Auteur Sujet: Le nucléaire  (Lu 174201 fois)

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renaud07

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Le nucléaire
« Réponse #1116 le: 05 décembre 2022 à 22:18:20 »
Idem.

Même si j'en avais eu l’opportunité, je crois que je n'y serais pas allé non plus : Trop grand, trop de monde, impersonnel, l'impression d’assister à une conférence... Définitivement pas pour moi.

Anonyme

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Le nucléaire
« Réponse #1117 le: 06 décembre 2022 à 11:19:40 »
Article de fond sur le sujet, article de Décembre 2022 dans le journal des anciens élèves de l'écôle Polytechnique.
Auteur  Bernard SALHA (X81)


En l’espace de quelques mois, le nucléaire a changé d’époque. Il est désormais reconnu comme une partie de la solution à la crise énergétique que nous connaissons. Quelques ingrédients pour réussir ce nouveau printemps du nucléaire. Le présent article n’engage bien sûr que son auteur.

Depuis l’automne 2021, le paysage énergétique a changé d’époque. La relance économique qui a suivi le cœur de la crise Covid a conduit à une augmentation très forte des prix de l’énergie et de l’électricité en particulier. La guerre en Ukraine en février 2022 a accéléré cette tendance. En août 2022, en pleine période de calme estival, les prix de l’électricité ont dépassé les 1 000 €/MWh, du jamais vu. Rappelons qu’ils se situaient depuis plus d’une quinzaine d’années dans une bande de 30 à 80 €/MWh. L’Europe de l’énergie est en crise et cherche des voies de refondation.

Les enjeux de la crise sont simples à énoncer
Il y a tout d’abord la soutenabilité des prix, nos amis anglo-saxons diraient des prix affordable. Nous avons besoin de prix acceptables par les clients particuliers comme par les industriels. Sans cela, c’est la promesse de mouvements sociaux et d’arrêts d’activité économique.

Ensuite la souveraineté : la quasi-fermeture du gazoduc Nord­ Stream montre le risque à s’appuyer sur des ressources extérieures à l’Union européenne. Dans ce contexte, nous sommes soumis à des considérations géopolitiques dont l’effet peut être extrêmement rapide et de très forte amplitude. Les ressources en gaz sont importantes dans le monde, il n’y a pas dans l’absolu de risque de pénurie. En revanche le temps d’adaptation est long et incompatible avec le fonctionnement de nos économies. Le risque de souveraineté est un risque de gestion de transition et de vitesse d’adaptation.

L’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 enfin, en éliminant en solde net (bilan neutre des émissions et des compensations) les émissions anthropogéniques de CO2 dans l’atmosphère. Cet enjeu emporte également des exigences sur la biodiversité et témoigne d’une très forte sensibilité des opinions publiques, exacerbée par les événements climatiques extrêmes récents (par exemple canicule de l’été 2022, inondation de la Roya et de la Vésubie en France, inondations en Allemagne).

Le « tsunami » de régulations européennes en cours de discussions et d’élaboration (Fit for 55, REPowerEU, évolutions du market design…) atteste de cette prise de conscience de nos politiques et de leur volonté d’agir, mais aussi de la difficulté à trouver des solutions rapides et partagées.

Le nucléaire devient un outil incontournable du mix électrique
Le nucléaire répond incontestablement aux trois objectifs ci-dessus. À ce titre il reçoit des manifestations d’intérêt très fortes de nombreux gouvernements et de compagnies d’électricité. Il est complémentaire des énergies renouvelables qui possèdent des qualités similaires, mais qui ne fonctionnent pas en base.

Le cas des réacteurs existants
Aujourd’hui, les tranches nucléaires françaises, handicapées par la désorganisation industrielle liée à la crise Covid et touchées par le phénomène de corrosion sous contrainte, sont attendues pour réussir l’équilibre offre-demande de l’hiver 2022. Elles sont un élément incontournable du paysage électrique français et considérées comme telles, par les pouvoirs publics, par les clients particuliers comme par les industriels. Le parc nucléaire français est bien géré. EDF a mis la sûreté nucléaire en priorité, en décidant d’arrêter pour contrôle et remplacement douze réacteurs en 2022 face à un phénomène inattendu, sérieux en matière de sûreté et d’ampleur significative. Le retour progressif en exploitation de ces réacteurs est attendu et il montre leur caractère incontournable dans notre mix électrique. D’autres pays européens comme la Belgique et même l’Allemagne ont également décidé de poursuivre l’exploitation de réacteurs existants. La Belgique va prolonger pour dix ans deux de ses réacteurs, alors même qu’en ce début d’année 2022 elle prévoyait de les fermer. L’Allemagne a aussi décidé à mi-octobre de prolonger de quatre mois trois de ses derniers réacteurs encore en exploitation.

Alors même que plusieurs tranches françaises viennent de passer avec succès leur quatrième visite décennale, le Président de la République a annoncé, lors de son discours de Belfort de février 2022, l’intérêt de prolonger au-delà de 50 ans le fonctionnement des réacteurs « qui peuvent l’être », sous réserve que les conditions de sûreté soient remplies. Aux États Unis, plusieurs réacteurs ont obtenu la licence pour 60 ans et quelques-uns pour 80 ans. L’intérêt de poursuivre l’exploitation des réacteurs dans la longue durée en toute sûreté est la meilleure solution économique.

La construction de réacteurs neufs
Du discours de Belfort, avec l’annonce du lancement de six EPR2 en France, en passant par la volonté britannique de lancer le projet de Sizewell, duplication du projet d’Hinkley Point en cours de réalisation, aux annonces suédoises de mi-octobre, à l’appel d’offres tchèque en cours, de nombreux pays européens manifestent l’intérêt d’inscrire dans le long terme la production d’électricité par des centrales nucléaires, en engageant de nouveaux programmes. Ces réacteurs viennent toujours en complément de grands programmes de développement du renouvelable. Du fait de sa flexibilité, connue depuis longtemps en France, le nucléaire est capable de s’adapter aux évolutions de charge et de la demande non satisfaite par la production renouvelable.

“Toujours en complément de grands programmes de développement du renouvelable.”

Par ailleurs, les analyses des scénarios énergétiques, telles que celles du RTE français d’octobre 2021, montrent qu’il y a un bénéfice économique fort à y inclure une part nucléaire significative. Les coûts d’investissement sont ainsi plus bas. En présence d’énergies renouvelables, le temps de fonctionnement des centrales est moindre ; en revanche il se fait dans des périodes où les coûts sont élevés. Côté réduction des émissions de carbone anthropique, le GIEC a aussi marqué son intérêt de façon explicite, tout en indiquant plusieurs défis à surmonter. C’est bien ces défis que nous proposons d’aborder maintenant.

L’enjeu premier du nucléaire reste la sûreté
Prolonger la durée de fonctionnement des réacteurs conduit à des programmes de rénovation, appelée le grand carénage en France, qui consiste à remplacer les équipements en fin de vie et à augmenter encore le niveau de sûreté des réacteurs en tirant profit des dernières innovations technologiques. Après leur 4e visite décennale, les réacteurs de 900 MWe français vont ainsi intégrer un renforcement du soubassement (« le radier ») du bâtiment réacteur pour faire face à un accident de fusion du cœur du réacteur. Tous les réacteurs intègrent aussi les modifications issues des enseignements de l’accident de Fukushima en mars 2011.

L’enjeu financier est important dans l’absolu (45 milliards pour le grand carénage des 56 réacteurs français, soit moins de 1 M€ par MW), mais sans commune mesure avec la construction de centrales neuves nucléaires ou de renouvelable (l’éolien offshore coûte entre 2 et
5 M€/MW par exemple). Mais l’enjeu est avant tout industriel. Il s’agit de disposer des ressources techniques expérimentées permettant de réaliser l’ensemble de ces travaux dans un contexte où notre pays a vu ses savoir-faire industriels se fragiliser dans tous les secteurs, dans un contexte de forte désindustrialisation française. La filière nucléaire française regroupe environ 200 000 emplois. Elle est aujourd’hui d’ores et déjà en très forte charge. Renforcer les formations techniques, montrer aux jeunes l’intérêt des métiers industriels, s’inscrire dans la durée pour permettre aux acteurs industriels d’investir dans des outils de production, c’est la première des priorités.

Les nouvelles centrales donnent la perspective nécessaire pour mobiliser notre industrie
Construire six réacteurs en France mobilisera plus de 60 000 emplois pendant la phase de construction et plus de 10 000 pendant la phase d’exploitation. La cible pour la prochaine décennie pour la filière française est de 300 000 emplois.

Le nucléaire reste une industrie de pointe et les centrales sont des machines complexes. L’expérience des projets EPR (Flamanville comme Olkiluoto), mais aussi celle des AP1000 aux USA (où la construction de deux réacteurs a été abandonnée alors que 50 % des travaux avaient été réalisés), montre que le chemin est difficile. L’EPR2 est un modèle EPR à la conception simplifiée (par exemple une seule enceinte de confinement et non plus deux), avec des équipements standards, où le nombre de références est réduit et pour lequel des préfabrications plus nombreuses sont possibles. Il tire ainsi les enseignements des EPR en cours de construction (un à Flamanville, deux à Hinkley) ou déjà en exploitation (deux à Taishan, un à Olkiluoto). Sa construction va en être facilitée.

La clé de la réussite est l’effet série
Donner aux entreprises la possibilité de dupliquer les méthodes, les outils, les équipements, le personnel sur des projets identiques et sur la longue durée (plus de vingt ans pour les six EPR) est un facteur majeur de succès. C’est ce qui a permis de réussir la construction du parc français. Le Contrat programme n° 1 engageait plus de 10 réacteurs 900 MWe. Le succès a été au rendez-vous, même si des aléas d’apprentissage ont été rencontrés. Autre exemple, la centrale de Ling Ao en Chine, copie de celle de Daya Bay, a été réalisée en 56 mois avec six mois d’avance sur le planning. L’effet série est le modèle industriel à suivre. Le choix d’engager en même temps 6 réacteurs EPR2 en France est structurant.

Il faut dès à présent se donner les moyens de réussir
Aux côtés des énergies renouvelables, pour les pays qui en font le choix, le nucléaire possède aujourd’hui le potentiel pour être un élément de la solution des grands enjeux énergétiques que nous vivons. Le nucléaire est une industrie de long terme ; transformer ce potentiel en réussite requiert de se donner une vision d’ensemble et de voir loin.

