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ZDNetAnalyse -
Free doit faire face aux hésitations des syndics pour installer la fibre dans leurs immeubles et essuie les plâtres d'une technologie qu'il est le seul à utiliser.En septembre 2006, Free était le premier opérateur à annoncer qu'il proposerait une offre fibre optique à 29,99 euros dès la fin 2007. L'offre a bien été lancée, à la mi-septembre, mais assez discrètement. Et pour cause : le FAI du groupe Iliad fait face à de grosses difficultés pour entrer dans les immeubles et y tirer sa fibre. C'est en tout cas ce que rapportent plusieurs observateurs du marché, qui voient mal comment l'opérateur atteindra son objectif de 260 000 foyers éligibles à son offre fibre optique en 2007.
Contacté par ZDNet.fr, Free s'est refusé à tout commentaire. Il précise simplement que son offre est disponible dans quelques quartiers des 15e et 20e arrondissements de Paris. Mais « sous réserve d'éligibilité et des autorisations nécessaires des gestionnaires du domaine public et/ou des propriétaires (ou de leurs représentants habilités : bailleurs, syndics...) des immeubles concernés ». En clair, l'opérateur est toujours en négociations avec la plupart des syndics, et ne peut donc communiquer la liste des immeubles à ce jour raccordés.
Impossible d'obtenir ce chiffre, et encore moins celui des réels clients fibre optique. Selon nos sources, ils seraient seulement quelques dizaines à Paris.
Des syndics prudentsPourquoi cette situation ? Comme les autres opérateurs, Free est confronté à l'hésitation des syndics qui reçoivent des propositions difficiles à comparer. Une situation décrite récemment par l'UFC-Que Choisir, qui nous indiquait faire l'objet d'« un grand nombre de demandes d'aide de la part de syndics et de copropriétaires, qui veulent savoir s'il est opportun d'accepter l'installation de fibre dans leur habitation ». L'association leur recommande d'ailleurs à chaque fois de n'accepter aucune proposition pour l'instant, ce qui ferme encore un peu plus la porte des syndics aux opérateurs.
Free n'est pas le seul à être confronté à cette situation. Mais sa stratégie dans la fibre repose sur sa capacité à être le premier à s'installer dans les immeubles pour louer son infrastructure aux autres opérateurs.
Free, le plus pressé des opérateursUne envie d'aller vite qui rejaillit parfois sur ses méthodes. En juillet dernier, il a été
condamné par la Cour d'appel de Paris pour avoir envoyé en début d'année des brochures publicitaires mensongères à des syndics d'immeubles. Ces documents, comportant le logo de la mairie de Paris, affirmaient que le raccordement des immeubles à un réseau de fibre optique répondait à « une obligation réglementaire ».
Selon nos sources, Orange se hâte moins pour déployer la fibre optique, même s'il convainc plus facilement les syndics grâce à son statut d'ex-opérateur historique. Ce dernier lui permettrait même d'accéder aux immeubles et d'y installer de la fibre parfois sans l'aval des syndics, indiquent aussi nos sources. Ce que réfute Orange, rappelant « être le seul opérateur à avoir rédigé une charte des bonnes pratiques pour l'installation de la fibre dans les immeubles ». Charte qu'il impose à tous ses fournisseurs.
Quant à Neuf, il déploie pour l'instant ponctuellement de la fibre dans certaines régions avec le soutien des collectivités locales, tout en capitalisant sur ses rachats d'opérateurs spécialistes (Erenis à Paris et Mediafibre à Pau). Pour sa part, Numéricâble déploie de la fibre surtout sur son réseau, se contentant ensuite d'utiliser l'infrastructure coaxiale déjà existante dans les immeubles raccordés à la télévision par câble.
Un choix technologique unique...La technologie retenue par Free peut aussi être un frein supplèmentaire au déploiement. Le groupe Iliad a opté pour un réseau en FTTH de type EFM P2P, « point à point », c'est-à-dire qu'il veut tirer une fibre par abonné, depuis son réseau jusqu'aux prises murales du client.
Ce choix technique est censé offrir le plus de bande passante et surtout, ensuite, une grande facilité pour louer chaque fibre aux autres éventuels opérateurs. Mais il entraîne un plus gros volume de fibres à tirer.
Les autres opérateurs raccordent plusieurs clients sur une même fibre (FTTH GPON avec 64 clients par fibre chez Neuf et Orange) ou tirent simplement de la fibre jusqu'à l'immeuble (FTTB chez Neuf Cegetel en régions ou Numéricâble).
... mais qui a ses contraintes Pour couronner le tout, Free a voulu développer une version très spécifique du FTTH point à point. Le FAI aurait souhaité tirer le meilleur de cette technologie au meilleur prix, en créant de toute pièce une infrastructure ultra-propriétaire. Plus d'une centaine de brevets auraient été déposés pour couvrir ce système, baptisé Iliad P To P. Revers de la médaille : l'opérateur essuierait les plâtres d'une technologie non éprouvée. Il aurait pas exemple prévu une nombre très élevé de fibres par câble, ce qui entraînerait des problèmes techniques tels que le déchirements des gaines. Des défaillances qui ralentiraient les déploiements, en multipliant les interventions des installateurs.
L'opérateur a prévu d'investir un milliard d'euros pour développer son architecture en fibre optique jusqu'en 2012. À cette date, il entend toucher plus de dix millions de Français, soit quatre millions de foyers raccordables.
Après les 15e et 20e arrondissements parisiens, Free prévoit de déployer son réseau fibre dans le 1er, le 5e et le 19e, ainsi que dans certains quartiers de villes de province, dont Marseille, Montpellier et Valenciennes (disponibilité annoncée : deuxième trimestre 2008). Il s'agit des zones où il possède au moins 15% de parts de marché.
ZDNet France Par Christophe Guillemin
31 octobre 2007