Un grand nombre de posts sur le sujet (ici ou ailleurs) semble uniquement se focaliser sur l'attaque sur la liberté d'expression, le (non) chiffrage de l'app, le E2EE, la volonté d'avoir accès aux communications personnelles, etc. Bref, les sujets habituels quand on parle des messageries.
Sauf qu'ici, ce n'est pas la messagerie interpersonnelle de Telegram qui est visé par la justice, mais les Channels de Telegram qui sont un espace public de discussion et d'échange. Ces espaces sont équivalents pour la loi française aux espaces fournis par Facebook ou Twitter. Pour ceux qui ne savent pas, les Channels sont l'équivalent d'un feed Facebook ou forum où vous postez ce que vous voulez. Vous y trouverez toute sorte de choses illégales comme les contenus CSAM reproché ici, mais aussi achat de drogues (via le service "autour de moi"), services de spam, vente de listes de données personnelles volés, services phishing (il y a plusieurs dossiers d'investigation dans la presse / Youtube sur ces arnaques téléphoniques et SMS qu'on reçoit tous les jours, c'est via des Channel Telegram), probablement du terrorisme, et plein d'autres choses nauséabondes.
La justice française reproche à la société mère de Telegram de ne pas répondre aux requêtes de la police judiciaire (notamment les demandes de suppression de contenus illégaux). Je rappelle que la loi française LCEN (depuis déjà un certain temps) oblige tous les hébergeurs de contenu (Twitter, Facebook, Google mais aussi AWS, Gcloud, Azure, OVH, Scaleway, etc.) a retiré les contenus à partir du moment où l'hébergeur en prend connaissance a posteriori.
Telegram n'ayant pas d'existence légale en France, la justice n'a pas beaucoup de moyens de faire quoique ce soit pour obliger Telegram (une société domiciliée à Dubai) à répondre à ses obligations en tant que société qui propose ses services au public français. Par contre (et c'est le truc louche), le CEO est naturalisé français et a fait l'erreur (?) d'avoir mis un pied sur le territoire français. Je rappelle qu'en tant que dirigeant, il est le responsable légal d'une entreprise et que ses décisions (de ne pas répondre aux requêtes judiciaires) peuvent lui être reproché personnellement.
Avant de sombrer dans les récits conspirationnistes (backdoor, atteinte au secret de correspondance, etc.), pour moi, cette arrestation ne met pas en péril les applications de messagerie comme Signal ni même le E2EE. Le CEO va se prendre une lourde peine "exemple" et surtout l'obligation de mettre en place des équipes de modérations et de répondre aux requêtes judiciaires comme le font déjà toutes les plateformes publiques mondiales.
Ce n'est pas une remise en cause des messageries chiffrées mais plutôt responsabiliser Telegram sur la modération des contenus illicites diffusés via leur plateforme publique.