Il faut d’abord dresser le paysage d’ensemble. Les réacteurs existants et futurs ne sont qu’une partie du dossier. Le cycle du combustible et le devenir des usines associées, celles qui enrichissent l’uranium, fabriquent le combustible, comme celles qui le recyclent doivent être incluses dans le scénario d’ensemble. Il en est de même de la recherche et de l’innovation et des installations d’essais « chaudes », c’est-à-dire qui permettent l’examen de matériaux irradiés. Il en est encore de même des déchets de faible, moyenne et haute activités. Pour ces derniers, le projet Cigéo est en bonne voie.

Le lien avec la propulsion navale, en France, doit être maintenu voire renforcé, pour mettre à disposition de nos armées le meilleur des technologies civiles disponibles et pour bénéficier en retour de leur agilité et de leur dynamisme sur les réacteurs de petite taille.

Enfin l’horizon de fermeture du cycle, c’est-à-dire la fin de consommation d’uranium naturel, est à définir, dans la deuxième moitié du siècle, en tirant profit des AMR qui seraient des succès. La taille de la filière nucléaire française et la nature de ses compétences dépendront de ces choix. La cartographie française du point de passage à atteindre en 2050, avec les différents jalons intermédiaires 2030 et 2040, n’existe pas aujourd’hui et reste à tracer…

Le dialogue avec l’Autorité de sûreté nucléaire
Le renouvellement du dialogue avec l’Autorité de sûreté nucléaire est un autre élément clé du paysage, tant l’aspect sûreté est essentiel pour le devenir du nucléaire et sachant que les modalités actuelles de fonctionnement ont été mises au point progressivement depuis plus de 40 ans. Clarifier les rôles respectifs de l’ASN et de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), celui des groupes d’experts (groupes permanents) ! Donner de la visibilité sur les évolutions futures qui seront requises – s’adapter au changement climatique – sachant que les règles de sûreté des réacteurs à eau de génération 3, y comprises transposées aux réacteurs existants, semblent constituer une référence difficile à dépasser (en termes de coûts versus bénéfices). Examiner les conditions de la poursuite d’exploitation des réacteurs jusqu’à 60 ans et pour certains au-delà. Poursuivre le dialogue de type harmonisation des règles avec les autres régulateurs, tout particulièrement européens, comme c’est déjà bien amorcé dans le EU SMR pre-partnership. En matière de sûreté, comme sur bien d’autres sujets, nous aurons raison ensemble. Le nucléaire est aussi une des rares industries où un accident chez un exploitant et son régulateur a des conséquences sur tous les autres. Que se passerait-il si un incident avec rejet radioactif survenait dans une centrale de l’Union européenne ? La logique de base est de ne pas exclure à 100 % un accident, mais d’en limiter le plus possible la probabilité et les conséquences, de prévoir et expérimenter (exercices de crise) des mesures de lutte postaccidentelle, et dans tous les cas de cantonner les produits radioactifs dans les bâtiments de la centrale.

Les SMR et AMR : un nouveau dynamisme technique, financier et humain
Les petits réacteurs modulaires à eau (SMR, Small Modular Reactors) ou de type avancé, génération IV (AMR, Advanced Modular Reactors), poussent à son terme la logique industrielle de l’effet série et créent un nouveau dynamisme, un véritable nouveau printemps du nucléaire.

Le principe des SMR est de réaliser des petits réacteurs en série (puissance du réacteur inférieure à 300 MWe et en général de l’ordre de 150 MWe) sur la base de modules construits en usine. Ils visent ainsi à limiter les risques des grands chantiers, inhérents à la construction des grandes centrales. Couplés par ensembles de deux ou plusieurs réacteurs, ils permettent d’accéder à une large gamme de marché, de 100 à 900 MWe. Leur petite taille, cohérente avec celle de hub industriel, permet la production alternativement d’électricité mais aussi d’hydrogène ou de chaleur.

Les AMR, réacteurs généralement à spectre rapide, permettent la réduction des déchets, une meilleure utilisation de l’uranium naturel ou la production de très haute température (supérieure à 500° C). Leur technologie à base de caloporteur plomb, sodium, sels fondus ou hélium est beaucoup plus innovante et ne sera disponible qu’après les SMR à eau (post-2030-2035). Ils ont également l’intérêt d’assurer potentiellement la soutenabilité de la filière, avec la fermeture du cycle et le recyclage continu du combustible.

Ces différents réacteurs donnent lieu à une effervescence de start-up et à un vrai intérêt de la communauté financière. Plusieurs projets très innovants font ainsi l’objet de développements financés à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros ou de dollars (TerraPower, X-energy, Newcleo, par exemple). En outre de toutes petites sociétés de quelques personnes voient également le jour. Les défis technologiques sont majeurs ; pour autant l’entrepreneuriat est là et cela ne s’était véritablement jamais produit jusqu’à maintenant dans la filière.

Et les investisseurs…
Il faut aussi attirer et rassurer les investisseurs effrayés par des durées de construction longues, semées d’embûches, en réduisant les risques industriels par effet série comme indiqué plus haut, mais aussi en prévoyant des rémunérations sûres sur le long terme. La taxonomie européenne toute récente sur le nucléaire donne une bonne direction pour les investisseurs. Il faut aller plus loin sur le financement des projets. Deux voies sont possibles : garantir une fourchette de revenus sur la durée avec un mécanisme d’incitation sur le coût de construction, ou prévoir une part de financement garanti en cours de construction par l’État. L’objectif est de réduire le coût du capital, structurant dans le prix final de l’électricité.

L’impératif européen
En matière industrielle, la question des moyens humains et industriels à former et à engager est très importante, comme vu ci-dessus. Aujourd’hui les pays de l’Union européenne disposent de moyens industriels importants en la matière, plus d’un million d’emplois selon Nuclear-europe. Même les pays qui n’envisagent pas de construire abritent des industriels puissants (contrôle-commande en Allemagne, mécanique et tuyauterie en Italie, par exemple). Quant aux 12 ou 13 pays like-minded, ceux qui veulent exploiter ou construire, faisons-en des alliés industriels et pas seulement des acheteurs de la technologie française.

“Mutualiser les efforts et créer une solidarité de fait.”

L’enjeu essentiel européen est l’accélération du redémarrage de la construction neuve au-delà des pays qui n’ont jamais cessé d’exploiter et de construire (France, UK, Finlande, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie…). Nous ne pourrons pas non plus développer des réacteurs nouveaux innovants (les AMR) et créer de nouvelles filières de façon isolée dans chaque pays. Les pays européens n’en ont pas les moyens. Il nous faut créer des alliances européennes sur ces nouveaux projets. Il nous faut aussi davantage associer ce paysage industriel européen dans nos projets français. Cela permettra de mutualiser les efforts et de créer une solidarité de fait. Nous ne réussirons pas seuls.

Créer la confiance dans la durée
Nous avons enfin besoin de stabilité dans la feuille de route définie. Sa définition est un choix majeur de politique énergétique et relève à ce titre du politique. Pour autant, une fois définie, il faut inscrire cette politique dans la durée et la stabilité (période vingt à trente ans) et la mettre à l’abri de débats politiciens de court terme. Peut-être nos gouvernements peuvent-ils imaginer des dispositifs juridiques le permettant, ce serait souhaitable. La loi Bataille de 1991 sur les déchets nucléaires, avec les trois axes qu’elle définissait, est un bon exemple méthodologique de la construction d’une telle logique. Car c’est bien la confiance qu’il faut continûment bâtir, et elle se bâtit dans la durée : seule la confiance de notre régulateur sûreté, de notre industrie pour investir, celle de nos financiers, et surtout de nos jeunes pour se former à nos métiers et venir y travailler nous permettront de réussir.

Jojo78

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Le nucléaire
« Réponse #1118 le: 06 décembre 2022 à 11:35:56 »
La production nucléaire française a pas mal progressé mais pas autant que la consommation avec ce froid.

Anonyme

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Le nucléaire
« Réponse #1119 le: 06 décembre 2022 à 13:44:19 »
Suite du dossier par :

Gabriel OBLIN (X96)
Hervé GRANDJEAN (X02)

Les objectifs de décarbonation français amènent à relancer le parc nucléaire national, et c’est EDF qui porte ce projet majeur pour la Nation. L’entreprise a choisi de s’appuyer sur le réacteur EPR2, qui prend en compte le retour d’expérience sur les réacteurs les plus récents. L’organisation du programme doit permettre de retrouver l’élan qui a été le nôtre une génération plus tôt.

Pour répondre aux objectifs de la Stratégie nationale bas carbone française, RTE (Réseau de transport d’électricité) a rendu public fin 2021 six scénarios d’évolution du mix de production électrique, tous compatibles avec l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Ils se répartissent en deux familles : d’une part, des scénarios sans construction de nouveaux réacteurs nucléaires, qui atteignent le 100 % renouvelable entre 2050 et 2060, en fonction des possibilités de maintien en toute sûreté d’une partie des centrales nucléaires existantes ; d’autre part, des scénarios fondés sur des mix électriques durablement composés d’énergies renouvelables et de nucléaire, qui impliquent le développement par EDF d’un programme de construction de nouveaux réacteurs, dans des proportions et selon des rythmes variables.

Les choix d’EDF
Pour EDF, l’analyse des différents scénarios montre que les mix électriques fondés à la fois sur un développement des énergies renouvelables et sur un socle de 40 à 50 GW de nucléaire présentent des avantages économiques, environnementaux et industriels certains, par rapport aux mix électriques composés exclusivement d’énergies renouvelables. Avantages économiques, car les scénarios incluant du nucléaire sont au minimum 15 % moins coûteux que les scénarios sans nucléaire. Avantages environnementaux, car – outre des émissions de 4 grammes de CO2 par kilowattheure produit – le nucléaire a aussi pour qualité d’être économe en ressources et en espace, au regard de la puissance produite et de la durée de vie des installations. Avantages industriels, car la relance d’un programme nucléaire permet de garder ouvertes les options d’évolution du système électrique pour les décennies à venir, en pérennisant un tissu industriel hautement qualifié, qui a besoin de projets pour conserver ses compétences. La stratégie d’EDF repose donc aujourd’hui sur un développement important de nouveaux moyens de production électriques décarbonés pour être au rendez-vous de 2050, d’une part sous la forme d’énergies renouvelables et d’autre part sous la forme d’énergie nucléaire.

Stratégie nationale bas carbone
Pour atteindre la décarbonation du système énergétique à l’horizon 2050, la Stratégie nationale bas carbone française prévoit à la fois une diminution de 40 % des consommations d’énergie du pays (pour passer de 1 600 TWh à 930 TWh) et une sortie des énergies fossiles. L’atteinte de ces objectifs passera donc nécessairement par une électrification massive des usages (transports, chauffage, industrie…), s’appuyant sur une production d’électricité bas carbone. L’électricité devrait alors représenter 55 % du mix énergétique français en 2050, contre 25 % aujourd’hui, soit une augmentation de 28 % en volume.

