Auteur Sujet: Blackout électrique en Espagne et au Portugal, le 28 avril 2025  (Lu 32609 fois)

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alain_p

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Blackout électrique en Espagne et au Portugal, le 28 avril 2025
« Réponse #360 le: Hier à 23:03:10 »
- "il n'y avait pas assez d'inertie dans le système"
Le blackout n'est pas lié à un manque de production et/ou une instabilité de la fréquence. La chute de fréquence est la conséquence de la mise en sécurité (à tort ou à raison) de producteurs, y compris conventionnels, face à une tension qu'ils jugeaient anormalement élevée à leur point d'interconnexion.

Je crois que tu oublies un peu vite le récapitulatif du rapport REE que j'ai déjà cité. Il y a eu deux périodes d'oscillations forcées de fréquence de 0.6 HZ générées par la centrale PV de Nunez de la Balboa d'Iberdola, qui ont déstabilisé le réseau, suivie d'une variation plus naturelle de 0.2 Hz, originaire d'Europe centrale, qui en temps normal aurait été aisément maitrisée, qui s'est rajoutée. Ces fluctuations n'ont pas pu être rattrapées par les centrales conventionnelles :

1. Forced oscillation at 0.6 Hz, possibly originating in a photovoltaic power plant in the province of Badajoz, triggers system-altering protocolized actions. Shunt reactors are operated, lines are coupled due to oscillations, and schedules are modified. (N-1)

2. Natural oscillation at 0.2 Hz triggers further system-altering protocolized actions. Shunt reactors are operated, lines are coupled due to oscillations, and schedules are adjusted. (N-2).

3. Generation under P.O. 7.4 does not absorb the required reactive power. (N-3).


Citer
Les centrales pilotables sont nécessaires pour servir de moyens de réserve et d'ajustement si la production ENR ne peut pas satisfaire la consommation. L'hydraulique (barrages et STEP) est d'ailleurs plus adapté que le nucléaire pour effectuer ce travail, mais ce qui est le plus efficace pour stabiliser un système, c'est les parcs de batterie grid scale (et donc de l'électronique de puissance, j'ai dit un gros mot? :-))

Il n'y a pas de "si", il est clair que les EnR, en tout cas les centrales solaires, ne vont pas pas satisfaire la consommation la nuit. Et la nuit, ce n'est pas seulement 3h du matin, où la consommation est plus faible, mais 20h le soir et 7h le matin, où on a les pics de consommation les plus forts, et où il fait nuit l'hiver. Et on ne va pas compter de façon fiable sur l'éolien, on sait que l'on a des périodes qui peuvent être longues avec peu de vent.

Et pour les barrages hydroélectriques, en cas de sécheresse, et si l'eau est déjà descendue dans la vallée, il ne vont pas non plus produire beaucoup. Et même s'il y a de l'eau, ils ne peuvent pas satisfaire toute la demande

Pour le stockage dont tu parles, on sait que dans le monde, on est largement en dessous de 1% de la capacité de production, et cela parait utopique de penser qu'il pourrait permettre de passer une nuit, déjà d'hiver, mais même d'été.

Pour ce qui est de se passer du nucléaire, on voit ce que cela donne en Allemagne, où ils l'ont fait. Ils sont obligé de compter sur le charbon et le gaz pour avoir des sources de production d'électricité pilotables, et sont en moyenne à un facteur 10 supérieur d'émissions de C02 pour générer leur électricité par rapport à la France. La belle réussite ! Et tout cela malgré leurs énormes capacités de production de solaire et d'éolien. Voir ci-dessous à 22h.

Ton discours me parait très théorique et science-fiction, et pas du tout ancré dans la réalité de ce que l'on observe tous les jours.

Steph

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Blackout électrique en Espagne et au Portugal, le 28 avril 2025
« Réponse #361 le: Aujourd'hui à 07:50:39 »
@alain_p
Tu mélanges deux problèmes qui n'ont rien à voir techniquement.

- L'approvisionnement en énergie primaire (PV, éol) discontinu, et (Nuc, gaz, charbon) continu.

