La justice décide :
1. Considérant que la société FREE SAS propose à ses clients depuis novembre 2003 sous la dénomination commerciale d’abonnement « Freebox » une offre de services globale, comprenant l’accès à l’Internet haut débit, le téléphone et des services de télévision, pour le prix forfaitaire de 29,99 euros par mois toutes taxes comprises (TTC) ; que, pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de ces prestations, elle a soumis au taux réduit de 5,50 % applicable aux services de télévision les recettes correspondant à 56 % du prix de l’abonnement TTC ; que le service a procédé à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de l’année 2008 résultant de l’application du taux réduit de taxe aux recettes correspondant à 56 % du prix de l’abonnement hors taxe (HT) ; que la société FREE SAS relève appel du jugement du 3 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée auquel elle a été ainsi assujettie pour l’année 2008 ;
Sur l’application de la loi fiscale
2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 278 du code général des impôts dans la rédaction applicable aux impositions litigieuses : « Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 %. » ; qu’aux termes de l’article 279 du même code, dans cette même rédaction : « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : /…/ b octies les abonnements souscrits par les usagers afin de recevoir : / (…) / 3° les services autorisés de télévision par voie hertzienne et les services de télévision mis à la disposition du public sur un réseau de communications électroniques prévus par les chapitres 1er et 2 du titre II de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de la communication. (….) » ; qu’aux termes de l’article 268 bis de ce code relevant du chapitre consacré à la taxe sur la valeur ajoutée : « Lorsqu'une personne effectue concurremment des opérations se rapportant à plusieurs des catégories prévues aux articles du présent chapitre, son chiffre d'affaires est déterminé en appliquant à chacun des groupes d'opérations les règles fixées par ces articles. » ; qu’un opérateur qui offre pour un prix global des prestations de services relevant de taux de taxe sur la valeur ajoutée différents et ne pouvant être regardées comme constituant une opération unique doit établir la part de chacune de ces prestations dans le prix global ; qu’à cet effet, il peut faire référence à toute méthode telle que la valeur de marché ou le coût effectif des différentes prestations fournies ; qu’enfin, la répartition du prix global de l’offre entre services relevant de taux de taxe sur la valeur ajoutée différents peut s’effectuer indifféremment par rapport à ce prix hors taxe ou toutes taxes comprises pour peu qu’elle soit de nature à établir la réalité économique des prestations ainsi fournies ;
3. Considérant que la société FREE SAS fait valoir que les services de télévision représentent 56 % du prix de l’abonnement « Freebox » TTC ou, à titre subsidiaire, 61 % de ce prix HT ; qu’à l’appui de son argumentation, elle invoque la part des composants liés à la réception des services de télévision dans le prix de revient total du boitier (modem) mis à disposition de ses abonnés ; que, toutefois, il n’est pas établi que la part des services de télévision dans les coûts effectifs globaux supportés par la société requérante serait proportionnelle à la part des composants liés à la réception des services de télévision dans le prix de revient du modem ; qu’en outre, la société requérante ne fournit aucune précision sur la valeur de marché des services litigieux ; que les éléments produits par la société requérante ne permettent pas d’appréhender la réalité économique des services de télévision litigieux pour l’application de la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit au titre de l’année 2008, quand bien même le rescrit du ministre délégué au budget et à la réforme de l’Etat du 24 décembre 2004 relatif à la part des recettes de l’abonnement « Freebox » soumise au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007 a fait référence à ces éléments ; que la circonstance, à la supposer même établie, que la société aurait procédé dans sa comptabilité et sur les factures d’abonnement à une ventilation de son chiffre d’affaires conforme à ses prétentions, ne lui permet pas d’appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur une part de ses recettes excédant le poids économique des services de télévision dans son offre globale ; qu’ainsi, la société requérante n’est pas fondée à demander que le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée soit appliqué à 56 % du prix de l’abonnement « Freebox » TTC ou, à titre subsidiaire, à 61 % de ce prix HT ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 266 du code général des impôts : « 1. La base d'imposition est constituée :/a) Pour (…) les prestations de services (…) par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; » ;
5. Considérant que les rappels litigieux résultent de la réduction de la part des services de télévision soumis au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée dans le prix global de l’abonnement « Freebox » sans que le service ne remette en cause le montant de la contrepartie reçue par la société requérante au titre de cette offre de services globale ; que la société requérante n’est ainsi pas fondée à soutenir que les rappels ont été établis en méconnaissance du « caractère subjectif » de la taxe sur la valeur ajoutée résultant des dispositions précitées de l’article 266 du code général des impôts ; qu’en outre, ni les dispositions du b octies de l’article 279, ni aucune autre disposition du code général des impôts n’ouvrent à la société FREE SAS la possibilité d’opter pour l’application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée à 56 % du prix de l’abonnement « Freebox » TTC, sans rapport avec la réalité économique des services de télévision offerts ; que la société requérante ne saurait donc invoquer une décision de gestion opposable à l’administration fiscale ; qu’enfin, le 3. de l’article 283 du code général des impôts en vertu duquel l’èmetteur d’une facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée collectée est tenu de ce seul fait de reverser cette taxe au Trésor ne saurait faire obstacle à ce que l’administration remette en cause l’application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à des prestations qui n’en relèvent pas ;
6. Considérant, en troisième lieu, que la société invoque une atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime ; que, d’une part, si pour les années 2004 à 2007, la société FREE SAS a été reconnue fondée à appliquer le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à ses recettes correspondant à 56 % du prix de l’abonnement « Freebox » TTC par un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles n° 10VE01166-11VE01792 du 19 janvier 2012, cet arrêt se prononçait sur le rescrit du ministre délégué au budget et à la réforme de l’Etat du 24 décembre 2004 invoqué par la société et dont l’application est expressèment limitée à la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007 ; que, d’autre part, si pour l’année 2009 l’administration a renoncé à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée notifié à raison de la remise en cause de l’application du taux réduit de la taxe, il n’a pas pris position à cette occasion sur la ventilation de ses recettes entre taux normal et taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, la société FREE SAS n’est pas fondée à invoquer la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
Sur l’interprétation administrative de la loi fiscale
7. Considérant qu’aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 80 B du même livre : « La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (…) » ;
8. Considérant, d’une part, que la société FREE SAS ne saurait valablement invoquer sur le fondement des dispositions précitées l’abandon de rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre de l’année 2009, par une décision non motivée et postérieure à la mise en recouvrement des rappels litigieux ;
9. Considérant, d’autre part, que ni la documentation administrative référencée 3 B-1111, n° 81 du 18 septembre 2000, mentionnée au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-TVA-BASE-10-10-10-20121115 publié le 15 novembre 2012, qui se borne à indiquer que les redevables réalisant des opérations diversement imposées doivent ventiler leurs recettes suivant le mode d’imposition applicable, ni l’instruction 3 L-1-04 publiée au BOI n° 102 du 21 juin 2004 relative au régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la presse et aux produits composites qui précise que cette ventilation doit traduire la réalité économique des opérations imposables et peut s’opérer selon toute méthode ne comportent une interprétation formelle de la loi fiscale au sens et pour l’application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu’enfin, la société requérante, ainsi qu’elle l’admet elle-même, n’entre pas dans les prévisions de la documentation administrative référencée 3 E-2122 du 2 novembre 1996 reprise au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-TVA-DECLA-30-10-20-10-20141117 publié le 17 novembre 2014, laquelle ne s’applique qu’aux entreprises dont l’activité est la revente en l’état de produits ;
10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société FREE SAS n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;
Article 1er : La requête de la société FREE SAS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société FREE SAS et au ministre des finances et des comptes publics.