La préparation d’un programme de nouveaux réacteurs nucléaires
Conformément à la demande de la Programmation pluriannuelle de l’énergie de 2018, confortée par le discours de Belfort du Président de la République le 10 février 2022, EDF est donc engagée dans la préparation d’un programme de nouveaux réacteurs nucléaires, au nombre de six dans un premier temps, potentiellement complétés ultérieurement par huit autres, pour lesquels les études sont en cours. La solution technique repose sur le réacteur dit EPR2, évolution de l’EPR, d’une puissance de 1 670 mégawatts électriques, ce qui permet à une paire de réacteurs EPR2 de produire, chaque année, l’équivalent de la consommation électrique actuelle de la région Normandie, ou encore la moitié de la consommation électrique de la région Île-de-France.

Les six premiers EPR2 seraient mis en service à partir de 2035-2037 pour la première paire et au milieu des années 2040 pour la dernière paire (chaque site choisi accueillerait en effet deux réacteurs). Ces six unités représentent 10 GW de puissance installée, pour une production d’électricité bas carbone d’au moins soixante ans. Cette approche repose sur les bonnes pratiques qui ont fait le succès de la construction du parc actuel dans les années 1970-1980, en un temps record : la construction par paire, donc, et l’effet de série notamment. L’EPR de Flamanville a en effet montré les limites d’une approche par réacteur unique sur un même site.

La mobilisation de la filière
Ce programme permettrait aussi de consolider l’industrie nucléaire, troisième filière industrielle française derrière l’automobile et l’aéronautique, avec 3 600 entreprises et 220 000 emplois qualifiés et non délocalisables, répartis dans la France entière. Disposer des compétences pour réaliser ce programme en qualité, dans les coûts et les délais, est le défi auquel la filière se prépare. Pour faire face à la charge de travail représentée par ces nouveaux EPR, la filière représenterait 300 000 personnes à l’horizon 2030, dont la moitié – du fait des départs à la retraite – reste à embaucher dans les années à venir. Ce pro­gram­me de trois paires d’EPR2 générerait des emplois sur l’ensemble de la filière nucléaire et une grande diversité de métiers : ingénierie, construction, services, fabrication, usine et exploitation. Il mobiliserait jusqu’à 30 000 emplois par an pendant sa phase de construction et environ 10 000 emplois par an pendant sa phase d’exploitation. Au-delà, cette filière industrielle du nucléaire civil contribue directement à la réduction du déficit de la balance commerciale, notamment en réduisant le niveau d’importation et d’utilisation d’énergies fossiles, qui représentent aujourd’hui les deux tiers de nos besoins en énergie.

Le réacteur EPR2
L’EPR2 est fondé sur la technologie de réacteur à eau pressurisée, la plus répandue dans le monde. C’est celle utilisée par les 56 réacteurs en exploitation en France et par l’EPR de Flamanville en cours de mise en service. Au sein des réacteurs à eau pressurisée, l’EPR est un réacteur de « génération 3 », issu majoritairement de la technologie française, sûr, certifié et aux performances améliorées par rapport à la précédente génération. Le réacteur EPR2 est ainsi l’un des réacteurs dont le niveau de sûreté est parmi les plus élevés au monde. Sa mise en œuvre a d’ailleurs été validée par les autorités de sûreté de quatre pays : la France, la Finlande, la Chine et le Royaume-Uni.

Le réacteur EPR2 est conçu pour être résilient au changement climatique sur toute sa durée de fonctionnement d’au moins soixante ans. En effet, sa conception tient compte de l’évolution des facteurs externes liés au changement climatique, particulièrement les températures d’air et d’eau, les niveaux d’eau en bord de mer et le débit des fleuves. Concernant le combustible, l’EPR2 offre la possibilité de fonctionner avec 30 % de combustibles MOX, issus du retraitement de combustibles usés. Les déchets radioactifs qui seront produits par l’exploitation et la déconstruction des six EPR2 seront quant à eux de même nature que ceux produits par le parc actuel.

La mobilisation des territoires
EDF envisage la réalisation de la première paire d’EPR2 à Penly (Normandie), en bord de mer. Dans un second temps, les deux paires suivantes pourraient être construites à Gravelines (Hauts-de-France), en bord de mer, et au Bugey ou au Tricastin (Auvergne-Rhône-Alpes), en bord de rivière. Dans chacun des cas, les implantations sont envisagées sur des sites nucléaires existants ou à proximité immédiate. Le choix de ces sites s’appuie sur une série de critères techniques, notamment la capacité de refroidissement, l’aléa sismique, la sensibilité environnementale, la capacité d’évacuation de l’énergie produite, ainsi que le foncier disponible. Au-delà de ces critères techniques, le soutien important des territoires concernés, aux différents niveaux des collectivités territoriales, constitue un facteur déterminant dans le choix d’implantation des paires d’EPR2.

Les leçons tirées de Flamanville
Sur le plan des méthodes, l’EPR2 s’inscrit dans une logique d’industrialisation de l’EPR, à partir des enseignements tirés de la tête de série réalisée à Flamanville. Il s’agit avant tout de faciliter la construction des nouveaux réacteurs. La conception du réacteur intègre ainsi des simplifications et des optimisations visant à rendre la construction la plus efficace possible. Ces changements de pratique trouvent notamment leur source dans le plan Excell d’EDF, qui vise à retrouver l’excellence de la filière nucléaire française.

“Recruter l’équivalent de 10 % des effectifs de toutes les écoles d’ingénieurs françaises.”

À titre d’exemple, EDF s’est ainsi engagée dans une démarche de standardisation des équipements des EPR2. Il s’agit de réduire drastiquement le nombre de références sur des équipements présents en grand nombre dans une centrale nucléaire (robinets, pompes, câble, instrumentation…), afin de faciliter la constructibilité et la maintenance des EPR, et de renforcer la visibilité offerte aux sous-traitants, en les engageant sur de plus gros volumes et sur une période longue. Le nombre de références sur les robinets passera ainsi de 13 300 à 1 200 entre l’EPR de Flamanville et l’EPR2.

La mobilisation de l’ensemble des acteurs industriels s’est également traduite par des actions concrètes (ouverture d’une école de soudage par exemple) qui font sauter ainsi deux des principaux écueils mis en évidence par le chantier de l’EPR de Flamanville : la maîtrise du geste technique au sein de l’ensemble de la chaîne de sous-traitance et d’approvisionnement, ainsi que l’érosion des compétences et les difficultés de mobilisation sur la durée.

Une gouvernance repensée
La préparation de ce programme de réacteurs nucléaires s’accompagne d’une gouvernance rénovée, afin de maîtriser la bonne exécution d’un projet qui compte parmi les plus exigeants au monde. À la suite de la parution du rapport de Jean-Martin Folz sur la construction de l’EPR de Flamanville en 2019, qui pointait l’absence de maître d’ouvrage bien identifié – contrairement à des pratiques usuelles dans d’autres secteurs industriels mettant en œuvre de grands projets – EDF et l’État ont ainsi décidé de distinguer, au sein d’EDF, une maîtrise d’ouvrage, incarnée par le programme « Nouveau nucléaire France », de la maîtrise d’œuvre, portée par le projet EPR2. La maîtrise d’ouvrage, dans une logique business owner, doit notamment contrôler l’avance industrielle et technique des projets de construction, garantir le respect des coûts, des délais et de la qualité des EPR, et bien sûr sécuriser, au niveau européen et avec l’État, la validation du cadre juridique et financier de ce programme de plus de 50 milliards d’euros ; les équipes de maîtrise d’œuvre sont quant à elles dans une logique de pilotage du projet, de réalisation des études, de la préparation des sites et de la construction des réacteurs.

Un projet mobilisateur
Le nucléaire a historiquement permis à la France d’être en avance dans la décarbonation de son mix électrique. La crise énergétique que traverse l’Europe depuis l’été 2021 a renforcé l’impératif de décarbonation de nos économies à l’horizon 2050, tout en remettant en lumière l’importance d’assurer notre souveraineté énergétique. Le programme « Nouveau nucléaire France » porté par EDF, fondé sur la technologie des EPR2, doit permettre de faire en trente ans de la France le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles et de sécuriser à long terme et de manière souveraine les approvisionnements en électricité du pays. Pour réussir, la filière nucléaire doit désormais recruter dans les années qui viennent l’équivalent de 10 % des effectifs de toutes les écoles d’ingénieurs françaises. Gageons que l’X sera au rendez-vous de ce défi et apportera une contribution éminente au plus grand projet industriel français du XXIe siècle.

Anonyme

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Le nucléaire
« Réponse #1120 le: 06 décembre 2022 à 13:47:41 »
Auteur :
Alexis MARINCIC (X80)

Le succès du programme ERP2 est indispensable au succès du plan de décarbonation de la France. Pour réussir la conduite de ce programme industriel, toute la sagesse d’une vie d’ingénieur n’est pas de trop. Écoutons le sage parler.

Quatre citations pour illustrer la conviction que le succès du programme EPR2 dépendra de notre capacité à faire du nucléaire industriel ; industriel s’entendant comme sûr et économique, sans surprises, maîtrisé dans ses coûts et planning de réalisation, maîtrisé dans son exploitation.

La coutume sans la vérité n’est que la continuation de l’erreur
Consuetudo sine veritate vetustas erroris est. Cette maxime est citée dans Le Passavant de Théodore de Bèze et attribuée à saint Cyprien, ou Cyprien de Carthage, docteur de l’Église, né vers 200 et décédé le 14 septembre 258. Même si elle est extraite d’une discussion théologique, cette citation me semble appeler cinq principes fondamentaux.

D’abord la vérité. La nécessité de regarder les choses en face, la nécessité de reconnaître les problèmes, la nécessité de les traiter de manière objective et, j’y reviendrai plus tard, de manière rapide ; ce n’est pas en repoussant les décisions que l’on efface les problèmes. Cela nécessite aussi une culture de la transparence développée au sein de l’ensemble des acteurs, ce qui demande que ceux-ci se fassent confiance et que chacun puisse mériter la confiance qu’on lui fait.

En second lieu les compétences. Comprendre réellement ce que l’on fait et pourquoi on le fait. Cela débute peut-être en ingénierie à l’étape de la conception, mais se développe tout au long d’un projet, de la formalisation des exigences à la fabrication, aux essais et à l’exploitation. Développer les compétences, cela ne se décrète pas, cela s’organise et cela passe par la pratique.

Puis la maîtrise des procédés. La maîtrise de tous les procédés car il est essentiel, pour répondre aux aléas, de comprendre le sous-jacent des procédures que l’on applique, le pourquoi. C’est aussi ce qui permet, par étapes, d’améliorer nos façons de faire pour encore plus de qualité, encore plus de fiabilité.

