optique de France a mis en place dès février 2023 un dispositif de fiabilisation de la route optique.
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En outre, depuis la mise en place du dispositif de fiabilisation, la déclaration d’un échec au raccordement par l’opérateur commercial ne conduit plus systématiquement à un déplacement d’un technicien de Réseau Optique de France, puisque dans le cas où les photos de l’opérateur commercial sont absentes ou jugées non pertinentes par Réseau Optique de France, ce dernier transmet à l’opérateur commercial une notification contenant des informations identiques à celles déjà présentes dans la commande, sans effectuer d’opération supplémentaire permettant la résolution de l’échec. Il en résulte donc une impossibilité pour l’opérateur commercial de résoudre la problématique rencontrée, et par conséquent de mettre en service son client.
[...]
Ces données montrent qu’entre juin 2023, soit environ six mois après la mise en place du dispositif de fiabilisation, et juin 2025, le taux moyen d’échecs au raccordement sur les lignes existantes est de 24% et celui sur les lignes à construire est de 45%. Le taux moyen d’échecs au raccordement, comprenant les échecs sur lignes existantes et lignes à construire, atteint 37 % sur l’infrastructure PMGC.
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Il résulte des éléments qui précédent que la mise en place du dispositif de fiabilisation ne permet pas d’atteindre un niveau de qualité de service suffisant et compatible avec les attentes des opérateurs et de leurs abonnés finaux, en particulier à travers la composante de livraison des accès, pour assurer l’effectivité de l’accès aux lignes FttH, sur l’infrastructure PMGC, déployées par Réseau Optique de France. Compte-tenu de cette situation, certains opérateurs commerciaux ont indiqué avoir arrêté en partie la commercialisation de leurs offres sur ce réseau. En effet, lors du Comité de l’interconnexion et de l’Accès du 14 février 2024, l’opérateur commercial Orange a indiqué avoir « arrêté la commercialisation de ses offres sur une partie du réseau PMGC ». Orange expliquait à ce titre, lors du groupe de travail « Exploitation » en date du 19 avril 2023, que « le dispositif mise en place par Free n’a pas apporté de résultats satisfaisants sur le parc PMGC encore ouverts par Orange OC (6 PMGC au total) ». Bouygues Télécom ajoutait sur le même sujet « que la commercialisation sur le parc PMGC est encore ouverte sur 3 PMGC. Bouygues explique qu’il testera avec Free les expertises conjointes mais qu’il semble que la meilleure solution soit de reconfigurer les PMGC en une architecture plus conventionnelle ».
Par ailleurs, malgré la mise en place du dispositif de fiabilisation, l’impossibilité pour les opérateurs commerciaux d’accéder aux locaux PMGC fait naître de nombreux cas d’échec au raccordement.
Comme décrit en partie 2.3.3a), et afin de répondre à cette problématique, Réseau Optique de France a proposé aux opérateurs commerciaux au début de l’année 2025 un dispositif de « présence au NRO » visant à assurer la présence et la joignabilité d’un technicien Réseau Optique de France au local PMGC sur plusieurs jours de la semaine sur l’ensemble des locaux PMGC, permettant de résoudre à chaud les problématiques rencontrées par les techniciens des opérateurs commerciaux. Toutefois, au regard des réponses de Réseau Optique de France au questionnaire de la rapporteure, ce dispositif n’est pas disponible systématiquement pour l’ensemble des commandes réalisées sur l’infrastructure PMGC. Cette solution n’apparait donc pas suffisante pour permettre à Réseau Optique de France de se conformer à son obligation de garantir un accès effectif.
Réseau optique de France, dans sa réponse au questionnaire, justifie cette impossibilité des opérateurs commerciaux d’accéder aux locaux PMGC par la nécessité d’assurer la sécurité et la résilience de ses infrastructures et équipements fixes et mobiles présents au NRO, dont certains peuvent être soumis à des obligations particulières au titre du code de la défense34, comme expliqué au point 2.3.3a).
Cependant, la formation RDPI considère que les obligations auxquelles est tenu Réseau Optique de France sur le fondement du Code de la Défense ne sont pas susceptibles de l’exonérer de l’obligation d’accès à laquelle il est tenu en tant qu’opérateur d’infrastructure conformément à l’article L. 34-8-3 du CPCE et aux décisions n° 2009-1106, n° 2010-1312, n° 2015-0776 et n° 2020-1432 de l’Autorité. À cet égard, si la conciliation de son obligation d'accès avec les dispositions du Code de la Défense peut comporter un temps d'adaptation, la formation RDPI relève que Réseau Optique de France qui a déployé son réseau depuis plusieurs années, a pu disposer d’un temps suffisant pour adapter son architecture. Par conséquent, Réseau Optique de France ne peut se prévaloir des principes du Code de la Défense pour justifier le non-respect de son obligation d'accès.