- La régulation en fréquence et en tension du réseau.

Le PV peut réguler le réseau en tension même la nuit s'il est bien configuré!
Et en tout cas, il peut le faire le jour quand il y a du soleil.

Ce qui n'a pas été fait en Espagne, visiblement...

alain_p

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Blackout électrique en Espagne et au Portugal, le 28 avril 2025
« Réponse #362 le: Aujourd'hui à 08:23:01 »
Le PV peut réguler le réseau en tension même la nuit s'il est bien configuré!

Affirmation originale !

Steph

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Blackout électrique en Espagne et au Portugal, le 28 avril 2025
« Réponse #363 le: Aujourd'hui à 08:46:27 »
Affirmation purement technique qui n'a rien d'original. Simon l'a dit aussi, il me semble bien.

La régulation de valeur efficace de tension, c'est de la puissance réactive, ie échangée périodiquement à 100Hz entre producteur et consommateur.

Ce que ne peut pas faire le PV la nuit, c'est de fournir de la puissance active, donc de réguler la fréquence.

simon

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Blackout électrique en Espagne et au Portugal, le 28 avril 2025
« Réponse #364 le: Aujourd'hui à 10:39:00 »
Il y a eu deux périodes d'oscillations forcées de fréquence de 0.6 HZ générées par la centrale PV de Nunez de la Balboa d'Iberdola, qui ont déstabilisé le réseau, suivie d'une variation plus naturelle de 0.2 Hz, originaire d'Europe centrale, qui en temps normal aurait été aisément maitrisée, qui s'est rajoutée. Ces fluctuations n'ont pas pu être rattrapées par les centrales conventionnelles :

1. Forced oscillation at 0.6 Hz, possibly originating in a photovoltaic power plant in the province of Badajoz, triggers system-altering protocolized actions. Shunt reactors are operated, lines are coupled due to oscillations, and schedules are modified. (N-1)
Je ne lis peut-être pas le rapport correctement, mais juste pour clarifier ma compréhension de ce qui est écrit : la valeur de 0.6Hz fait référence à la fréquence d'oscillations de *variation de puissance active* délivrée par une centrale solaire de ~250MW. Elle ne fait pas référence à une déviation de 0.6Hz autour de 50Hz du système électrique, qui à ce stade était toujours connexe et synchrone avec la plaque continentale européenne.
De la même facon, lorsqu'ils parlent d'oscillations à 0,2Hz, ils ne parlent pas d'une variation de la fréquence de 200mHz.

Une oscillation de la fréquence du système de 50+-0.3Hz aurait provoqué un découplage quasi instantané de la péninsule ibérique avec la France sur critère de perte de synchronisme, qui, elle, était stable autour des 50Hz.



On voit ici que la puissance active échangée entre la France et l'Espagne oscille selon deux composantes :
- une à 0.2Hz caractéristique de la plaque européenne, semble-t-il, donc avec une période de 10s,
- une à 0.6Hz causée par la variation de production de puissance active de la centrale solaire en question, avec une période de 1.5Hz.
Ces oscillations ne causent pas de déviation notable de la fréquence de la plaque européenne, car +-200MW (donc 400MW au bas mot, à la lecture de ce graphe) n'est pas significatif.
Comme le système européen est synchrone, il est "solidaire", si je puis dire, et cette variation est compensée par les interconnexions France<>Espagne tant que des moyens de prod Espagnols ne sont pas mobilisés pour les compenser.
Il est très difficile de compenser une telle variation avec des moyens de prod conventionnels (surtout si on en a peu couplés à ce moment là), car on joue sur le régime à la hausse et à la baisse en permanence. La variation des contraintes physiques permanente n'est pas bonne pour ces machines, mais cela passe sans problème sur des batteries, par exemple. Et ca, j'ai déjà vu faire à plus petite échelle.