Enfin la confrontation à la matière. Un autre auteur aurait évoqué la nécessité de mettre les mains dans le cambouis. Mais, en restant dans un registre plus paisible, il s’agit, comme je le mentionnais en introduction, de savoir-faire industriel et donc de concevoir en prenant en compte la façon dont nos produits seront fabriqués, justifiés, exploités. L’ingénierie ne peut pas concevoir sans connaître la réalité du terrain ; dans nos métiers, ce qui compte, c’est de faire quelque chose de sûr, de qualité et qui fonctionne, pas nécessairement quelque chose de beau.

Et pour finir ce que j’aurais dû citer en premier, la culture de sûreté. C’est en comprenant les phénomènes physiques qui interviennent dans nos installations, c’est en se questionnant, c’est en questionnant, en ayant un esprit critique, que l’on saura éviter les erreurs, que l’on saura faire réellement son travail d’ingénieur, de fabricant, de chef de projet, au-delà de l’application servile de procédures administratives dont on aurait perdu le sens.

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage
Même si Boileau, dans L’Art poétique, était à cent lieues de voir appliquer son vers à l’industrie nucléaire, celui-ci s’adapte parfaitement à ce dont nous avons besoin.

En premier lieu il insiste sur la nécessité de maîtriser son geste par la répétition, par l’entraînement, par la pratique. On ne peut pas maîtriser des procédés qui ne sont utilisés qu’épisodiquement. On ne sait forger que si l’on forge, pas en lisant des brochures ou des procédures, et cela malgré la possibilité de recourir à des simulations numériques. Cela veut dire aussi qu’il faut disposer des outils conceptuels et industriels qui permettent de faire.

Il insiste aussi sur la nécessité de polir nos procédés et, dans un sens, de les simplifier, d’en comprendre l’essentiel pour éliminer les complexités qui peuvent être sources d’erreurs. Et, si je me permets un clin d’œil, tendre vers la beauté simple et pure d’un haïku…

Appliquer des procédés maîtrisés et simples (et compris !), tirer parti de l’expérience pour toujours s’améliorer, pratiquer encore et toujours sont sans doute les meilleurs moyens de conserver ou développer ses compétences. Et cette pratique vingt fois renouvelée, c’est aussi un gage de qualité, donc de sûreté.

Le sage est sans idée
J’avoue détourner un peu l’esprit du livre de François Jullien sur la philosophie chinoise, quoique… Si on prend cette assertion au premier niveau – et cela peut détonner dans un contexte dans lequel on parle d’innovations, de futurs… – cette sagesse-là, même si elle peut paraître intellectuellement peu motivante pour des ingénieurs, est néanmoins aussi un gage de succès, et cela de la conception à la réalisation. Construire quelque chose qui fonctionne, quelque chose de standard, c’est limiter les problèmes en cours de projet, c’est en assurer la qualité, c’est s’assurer de maîtriser l’exploitation.

“La recherche de la stabilité est essentielle.”

Il est parfois intellectuellement attirant de proposer des innovations, censées améliorer tel ou tel aspect, mais il peut être difficile de juger de la solidité de celles-ci dans une installation aussi complexe que les nôtres ; lancer une modification, même techniquement aboutie, se traduit toujours par une perturbation du système qu’on souhaite améliorer. Il ne faut pas nier néanmoins l’intérêt de l’innovation, il faut garder comme principe que toute innovation doit se juger aussi par la capacité de la mettre en œuvre de manière industrielle. Et l’innovation c’est aussi le D de la R & D, l’optimisation de la performance en exécution, et il y a là, encore, un vaste champ de possibles.

La recherche de la stabilité est essentielle, et c’est une constante de la philosophie chinoise : stabilité dans nos procédés, stabilité dans les référentiels que l’on applique, chasse aux perturbations, et aussi respect de l’expérience.

Ô puissance de la Forme ! […] C’est elle qui commande nos plus intimes réactions
Je ne suis pas sûr que Witold Gombrowicz, dans Ferdydurke, entendît la puissance de la forme de manière positive, et qu’il n’insistât pas sur sa dictature pour prôner l’individualité, mais n’avons-nous pas besoin, et ce, quelles que soient la compétence et la qualité des hommes, de mettre en place des organisations qui ne soient pas tributaires de telle ou telle personnalité ; n’avons-nous pas besoin que les choix techniques ou projets ne dépendent pas de l’individu mais reposent sur des fondamentaux stables et pérennes ? Oui, sans doute, nier l’apport de l’individu peut paraître choquant voire démotivant, mais ce dont nous avons besoin c’est de faire de l’industrie, pas de l’art. Donc oui, si l’on arrive à évoluer au sein d’une Forme qui permet de limiter les risques des décisions individuelles, oui c’est notre intérêt que d’y pousser. Comment établir cette Forme dans notre domaine ? On l’a déjà évoqué : standardisation des processus et leur pratique, stabilité des référentiels normatif et réglementaire, des organisations simples.

Application des principes à l’EPR2
Si on met en perspective ces citations et les enjeux du programme EPR2, que peut-on dire de ce qui est fait pour assurer que nous aurons les moyens de réussir dans cette ambition ? Pour revenir à des termes plus techniques, et au risque de me répéter, je citerai (en termes de résultats attendus) la sûreté, la qualité, la prédictibilité, la performance et (en termes de moyens la standardisation) l’ingénierie système, la simplification et enfin le maintien et le développement des compétences.

La standardisation, cela parle de soi : stabilité de la conception, stabilité des procédés de fabrication, stabilité du référentiel technique et réglementaire, mais aussi prise en compte du retour d’expérience ; on ne fait pas du copier-coller aveugle, on fait vivre un standard dans toutes ses caractéristiques.

L’ingénierie système nous pousse à clairement définir les exigences dans un processus clair et précis, et ensuite à démontrer, à chaque niveau, que ce qui est fait répond aux exigences et pourquoi cela y répond, et cela aussi en s’aidant d’outils modernes comme des PLM (Product lifecycle management). La mise en place des revues de libération – les gates (points de décision) – tout au long du processus, avec la participation de ceux qui vont faire en aval, permet d’assurer la qualité de la conception pour l’exécution qui suivra et permet de mettre en place un principe de responsabilité. C’est un moyen de combattre la tentation de la coutume.

La simplification, pour gagner à la fois en qualité et en performance, simplifier pour maîtriser.

Le maintien et le développement des compétences passent par plusieurs initiatives comme le transfert organisé des savoirs, le partage des connaissances dans des communautés de sachants, la mise à disposition des savoirs rendue plus facile par les nouveaux outils numériques.

Et concrètement ?
Comment cela est mis en place aujourd’hui ? Chez EDF et Framatome en particulier, mais aussi sur l’ensemble de la filière ? Le plan Excell d’EDF est une initiative fédératrice qui recouvre, en allant encore plus loin que ce qui est abordé dans ces quelques lignes, l’ensemble des problématiques discutées. Quels sont les grands axes de cette initiative clé pour le succès du programme EPR2 ? Cinq grands axes plus un : la montée en compétence de la filière ; la standardisation et la réplication pour renforcer la qualité et la sûreté ; garantir la conformité au premier coup pour la fabrication et la construction ; la gouvernance pour assurer un management de projet au meilleur état de l’art ; des relations avec la supply chain partenariales et orientées résultats ; et enfin un plan « soudage » spécifique.

Derrières ces six axes se cachent des centaines d’actions concrètes, de fond et parfois aussi très proches du terrain, déployées dans l’ensemble de la filière. L’ensemble de la filière car nous sommes dans un écosystème où toutes les parties dépendent des autres. On ne peut certainement pas tout lister ici, et je ne serais sans doute pas le mieux placé, mais ce que nous avons mis en œuvre chez Framatome, le chaudiériste du programme EPR2, peut permettre de préciser plus concrètement ce que l’on a entrepris.

Le plan d’action de Framatome
La montée en compétence se traduit dans les faits par la création de centres d’excellence technique, le centre d’excellence soudage, le centre de calcul Bourgogne… par la généralisation des référentiels techniques au sein de l’ingénierie et des usines, par le développement de moyens de calcul au meilleur état de l’art, comme la chaîne neutronique Odyssée par exemple.

Les démarches de standardisation ont permis de définir un standard de chaudière modulaire, combinant une volonté de réplication avec la nécessité de tirer parti du retour d’expérience pour s’améliorer, de déployer des processus de fabrication qualifiés selon une méthode, l’IPA (analyse interprétative phéno­ménologique), appliquée de manière standard dans l’industrie, la participation aux initiatives d’établissement et d’évolution des codes industriels, en particulier via l’Afcen (Association française pour les règles de conception, de construction et de surveillance en exploitation des matériels des chaudières électronucléaires)…

 

“C’est en réalisant que l’on saura réaliser.”
 

Pour garantir la conformité au premier coup plusieurs initiatives se complètent : le déploiement de méthodes standard de résolution des problèmes, de standards de qualité, le développement d’une culture de la déclaration et de la transparence, de la mise en place de boucles courtes pour gérer les aléas, mais aussi et surtout la prise en compte des réalités industrielles dans la conception des équipements avec un rapprochement de plus en plus marqué de l’ingénierie et des usines. Ce sont les mêmes principes et moyens qui s’appliquent à la supply chain, avec la nécessité de partager les mêmes objectifs et les mêmes valeurs.

En termes de gouvernance, le déploiement, en interne, et avec notre supply chain, d’une culture de l’engagement, de la qualité, du résultat. Tout cela associé à des processus d’ingénierie robustes basés sur le déploiement de l’ingénierie système et l’utilisation de moyens modernes, via l’utilisation dès le début du programme d’un PLM. Mais aussi la capacité d’anticiper, de se projeter, de planifier (au sens anglo-saxon du terme), de considérer de manière sereine les risques pour être en mesure de les maîtriser en cas d’occurrence, et de savoir prendre des décisions sans procrastiner.

Enfin, la création du centre d’excellence soudage à côté de l’usine de Saint-Marcel, utilisant en particulier aussi les capacités de notre centre technique, la formation de soudeurs capables de prendre en charge les réalisations les plus difficiles… s’inscrit résolument dans l’objectif du plan Excell.

