Téléchargement : une société de jeu vidéo polonaise traque les internautes contrevenant en France
La société polonaise Techland n'était jusqu'à présent connue en France que pour avoir développé un jeu passé quelque peu inaperçu fin 2006 : Call Of Juarez. Mais depuis qu'elle a mandaté une société suisse spécialisée dans la lutte contre le piratage de retrouver les internautes ayant téléchargé et mis à disposition une version illégale de son jeu, l'affaire Techland enfle sur le Net, y compris au-delà de nos frontières.
Tout a commencé par une lettre simple reçue fin mars par quelques centaines d'internautes qui avaient mis le jeu à disposition sur un réseau P2P (pair à pair). Me Elizabeth Martin, spécialiste de droit informatique et propriété intellectuelle installée à Paris, y enjoignait les contrevenants de s'acquitter sous 14 jours de 400 euros de dédommagements au profit de Techland sous peine de poursuites.
Flairant la légèreté de la procédure, certains des internautes incriminés alertent alors le site Ratiatum, spécialisé notamment dans l'information sur les réseaux P2P. En effet, l'article 9 de la loi informatique et libertés n'autorise la collecte d'adresses IP qu'aux autorités publiques et sociétés de gestion collective de droits d'auteur si, et uniquement si, ces dernières ont reçu une autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Le forum dédié de Ratiatum croule rapidement sous les messages, si bien que le site décide d'ouvrir un espace spécifique pour tenir les internautes informés.
FREE A EXÉCUTÉ UNE DÉCISION DE JUSTICE
La collecte des adresses IP des contrevenants faite par la société Logistep AG est au cœur de la polémique. Plutôt que de piéger des copies du jeu afin de transmettre l'adresse IP des ordinateurs sur lesquels une copie pirate fonctionnait comme ce fut le cas il y a plusieurs années dans une autre affaire, c'est par une procédure juridique légale que cette société suisse a obtenu les informations : Free a reçu il y a quelques semaines une ordonnance de requête "Iliad contre Martin/Techland" en date du 22 janvier 2007 prononcée par le président du TGI de Paris, obligeant le fournisseur d'accès à fournir les adresses des "freenautes" ayant téléchargé le jeu sur le réseau eMule en septembre 2006.
Contactée, la société répond qu'elle "a scrupuleusement et strictement exécuté une décision de justice". D'autres fournisseurs d'accès pourraient également avoir reçu une requête similaire récemment. Par ailleurs, le site anglais TorrentFreak annonce qu'une procédure identique est en cours en Grande-Bretagne, à propos du jeu Dream Pinball 3D, et concernerait une vingtaine de fournisseurs d'accès.
LA DÉONTOLOGIE DES AVOCATS EN QUESTION
Dans cette affaire, quelques-uns des principaux intéressés ont tenu à se désolidariser immédiatement : un avocat parisien, qui s'est ému des démarches engagées par sa consœur, a saisi les instances déontologiques du barreau de Paris. Après une réunion le 2 avril, un rapporteur a été désigné pour examiner le fond de la procédure. De son côté, le distributeur français du jeu, Focus Interactive, a cru à un poisson d'avril en découvrant les faits sur Internet. L'avocate, elle, refuse de répondre sur cette affaire.
Source : Le Monde du 05/04/2007