Ces fluctuations, d'après les explications préliminaires de REE, seraient dues à un dysfonctionnement de contrôle-commande interne à la centrale PV.
Ce n'est pas dit explicitement, mais vu qu'on sait maintenant avec certitude que les centrales solaires espagnoles injectent à cos phi fixe, on sait que la variation de puissance active va aller de paire avec une variation de puissance réactive, et donc créer des oscillations de tension. C'est ce que dit REE au chapitre 2.2, section "Event 1".
Citer
the oscillation caused a de-crease in average voltage, with fluctuations reaching up to 30 kV in the most extreme cases, ranging between 375 kV and 410 kV depending on the substation.

Pour contrer cette perturbation "forcée" de tension ("induite, du fait d'un dysfonctionnement" serait un meilleur terme, mais je comprends la position de REE qui l'a subie), REE a mobilisé des moyens de production thermiques et "mange" donc dans leur capacité à régler la tension.
REE ne parle nulle part de perturbation du système due à la variation de production de puissance active. +-200MW sur la plaque continentale européenne, ce n'est pas énorme, certainement pas au point de déstabiliser la fréquence. Pour rappel, il y a plus de 3GW de réserve primaire (FCR) *minimum* en tout temps mobilisés par l'ENTSO-E. Et ca, ce n'est que la réserve primaire, mobilisable en moins de 15-30s.

Encore une fois, ce rapport parle de variations de tensions. C'est cela qui a causé un blackout. La variation de fréquence du système n'est que la conséquence d'une perte en cascade de moyens de production liées à leur déconnexion sur critère de surtension/mise en sécurité. Il n'y a pas eu de déficit de productible (solaire, vent, eau, combustible nucléaire, gaz. etc.) ni de perte de production de puissance active seule.
Il n'y a pas eu de manque d'inertie dans le système espagnol ce jour là, et REE le dit dans ces mots en début de son rapport.

Il n'y a pas de "si", il est clair que les EnR, en tout cas les centrales solaires, ne vont pas pas satisfaire la consommation la nuit. Et la nuit, ce n'est pas seulement 3h du matin, où la consommation est plus faible, mais 20h le soir et 7h le matin, où on a les pics de consommation les plus forts, et où il fait nuit l'hiver. Et on ne va pas compter de façon fiable sur l'éolien, on sait que l'on a des périodes qui peuvent être longues avec peu de vent.
[...]
Pour le stockage dont tu parles, on sait que dans le monde, on est largement en dessous de 1% de la capacité de production, et cela parait utopique de penser qu'il pourrait permettre de passer une nuit, déjà d'hiver, mais même d'été.
On est assez d'accord, mais je crois qu'on parle d’échelles de temps différentes.
Je parle ici de stabilité du système électrique, qui comme on le voit peut tomber en quelques minutes voire secondes. Je parle de gestion de l'adéquation entre la production et la consommation pour stabiliser la fréquence à tout moment, et de capacité nécessaire à régler la tension, période par période.
On est au pas de la seconde, de la minute, éventuellement de l'heure si on prend en compte les variations induites par les marchés.

Je pense que tu parles d'une échéance beaucoup plus longue, comme les journées, les semaines et les saisons. Et dans ce cas, je suis d'accord de dire que les moyens de production dispatchables sont nécessaires pour garantir la couverture en énergie dans les moments où les ENR ne produisent pas suffisamment pour satisfaire la consommation.

Pour ce qui est de se passer du nucléaire, on voit ce que cela donne en Allemagne, où ils l'ont fait. Ils sont obligé de compter sur le charbon et le gaz pour avoir des sources de production d'électricité pilotables, et sont en moyenne à un facteur 10 supérieur d'émissions de C02 pour générer leur électricité par rapport à la France. La belle réussite ! Et tout cela malgré leurs énormes capacités de production de solaire et d'éolien. Voir ci-dessous à 22h.
Le cas de l'Allemagne est différent de celui de la péninsule ibérique pour plein de sujets et on dévie beaucoup de ce topic (on se rapproche plus de la question de la nécessité ou non d'avoir des centrales nucléaires).