Responsabilité collective et passion
Il nous reste à créer tous ensemble un environnement propice à la Forme, mais c’est comme pour la forge, c’est en réalisant que l’on saura réaliser. Et, pour les actions évoquées dans tout ce qui précède, la responsabilité est collective, des donneurs d’ordre aux fournisseurs, des organes de contrôle au pouvoir politique. Enfin, et même si cela peut paraître l’antithèse de la Forme, il nous faut vouloir réussir avec passion, la passion de faire de belles choses, la passion de participer à la production d’énergie bas carbone pour participer aussi à faire de notre futur un futur plus propre. Et cette passion, ce sont les femmes et les hommes embarqués sur le navire du nucléaire qui la portent et la porteront, ce sont eux qui font, qui sauront faire le nucléaire de demain, encore faut-il que nous leur donnions les outils et l’environnement de la réussite.

Anonyme

  • Invité
Le nucléaire
« Réponse #1121 le: 06 décembre 2022 à 13:50:03 »
Recyclage Recyclage des déchets nucléaires : définir l’aval du futur

Guillaume DUREAU (X83)
Antonin HODDÉ (X07)

L’industrie nucléaire française dispose aujourd’hui d’une maîtrise unique au monde s’agissant de l’aval du cycle, c’est-à-dire la gestion des combustibles usés, avec le traitement-recyclage effectué par Orano. Les pistes d’amélioration sont prometteuses, mais ambitieuses. Des décisions doivent être prises rapidement.

Dans les combustibles usés, les éléments à vie longue, c’est-à-dire supérieure à 300 ans, sont pour l’essentiel les actinides : uranium, plutonium et actinides mineurs (américium, neptunium et curium essentiellement). Les deux premiers peuvent générer de l’énergie dans les réacteurs de génération 3 (parc actuel, EPR mais aussi SMR type Nuward, tous dits à neutrons thermiques) par le recyclage.

Le monorecyclage
Ainsi, les procédés de traitement-recyclage mis en œuvre par Orano dans ses usines de La Hague (pour le traitement) et de Melox (pour le recyclage) permettent de séparer l’uranium et le plutonium des autres éléments, afin de les réutiliser dans de nouveaux combustibles. Ce mono-recyclage génère une économie des ressources en uranium naturel de l’ordre de 10 % avec le combustible MOX (mélange d’uranium et de plutonium) et jusqu’à 20 % ou 25 % dans le cas d’un recyclage de l’uranium issu du traitement (combustible, uranium de retraitement enrichi,  URE). À l’horizon 2040, le projet de multirecyclage en réacteur à eau pressurisée (MRREP) pourrait permettre de pousser ce taux jusqu’à 30 %, mais aussi de stabiliser les inventaires de combustibles usés issus du recyclage, en recyclant l’uranium et le plutonium plusieurs fois de suite au sein des mêmes réacteurs à neutrons thermiques.

Vue aérienne de l’usine Orano La Hague, première étape du recyclage des combustibles nucléaires usés (Manche, France).
Vue aérienne de l’usine Orano La Hague, première étape du recyclage des combustibles nucléaires usés (Manche, France).
La gestion des déchets radioactifs
L’autre atout du traitement-recyclage est celui d’une gestion optimisée des déchets radioactifs à vie longue, dont il permet de réduire le volume d’un facteur 5 et la radiotoxicité d’un facteur 10 par rapport au stockage direct des combustibles usés, dans le cas du cycle ouvert. En effet, les procédés de traitement permettent de conditionner les déchets à vie longue en deux catégories de conteneurs : les colis vitrifiés (CSD-V), conteneurs de haute activité à vie longue incorporant les produits de fission et les actinides mineurs ; et les colis compactés (CSD-C), conteneurs de moyenne activité à vie longue récupérant les éléments de structure des assemblages de combustible, en particulier les gaines en alliage de zirconium. Le projet français de stockage en couche géologique profonde Cigéo est conçu pour accueillir ces colis et en assurer le confinement, afin qu’ils ne présentent durablement aucun danger pour l’homme et la biosphère.

 

Le multirecyclage en REP (MRREP)
Pour fonctionner, un réacteur nucléaire a besoin d’une proportion suffisamment élevée d’isotopes fissiles dans son combustible. Dans la technologie de réacteurs à eau pressurisée (REP), il s’agit essentiellement de l’uranium 235, obtenu à partir de l’uranium naturel enrichi (UNE). En l’absence de recyclage du combustible usé, on parle de cycle ouvert. Le combustible UNE usé contient du plutonium, qui peut être recyclé en réacteur, comme le fait la France avec ses usines de
La Hague et de Melox et la technologie du MOX, un combustible à base de plutonium et d’uranium appauvri : on parle alors de monorecyclage, le plutonium étant actuellement réutilisé une seule fois. Il n’est pas possible, en l’état actuel des technologies, de mettre en œuvre un multirecyclage à l’échelle industrielle du parc nucléaire français, car la qualité fissile du plutonium se dégrade au fur
et à mesure des cycles, alors que sa proportion en isotopes pairs augmente. Ainsi, les combustibles MOX usés français sont aujourd’hui entreposés
de manière sûre en attente de la mise en œuvre d’une solution future.

La stratégie envisagée à long terme par la France est celle du multirecyclage, mettant en œuvre des réacteurs à neutrons rapides (RNR) qui autorisent un cycle continu du plutonium. L’utilisation de tels réacteurs permet d’envisager des scénarios ne nécessitant plus aucune consommation d’uranium naturel extrait des mines. Aujourd’hui cependant et malgré les tensions récentes sur les prix de l’uranium, les ressources en uranium sont abondantes et disponibles à un prix encore acceptable, repoussant l’intérêt économique du déploiement des RNR à un horizon plus lointain. Il convient cependant de préciser que, en fonction de l’évolution de la crise énergétique et géopolitique actuelle, ces considérations pourraient devoir être revues, et le calendrier d’un éventuel multirecyclage en RNR potentiellement accéléré.

Le multirecyclage en REP (MRREP) consiste à développer les solutions technologiques permettant un multirecyclage des combustibles usés, sans déploiement de RNR. Cela suppose de compenser, dans le futur combustible MOX2, la dégradation de la qualité fissile du plutonium par l’ajout d’uranium enrichi. Divers aspects technologiques doivent être étudiés : concepts de combustible, adéquation avec les réacteurs, usines nécessaires pour traiter et recycler ces combustibles, intégration de tels combustibles dans le système industriel d’ensemble. L’industrie nucléaire française a lancé dès 2016 les premières études sur le MRREP et s’est ensuite organisée en « quadripartite » (CEA, Orano, EDF, Framatome) pour piloter et financer ce programme de R & D. Le programme porte l’ambition d’un assemblage test en réacteur à l’horizon 2025-2028, puis d’un déploiement industriel à l’horizon 2040-2050, cohérent avec l’horizon des futures évolutions des usines de l’aval du cycle.

Réduire les déchets à vie longue
L’âge des usines actuelles de La Hague et de Melox, entrées en fonction respectivement au début et à la fin des années 1990, pose la question de la pérennité des capacités industrielles de traitement-recyclage au-delà du jalon administratif et commercial des usines pour l’instant fixé à 2040. De plus, la génération de déchets à vie longue ressort comme l’un des deux principaux axes, avec la sûreté et la prévention des accidents, sur lequel le public demande à notre industrie de progresser ; aussi les concepts de l’aval du futur doivent-ils s’attacher à proposer des solutions visant à réduire les déchets à vie longue. Orano travaille, avec la filière, sur plusieurs briques technologiques qui permettraient de transformer un nécessaire renouvellement de l’outil industriel afin d’en améliorer radicalement les performances à plusieurs points de vue.

Atelier T1 de cisaillage-dissolution - cellule de maintenance. Usine Orano La Hague (Manche, France).
Atelier T1 de cisaillage-dissolution – cellule de maintenance. Usine Orano La Hague (Manche, France).
De nouvelles technologies pour le traitement
La poursuite du monorecyclage permet déjà d’introduire de nouvelles technologies dans le traitement, de manière à améliorer la performance et l’économie globale des installations (déploiement des technologies de l’usine 4.0 en cours de mise en œuvre dans les usines actuelles, optimisation de la radioprotection, optimisation des opérations de purification de l’uranium et du plutonium). La mise en œuvre industrielle du MRREP demandera quant à elle le déploiement de nouvelles technologies. Enfin, des technologies en rupture sont étudiées, notamment pour élargir la gamme de combustibles admissibles, afin par exemple d’être en mesure de proposer le traitement de combustibles de certains concepts de réacteurs étrangers actuels, dont les réacteurs innovants. Parallèlement, divers modèles sont étudiés pour générer davantage de valeur à partir des usines de traitement, par exemple en valorisant certaines matières aujourd’hui sans usage et par conséquent considérées comme des déchets (platinoïdes par exemple).

De nouvelles technologies pour le recyclage
Les défis de niveau de production rencontrés par l’usine de Melox qui fait face à son vieillissement illustrent la nécessité de continuer à progresser sur les procédés actuels. En particulier, de nouvelles technologies pour maîtriser dans la durée les débits de dose radioactive, intégrant le retour d’expérience conséquent de Melox, devront être mises en œuvre. La maîtrise industrielle de la fabrication du futur combustible MOX2 présente des défis complémentaires en termes de qualité et de compétitivité, qui devront être relevés pour le déploiement du MRREP. La filière étudie ainsi des évolutions technologiques ou de nouvelles technologies sur les procédés de fabrication, tant pour la préparation des milieux granulaires que pour la mise en forme des pastilles ou de nouveaux procédés de frittage et de rectification des pastilles.

Pastilles dans l’atelier de rectification. Usine de recyclage des combustibles nucléaires usés d’Orano Melox (Gard, France).
Pastilles dans l’atelier de rectification. Usine de recyclage des combustibles nucléaires usés d’Orano Melox (Gard, France).
La décontamination des coques
Les conteneurs standards de déchets compactés (CSD-C, contenant les matériaux métalliques de structure des assemblages de combustible) entrent dans la catégorie des déchets de moyenne activité à vie longue, en raison non seulement de la présence de traces de matière issue du combustible (uranium, plutonium, actinides mineurs et produits de fission), mais aussi de celle de produits d’activation de l’alliage de zirconium.

 

“Contribuer à améliorer l’acceptabilité publique du nucléaire.”
 

Orano travaille, en partenariat avec le CEA et Framatome, sur plusieurs technologies en rupture visant à éliminer l’activité contenue dans les gaines combustibles constituées d’alliage de zirconium. Ce dernier pourrait alors soit être réutilisé pour la fabrication de nouveaux combustibles nucléaires, augmentant la circularité de l’industrie, soit stocké en surface ou en subsurface. Surtout, le volume des déchets destinés au stockage profond pourrait être réduit de l’ordre d’un facteur 10 par rapport aux colis CSD-C actuels, ce qui pourra fortement contribuer à améliorer l’acceptabilité publique du nucléaire.

La conversion des actinides
Les actinides mineurs peuvent être convertis, c’est-à-dire transformés par fission en éléments à vie courte (moins de 300 ans), dans des réacteurs à neutrons rapides. Le sujet est instruit depuis longtemps (expériences menées dans les réacteurs Phénix du CEA et Superphénix d’EDF). Il a également été discuté dans les débats parlementaires autour de la transmutation dans le cadre des lois Bataille de 1991 et de Transparence et Sécurité en matière nucléaire de 2006. Aujourd’hui, l’étude de nouveaux concepts de petits réacteurs, comme ceux fondés sur la technologie du réacteur à sels fondus, est particulièrement prometteuse. Ce dernier est particulièrement adapté à l’objectif de conversion, en ce qu’il peut fonctionner sans uranium et ainsi consommer une quantité importante d’actinides mineurs sans en générer en retour.

De tels réacteurs ne se substitueraient pas au parc de réacteurs de puissance d’EDF (type EPR2) mais interviendraient en complément. Si de nombreux verrous technologiques doivent être levés, ce concept présente des avantages de sûreté et d’intégration avec les technologies de traitement-recyclage déployées par Orano. En partenariat avec le CEA et le CNRS, ainsi qu’EDF et Framatome, Orano a ainsi entamé des travaux sur ces réacteurs à sels fondus, qui pourraient permettre de réduire très fortement les éléments à vie longue contenus dans les colis CSD-V. Le volume des déchets à vie longue pourrait alors être réduit de l’ordre d’un facteur 7 par rapport au cycle ouvert et leur emprise au stockage jusqu’à un facteur de l’ordre de 10, économisant ainsi la ressource rare que constitue le stockage géologique. De plus, la durée de vie des déchets serait drastiquement réduite, l’ensemble contribuant fortement à améliorer l’acceptabilité publique du nucléaire.

Pastille MOX en forme d’anneaux pour le réacteur Astrid. Usine de recyclage des combustibles nucléaires usés d’Orano Melox (Gard, France).
Pastille MOX en forme d’anneaux pour le réacteur Astrid. Usine de recyclage des combustibles nucléaires usés d’Orano Melox (Gard, France).
Des défis technologiques
Parvenir à la maturité industrielle sur ces briques technologiques, pour la plupart en rupture, représente cependant un défi majeur. Surtout, leur mise en cohérence avec la chronologie du renouvellement des installations de traitement-recyclage d’Orano suppose de réaliser un effort particulièrement important de recherche et développement. Celui-ci doit être coordonné au niveau de la filière, afin de garantir la cohérence des pistes explorées entre elles et avec le programme industriel de renouvellement des installations. Il doit aussi faire l’objet d’un accompagnement conséquent de la part de l’État, avec l’objectif d’aboutir à des solutions industrielles déployables au-delà de l’horizon de la décennie 2040. Dans l’intermédiaire, le renouvellement nécessaire de certains des ateliers des installations de traitement-recyclage peut s’inscrire dans un schéma industriel cohérent avec le temps de développement des nouvelles technologies.

Des décisions à prendre rapidement
L’orientation récente de l’État en faveur d’un renouvellement du parc nucléaire français, avec l’annonce de la construction d’au moins six EPR2 par le Président de la République le 10 février 2022 à Belfort, est un signal fort pour la filière. Cependant, la pérennisation des capacités industrielles du traitement-recyclage nécessitera une stratégie à très long terme, assurant une vision d’ensemble cohérente de tous les enjeux de la filière nucléaire française. En effet cette pérennisation supposera de mener conjointement un programme de prolongation de l’exploitation des usines actuelles au-delà de 2040, similaire dans l’idée au grand carénage d’EDF, un programme de conception des futures usines de traitement-recyclage pour l’horizon 2050-2060 et un vaste programme de R & D, afin d’amener à une maturité suffisante les technologies à embarquer dans ces futures usines. Le temps nécessaire à la mise en œuvre de chacune de ces étapes impose que des décisions soient prises par l’État avant la fin de ce quinquennat, afin de déterminer la stratégie d’ensemble et lancer les travaux afférents.

Anonyme

  • Invité
Le nucléaire
« Réponse #1122 le: 06 décembre 2022 à 13:52:17 »
Les défis techniques et sociétaux du stockage des déchets nucléaires

Elsa LEMAÎTRE-XAVIER (X09)

L’impact à long terme de la filière nucléaire sur l’homme et l’environnement est directement lié au devenir des déchets nucléaires générés. La France s’est dotée d’un cadre normatif robuste et éthique, et des solutions de gestion à long terme existent. Il reste à mettre en œuvre les solutions de stockage des déchets à vie longue à l’étude et, le cas échéant, à intégrer les impacts de nouveaux scénarios de politique énergétique, incluant la construction de réacteurs supplémentaires. L’implication de la société civile autour d’une gouvernance durable et adaptée au développement progressif des centres de stockage constitue un enjeu complémentaire aux défis techniques.

 

Définis comme des substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée, les déchets radioactifs font souvent l’objet de fabulations dans l’imaginaire collectif. Pourtant la politique française associée est structurée, pragmatique, éthique et documentée. Pourtant la politique française associée est structurée, pragmatique, éthique et documentée. Cette politique s’appuie sur le principe fondamental d’une recherche et d’une mise en œuvre de solutions pour la gestion de ces déchets. Elle ne doit pas être différée afin de prévenir et limiter les charges à supporter par les générations futures. La politique française de traitement des déchets nucléaires vise à assurer leur gestion durable, dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sûreté et de l’environnement.

Un cadre normatif robuste
Cette politique s’inscrit de nos jours dans un cadre législatif et réglementaire robuste, dont la grande majorité des dispositions sont décrites au sein du code de l’environnement. Celui-ci définit des principes de gestion des déchets radioactifs, la garantie de la disponibilité des financements nécessaires par les producteurs et des mesures de transparence, incluant des dispositions en matière d’évaluation indépendante des recherches, d’information du public et de dialogue avec l’ensemble des parties prenantes. En déclinaison, l’élaboration et le suivi de la feuille de route se matérialisent par un Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), piloté par la direction générale de l’énergie et du climat au sein du ministère de la Transition écologique, actualisé tous les cinq ans et fixant un programme de recherches et de réalisations assorti d’un calendrier.

L’inventaire national et l’Andra
Indépendante des producteurs, l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) est un établissement public chargé de concevoir, mettre en œuvre et garantir des solutions de gestion sûres pour l’ensemble des déchets radioactifs français sur le très long terme. Elle assure en particulier une mission de service public pour l’élaboration de l’Inventaire national. Véritable outil de référence, il fournit chaque année une vision aussi complète et exhaustive que possible des quantités de déchets radioactifs en provenance des cinq secteurs économiques : électronucléaire (centres nucléaires de production d’électricité et industries du cycle du combustible), recherche (domaine du nucléaire civil, médical, agronomie, chimie…), défense (propulsion nucléaire pour les besoins des armées), industrie non électronucléaire (extraction de terres rares, contrôle de soudure, stérilisation…) et médical (activités diagnostiques et thérapeutiques). Toutes les données sont mises à disposition du public en open data, sur inventaire.andra.fr et data.gouv.fr.

 

90 % des déchets radioactifs produits ont une solution de gestion à long terme
Selon la dernière mise à jour, à fin 2020, plus de 1,6 million de mètres cubes de déchets radioactifs sont présents sur le sol français, dont 60 % proviennent du secteur électronucléaire. Le mode de gestion retenu dépend de leur classification, qui repose sur deux
paramètres : le niveau de radioactivité et la période radioactive des radionucléides présents dans les déchets. Ainsi la prise en charge de chaque type de déchets nécessite la mise en œuvre ou le développement de moyens spécifiques appropriés à la dangerosité qu’ils présentent et à leur évolution dans le temps.

90 % des déchets radioactifs produits chaque année en France sont destinés à être pris en charge par l’un des trois centres industriels de stockage de surface de l’Andra, solution retenue pour assurer leur gestion à long terme. Ouvert en 1969, le Centre de stockage de la Manche est le premier centre industriel de stockage des déchets radioactifs exploité en France. Après vingt-cinq années d’exploitation, le relai a été passé au Centre de stockage de l’Aube (CSA), qui accueille depuis 1992 les déchets de faible ou moyenne activité principalement à vie courte (FMA-VC) issus des déchets d’exploitation et de maintenance des installations nucléaires. À proximité, le Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires) a ouvert ses portes en 2003 et accueille les déchets de très faible activité (TFA) majoritairement issus des déchets de démantèlement (outils, ferrailles, terre, gravats…). La sûreté du stockage repose sur les colis qui contiennent les déchets, les ouvrages de stockage dans lesquels sont placés les colis et la couverture de protection qui sera disposée au-dessus des ouvrages, et la géologie du site qui constitue une barrière à long terme.

 

Des solutions de stockage pour les déchets les plus radioactifs
Concernant les déchets radioactifs qui ne disposent pas aujourd’hui d’un mode de gestion définitif, le PNGMDR détermine les objectifs à atteindre. Les actions visant à réduire leur volume et leur nocivité ou à concevoir et réaliser des entreposages (solution temporaire) sont portées par les producteurs. La conception et la réalisation de stockages (solution définitive) sont de la responsabilité de l’Andra. Les 10 % de déchets restants ne peuvent être stockés en surface car ils contiennent une majorité de radionucléides à vie longue. Deux solutions sont notamment à l’étude par l’Andra : pour les déchets faiblement radioactifs à vie longue (FA-VL) un stockage à faible profondeur et, pour les déchets moyennement radioactifs et hautement radioactifs (MA-VL/HA), un stockage profond réversible au travers du projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique).

Le projet Cigéo
Ce projet concerne les déchets issus du retraitement du combustible usé servant au fonctionnement des centrales nucléaires. Après quinze ans de recherche sur les trois grandes orientations fixées par la loi n° 1991-1381, dite loi Bataille, et diverses évaluations incluant celle prévue par l’Autorité de sûreté nucléaire, le principe du stockage profond a été retenu par la loi n° 2006-739 comme étant la seule solution sûre pour gérer à long terme ce type de déchets sans en reporter la charge sur les générations futures.

 

“Le principe du stockage profond a été retenu comme étant la seule solution sûre.”
 

S’agissant de la séparation-transmutation, il a été considéré que cette solution ne pourrait pas concerner la totalité des déchets concernés. Concernant l’entreposage de longue durée, qui se définirait comme un entreposage conçu pour une durée au-delà de la centaine d’années, il a été estimé qu’il ne pouvait pas constituer une solution définitive au regard de l’exigence requise d’un contrôle continu sur le très long terme.