Le fait que l'Espagne soit capable d'intégrer 60% de solaire + 10 % d'éolien plusieurs heures par jour à ce stade de sa transition montre qu'il est possible de satisfaire une partie de l'*énergie* et la majeure partie de la *puissance* avec des ENR intermittentes à certains moments de la journée.

La stabilité du système peut être assuré par de l'électronique de puissance et des sources ENR en grande majorité *aux heures ou le productible ENR est suffisant pour couvrir la consommation*. C'est tout ce que je dis.

Maintenant, si on ajoute des flexibilités de charge automatiques, on adapte le système aux variations de productible ENR et on diminue le besoin en stockage et moyens dispatchables conventionnels. On n'en est pas encore là à grande échelle (un peu dans certains états aux US, mais clairement pas chez nous), c'est donc off topic ici, même si c'est la suite logique de la transition.

Ton discours me parait très théorique et science-fiction, et pas du tout ancré dans la réalité de ce que l'on observe tous les jours.
C'est ton avis et je le respecte.
L'Espagne (et le Portugal, plutôt axé éolien que solaire avec un ratio de ~2x) montre qu'il est possible de faire fonctionner un système électrique de façon stable avec un taux de pénétration d'ENR intermittentes de 70%, voire un peu plus. Je parle de *puissance*, au pic solaire, pas d'*énergie* sur les *saisons*.
La Californie est un bel exemple de système en transition vers un mix ENR très important, avec un peu de nucléaire (2.28GW pour une conso d'environ 30GW), des capacités solaires très importantes (23.4GW) et une base installée de batteries grid scale écrasant toute concurrence (11.9GW fin 2024), de l'éolien modeste (6.2GW), de l'hydraulique et 31GW de centrales à gaz (!).

Ce que je tente de dire dans ce thread est que c'est techniquement possible sans causer de blackout. Je ne dis pas qu'il ne faut pas de nucléaire, et d'ailleurs, si on en a, il vaut mieux qu'on l'utilise plutôt que de brûler d'autres combustibles fossiles à mon sens (je suis loin d'être anti-nucléaire, si cela a besoin d'être dit... je sais que c'est un sujet épineux en France).

Affirmation purement technique qui n'a rien d'original. Simon l'a dit aussi, il me semble bien.
La régulation de valeur efficace de tension, c'est de la puissance réactive, ie échangée périodiquement à 100Hz entre producteur et consommateur.
Ce que ne peut pas faire le PV la nuit, c'est de fournir de la puissance active, donc de réguler la fréquence.
Exact, je n'aurai pas dit mieux.
Pour régler la tension, on échange du courant réactif (capacitif ou inductif), qui modulo les pertes ohmiques est *neutre* en énergie. Un onduleur n'a donc pas besoin de source d'énergie dans laquelle puiser pour générer ce courant. Il couvre ses pertes en tirant un peu de puissance active sur son côté AC, mais c'est insignifiant par rapport à sa puissance nominale.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on peut régler la tension avec des inductances et des condensateurs: pour changer le facteur de puissance d'un système et influer sur la tension, le besoin en énergie n'est que celui des pertes. L'énergie réactive absorbée par l'onduleur dans une demi-période est restituée à la seconde demi-période, l'échange est neutre.

Les centrales solaires peuvent donc toutes participer au réglage de tension, même sans productible PV. Il en va de même pour les centrales éoliennes ou les batteries.
J'ai le panneau de supervision d'un onduleur de 4MVA sous les yeux connecté à une batterie quasiment déchargée. Il ne fournit pas de puissance active mais compense le facteur de puissance d'un site industriel à hauteur de ~800kvar. Il n'y a pas d'énergie puisée dans la batterie (qui est vide et dont le BMS veille à ce qu'on ne tire pas plus dessus) puisqu'il ne fait que du réactif. Dans la journée, lorsque l'énergie sera moins chère pour cet industriel, la batterie se rechargera.

EDIT: tiens d'ailleurs, il est 11h, il commence à charger doucement.

« Modifié: Aujourd'hui à 11:00:38 par simon »