Enfin l’Andra s’est appuyée sur un laboratoire souterrain construit en 2000 et implanté à 490 m de profondeur, pour démontrer la faisabilité et la sûreté d’un stockage profond dans une couche de roche argileuse, stable depuis 160 millions d’années et reconnue pour son imperméabilité et sa capacité à confiner la radioactivité. À noter que la solution du stockage profond fait l’objet d’un consensus à l’international.

Le projet Cigéo à terminaison pour le stockage des déchets nucléaires
Vue en bloc diagramme des installations de surface et souterraines de Cigeo. Schema de principe.
Des enjeux techniques et sociétaux
La conduite de ces projets présente des enjeux techniques et sociétaux notables. Pour les déchets FA-VL, la prochaine étape est de définir différents scénarios de gestion pour ces déchets et de continuer à travailler notamment sur les options techniques et de sûreté d’un potentiel stockage à faible profondeur. Dans le cas du projet Cigéo, ces dernières années ont été dédiées à la conception d’un centre industriel. Les études détaillées obtenues ont permis de franchir à l’été 2020 le jalon du dépôt du dossier de demande d’utilité publique (DUP), dont l’étude d’impact est la pièce centrale, et le jalon de dépôt de la demande d’autorisation de création est prévu très prochainement. En parallèle, des actions de concertation avec le public ont été menées, entre autres, sur la phase industrielle pilote et la gouvernance du projet.

Prévisionnel : premiers colis stockés en 2035-2040
La phase industrielle pilote correspond aux premières années de construction et de fonctionnement de Cigéo. En effet, il est prévu que cette installation d’ampleur (15 km2 de galeries souterraines et durée d’exploitation totale estimée à 120 ans) soit construite progressivement. Selon le calendrier actuel du projet, les premiers colis de déchets radioactifs sont attendus à l’horizon 2035-2040.

Cette phase pilote joue un rôle clé pour conforter les données utilisées pour la démonstration de sûreté, dans des conditions réelles et en complément des essais réalisés au laboratoire. Elle a également pour objectif de réaliser des essais sur la récupérabilité des colis, outil technique nécessaire à la réversibilité de l’installation, caractéristique entérinée par la loi n° 2016-1015.

La réversibilité se définit comme la capacité pour les générations successives soit de poursuivre la construction puis l’exploitation des tranches successives d’un stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion. En parallèle du dépôt de la demande d’autorisation de création et du suivi de son instruction, les grandes étapes à venir sont la réalisation de travaux préparatoires, ainsi que la préparation des méthodes et du schéma industriel de réalisation.

Des solutions adaptables aux différents scénarios de politique énergétique de la France ?
L’Inventaire national fournit également, tous les cinq ans, des estimations prospectives des quantités de matières et déchets selon plusieurs scénarios contrastés concernant le devenir des installations nucléaires et la politique énergétique de la France à long terme.

L’analyse des inventaires prospectifs de l’édition 2018, fondés sur trois scénarios de renouvellement du parc électronucléaire français et d’un scénario de non-renouvellement (arrêt du nucléaire), met notamment en avant d’une part que des capacités supplémentaires de stockage en surface seront nécessaires dans tous les cas (nouvelles installations ou extension des installations existantes).

L’atteinte de la capacité autorisée du CSA interviendrait à l’horizon 2060 et celle du Cires à l’horizon 2040 (sous réserve de l’obtention de l’autorisation d’augmentation de capacité de stockage en projet). D’autre part, l’adaptabilité et la progressivité de l’installation Cigéo, autres outils techniques de la réversibilité du projet, permettent de s’adapter aux différents scénarios envisagés.

La question de la gestion des déchets fait partie intégrante des travaux préalables à la décision de l’État concernant la mise en œuvre de nouveaux réacteurs. Si les études préliminaires montrent que ces déchets ne présentent aucun élément technique rédhibitoire à leur prise en charge, elles ne préjugent pas des processus réglementaires et démocratiques requis pour la gestion des déchets induits par de nouveaux réacteurs.

Nul doute que l’impact d’un tel programme sur le cycle du combustible et la gestion des déchets sera abordé dans le cadre du débat public « nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly » ouvert le 27 octobre 2022. L’exercice de clarification des controverses techniques, exigé par la Commission nationale du débat public, permettra de donner des éléments factuels aux citoyens participants.   

Anonyme

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Le nucléaire
« Réponse #1123 le: 06 décembre 2022 à 13:57:32 »
Mix énergétique : le rôle stratégique des SMR et du projet NUWARD™

par Jacques CHÉNAIS, Renaud CRASSOUS (X97), Benoît DESFORGES (X04)

Le projet Nuward ™ (Nuclear Forward) constitue un changement de paradigme, qui ouvre de nouvelles perspectives d’utilisation de l’énergie nucléaire. La décennie 2020-2030 sera particulièrement décisive pour conforter le rôle potentiel que peut jouer le nucléaire dans la transition énergétique et la décarbonation du mix énergétique mondial, avec en même temps une nouvelle accélération des projets de grande puissance, mieux maîtrisés, et l’arrivée des premières centrales SMR « têtes de série », qui devront démontrer que la promesse de SMR compétitifs est accessible.

 

L’approvisionnement en énergie compte parmi les enjeux politiques, économiques et écologiques décisifs pour l’avenir de la planète au XXIe siècle. La satisfaction de la demande énergétique mondiale et le respect des objectifs internationaux de lutte contre le changement climatique imposent de développer des énergies décarbonées, en utilisant à bon escient tous les leviers possibles. Dans cette perspective l’énergie nucléaire apparaît comme un atout clé du mix énergétique du futur. Aujourd’hui, l’offre électronucléaire se concentre sur des centrales de forte puissance (entre 1 000 MWe et 1 700 MWe par unité de production), qui resteront essentielles pour satisfaire la plupart des besoins des grands pays industrialisés et émergents. Pourtant, depuis une décennie, plusieurs pays concepteurs de réacteurs sont convaincus de la nécessité de développer et d’offrir au marché des centrales électronucléaires pour des puissances inférieures. C’est ainsi qu’ils ont engagé le développement de petits réacteurs modulaires innovants, typiquement en deçà d’un équivalent de 300 MWe par réacteur, appelés SMR pour Small Modular Reactors.

Le marché des SMR
Ce nouveau marché, encore embryonnaire, sera complémentaire de celui des réacteurs de puissance. Il concernera par exemple des pays contraints par la taille de leur réseau électrique, leur géographie ou leurs capacités d’investissement, mais aussi des sites industriels souhaitant décarboner leur fourniture de chaleur et d’électricité. En effet, outre la fourniture d’électricité, la plupart des SMR proposeront la cogénération de chaleur pour d’autres débouchés à l’aval : chaleur industrielle, chauffage urbain, production d’eau douce par dessalement de l’eau de mer, production d’hydrogène, capture et valorisation du CO2. Pour l’industrie nucléaire, ces développements constituent un chemin de traverse par rapport à l’évolution historique des réacteurs, conçus de plus en plus puissants pour bénéficier d’économies d’échelle importantes et contenir les coûts tout en augmentant la sûreté. Pour proposer une offre compétitive avec des puissances de 5 à 10 fois inférieures, il est indispensable de trouver d’autres leviers, de changer de paradigme. Cela concerne toutes les étapes de développement, de la conception à la mise en service, en passant par le licensing et la commercialisation.

Les avantages des SMR
Les projets en cours explorent, sous différentes formes, trois grands leviers complémentaires. D’abord la simplicité du design, permise notamment par la plus faible puissance unitaire des réacteurs, le recours quasi généralisé à des systèmes de sûreté passive ou des choix de conception innovants. Ensuite la modularité, autorisant un maximum de fabrication et d’assemblage en atelier en amont, avec des procédés innovants sur la fabrication et de très bonnes conditions de reproductibilité. Cela permet alors une réduction des durées et des risques de chantier. Enfin la standardisation, permettant de maximiser les effets de série, y compris sur plusieurs pays. Cela suppose de pouvoir licencier, commercialiser et installer un même design dans différents pays. Cette approche SMR n’est pas complètement nouvelle, puisqu’elle a déjà suscité des études conceptuelles importantes dans les années 80, en particulier aux USA. Mais elle est devenue plus crédible depuis une dizaine d’années, avec les développements concrets des développeurs les plus précurseurs. Simultanément, les difficultés des chantiers têtes de série des nouveaux modèles de grande taille de génération 3 ont accru l’intérêt pour chercher du côté des concepts SMR une « autre voie » pour utiliser l’énergie nucléaire.

Nuward, le projet de SMR européen
La France, s’appuyant sur la complémentarité et l’expérience des acteurs majeurs de sa filière nucléaire que sont EDF, le CEA, Naval Group, TechnicAtome, rejoints récemment par Framatome et la société belge Tractebel, s’est interrogée sur la pertinence du développement du segment SMR et a conclu qu’il était nécessaire de lancer les études d’un projet de SMR, à partir des études exploratoires menées jusqu’alors. Le projet est actuellement en fin de phase dite d’avant-projet sommaire (APS ou conceptual design), qui sera suivie dès début 2023 par la phase d’avant-projet détaillé (APD ou basic design) en vue d’une première réalisation lancée dans la décennie (premier béton en 2030). Le design Nuward est une centrale de 340 MWe comportant deux réacteurs (équivalent chacun de 170 MWe). Le marché visé est en premier celui du remplacement des centrales au charbon dans cette gamme de puissance.

La technologie retenue pour le réacteur est celle des REP (réacteurs à eau pressurisée) intégrés : à la différence des REP de puissance à boucles, ici tous les équipements sont placés à l’intérieur de la cuve (le cœur et son système de barres de contrôle, les pompes primaires, le pressuriseur et les générateurs de vapeur, qui produisent directement la vapeur pour faire fonctionner la turbine). Des innovations majeures sont introduites dans le design, par exemple des générateurs de vapeur à plaques. Finalement le design de Nuward est le plus compact de sa catégorie et permet d’être introduit dans une enceinte métallique de 16 m de haut et 15 m de diamètre seulement, un atout pour une fabrication poussée en usine et une réduction des ouvrages de génie civil sur site. En termes de sûreté nucléaire et de protection physique, le choix d’une architecture intégrée pour le réacteur, placé dans une enceinte métallique, elle-même immergée dans une installation semi-enterrée, offre les meilleures garanties (évacuation de la puissance résiduelle en circulation naturelle notamment).

Un changement de paradigme autant industriel qu’institutionnel
Le projet Nuward constitue une occasion pour consolider un unique projet SMR européen, en rassemblant les contributions de multiples partenaires industriels européens avec le savoir-faire de la filière nucléaire française. L’Europe pourrait constituer, avec le Canada, le premier marché commercial pour les SMR, avec plusieurs pays intéressés pour un déploiement à partir de 2035, afin de réduire très fortement leur dépendance au charbon.

Le modèle économique des SMR repose sur trois facteurs clés de succès : la simplification du design, une conception-fabrication modulaire et une production en série, autant de défis à relever pour les concepteurs. Si une partie de l’effort est du côté des concepteurs, l’autre partie est plus liée à l’évolution des « règles du jeu », qui devront permettre la réplication dans de multiples pays sans redesign et sans recommencer à chaque fois un processus de licensing complet.

L’harmonisation des règles de sûreté
Paradoxalement, le foisonnement de projets de SMR plus ou moins avancés de par le monde pourrait se révéler être un frein à un effet de série nécessaire à la viabilité du modèle économique. D’autant plus que les pays déjà producteurs ou pouvant rapidement accéder à l’énergie nucléaire ont des réglementations nucléaires non harmonisées ou peu harmonisées, émises par leurs autorités de sûreté, souveraines en la matière. Il faut donc souligner les initiatives prises au niveau international sous l’égide de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), ou par exemple entre le Canada et les USA et plus récemment en Europe sous l’égide de l’Union européenne pour encourager un partenariat européen SMR. Ces démarches pourront faciliter l’harmonisation des règles du jeu, donner tout son sens au concept de SMR et inciter des pays nouveaux entrants dans la production d’énergie nucléaire à se doter d’une flotte de SMR pour relever le défi de la décarbonation de leur mix énergétique. Pour concrétiser cette recherche d’harmonisation le projet Nuward a pris l’initiative de soumettre son design à trois autorités de sûreté pour une analyse conjointe (France, Finlande et République tchèque).

La taxonomie européenne
Enfin, l’investissement initial plus faible pour des SMR, comparé à celui des centrales de puissance, ouvre également des perspectives de financement élargies aux investisseurs privés. Cela impose cependant, dans des systèmes énergétiques avec une part importante d’énergies intermittentes, des régulations adaptées aux moyens pilotables : des revenus garantis par des prix fixes (par ex. contract for difference), des profils de risques acceptables, un cadre réglementaire stable dans le temps. La reconnaissance de l’énergie nucléaire comme technologie dite durable au sens de la taxonomie européenne (sustainable finance) est aussi indispensable pour faire bénéficier l’Europe du potentiel des SMR, tant du côté de la demande, en tant que moyen de production sans CO2, que du côté de l’offre avec un projet européen Nuward qui créera des milliers d’emplois qualifiés en Europe. 

 


Panorama des projets de SMR dans le monde
La forte croissance mondiale de l’intérêt pour les SMR depuis plusieurs années s’est accompagnée d’un nouveau dynamisme industriel pour une gamme très large de concepts de réacteurs. L’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) recense ainsi dans son booklet plus de 80 projets de SMR, de toutes origines et de technologies diverses. Environ la moitié des concepts appartient à la filière des réacteurs à eau la plus éprouvée (filière des centrales de puissance et des réacteurs de propulsion navale), tandis que l’autre moitié concerne des réacteurs dits avancés (réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium ou au plomb, réacteurs à sels fondus, réacteurs à haute température…).

Actuellement, deux projets de SMR ont été réalisés et sont en service : la barge russe Akademik Lomonosov (2 réacteurs de 35 MWe) déployée dans la ville de Pevek (en Sibérie orientale) et le projet chinois HTR-PM (deux réacteurs refroidis au gaz à haute température couplés à une même turbien de 210 MWe) dans la province de Shandong. Deux autres SMR de démonstration industrielle sont en phase de construction : en Argentine (Carem, un REP – réacteur à eau pressurisée – prototype de faible puissance 25 MWe) et en Chine (l’ACP100, REP de 125 MWe).

Les projets les plus avancés pour un déploiement industriel et commercial d’ici la fin de cette décennie sont les réacteurs à eau pressurisée REP majoritairement avec une architecture intégrée (tous les composants du circuit primaire sont une unique capacité sous pression, la cuve) ou à eau bouillante REB (réacteurs à eau bouillante) dits de 3e génération, car ils reposent en grande partie sur des technologies éprouvées et un cycle du combustible existant. Le panorama est le suivant.

Aux USA, deux projets se dégagent : le projet NuScale de centrale composée de plusieurs réacteurs intégrés REP (jusqu’à 12) de 77 MWe conçus pour fonctionner en convection naturelle, c’est-à-dire sans pompe primaire et intégrant dans son design une sûreté passive (sans apport d’énergie externe, en situation accidentelle) et le projet  BWRX-300 de GE Hitachi, projet REB retenu par l’opérateur canadien Ontario Power Generation (OPG) pour une possible première réalisation sur le site de Darlington. Un autre projet suit : le projet Holtec REP de 160 MWe.

La Chine développe plusieurs designs de SMR REP à terre et sur barges. Le projet ACP100 ou Linglong One de 125 MWe, lancé récemment en construction par CNNC (Compagnie nucléaire nationale chinoise) dans l’île Hainan est le plus avancé.

Au Royaume-Uni, l’entreprise Rolls-Royce SMR a lancé récemment la conception d’un REP de 440 MWe pour un déploiement en premier sur leur sol (notamment sur des anciens sites nucléaires de puissance équivalente).

La Russie envisage d’autres barges et centrales à terre équipées de réacteurs intégrés RITM-200 de 50 MWe dont quatre unités sont déjà installées dans les brise-glaces Sibir et Arktika, qui entreront bientôt en service.

La Corée du Sud a développé le projet SMART, REP intégré de 100 MWe, et envisage son déploiement en collaboration avec l’Arabie saoudite (premières réalisations envisagées en Arabie saoudite).

D’autres concepts de SMR, de 4e génération, aussi appelés AMR (Advanced Modular Reactors) sont développés. Davantage en rupture, ils demanderont plus de recherches et ne seront pas prêts pour être commercialisés en série avant 2040, voire 2050. Ces projets font face à d’importants défis technologiques, mais plusieurs entreprises travaillent à les relever. C’est notamment le cas de Moltex Energy au Royaume-Uni et de Terrestrial Energy au Canada, ainsi que de Kairos Power aux USA à partir des sels fondus, ou de TerraPower aux USA, qui propose un SMR à neutrons rapides couplé avec un stockage à sels fondus, ou encore d’X-energy, un réacteur à très haute température. Au-delà des avantages recherchés par la 4e génération (sûreté, compétitivité, cycle du combustible, etc.), ces réacteurs pourraient favoriser certains usages de cogénération, notamment dans la production de chaleur de très haute température, utilisée dans certains procédés industriels, que ne peut pas générer la filière à eau sous pression ou à eau bouillante.

Anonyme

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Le nucléaire
« Réponse #1124 le: 06 décembre 2022 à 13:59:26 »
Des microréacteurs nucléaires pour décarboner la chaleur industrielle

par Antoine GUYOT (X13)

En parallèle des SMR pour la production électrique, la France a tout intérêt à investir dans le développement d’applications nucléaires non électrogènes comme les microréacteurs à fission nucléaire, en remplacement des productions carbonées de chaleur industrielle.

 

 

La centrale nucléaire reste un des meilleurs moyens de production d’électricité décarbonée et un outil indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique. Cependant force est de constater que les réalités économique, technologique et politique gênent l’adaptation massive de l’atome. La centrale nucléaire n’est en effet plus aussi compétitive qu’auparavant, car elle est prise en tenailles entre d’une part l’augmentation des contraintes de sûreté qui tire ses coûts à la hausse et d’autre part les coûts décroissants des autres solutions comme le solaire. Désormais politiques et investisseurs préfèrent les énergies renouvelables, facilement acceptées, sans long chantier coûteux, même si cela néglige les contraintes opérationnelles de pilotabilité et de stockage. Cela est terriblement frustrant. Grâce au combustible nucléaire moins cher au mégawattheure que le charbon, la fission est une des meilleures réactions physiques pour combattre le réchauffement climatique. Pourtant nous n’arrivons pas à en augmenter la portée avec les centrales traditionnelles. Ne pourrions-nous donc pas l’utiliser autrement ? C’est ce que proposent de plus en plus d’initiatives.

Deux paramètres principaux
La fission est une réaction exothermique. Traditionnellement la chaleur dégagée est captée pour produire de la vapeur qui sert ensuite à entraîner une turbien électrogène, lors d’un cycle thermomécanique qui nécessite une source froide. Cependant cette énergie thermique peut être utilisée différemment. Pour définir de nouvelles applications et lutter ainsi contre le réchauffement climatique, deux paramètres principaux apparaissent : d’une part la taille du réacteur ; à l’instar des SMR (Small and Modular Reactors de plusieurs centaines de mégawatts), le choix de la gamme de puissance ouvre ou ferme des applications, des clients potentiels et la possibilité à l’export ; d’autre part le marché : à qui vendre l’énergie dégagée ?

Le projet français Jimmy
Depuis dix ans, de nombreux projets de réacteurs d’une dizaine de mégawatts sont ainsi nés pour des applications nouvelles : dessalement, production pour sites isolés, propulsion marine, chaleur industrielle… C’est par exemple ce que propose le projet français Jimmy (www.jimmy-energy.eu) dont la mission est de décarboner massivement la chaleur industrielle. Les industriels ont en effet le problème suivant : ils consomment majoritairement de la chaleur pour leurs procédés et les énergies fossiles restent, sauf exception, la seule manière compétitive de créer cette chaleur. L’électricité, le gaz ou l’hydrogène sont au moins deux fois plus chers. Jimmy propose, à l’inverse, des générateurs thermiques de 10 MWth fondés sur la fission, qui permettent de fournir de la chaleur décarbonée moins chère que les énergies fossiles. Jimmy permet ainsi à ses clients de respecter leur engagement net zéro en 2050 tout en augmentant leur marge, grâce à la fission appliquée à un nouveau marché.

Un peu d’histoire
Concevoir des microréacteurs et utiliser directement la chaleur produite ne constituent pas des idées nouvelles. Le microréacteur nucléaire est un vieux fantasme et de nombreux projets ont vu le jour depuis les années 60. Parmi les plus notables, il y a par exemple le ML-1, destiné au déploiement de l’armée américaine, et le HTRE-3, destiné à la propulsion aéronautique. Malheureusement les coûts ou l’arrivée de technologie plus pertinente ont empêché ces projets d’aboutir. Les modèles se rapprochant le plus de microréacteurs ont été finalement surtout les réacteurs de recherche (près de 50 en France) et certains petits réacteurs de propulsion navale. D’autres utilisations de la chaleur créée par fission ont aussi déjà été explorées. Par exemple, dans les pays au climat rude, comme la Russie, la Chine et les pays de l’Est, la chaleur fatale de la centrale est parfois utilisée pour les réseaux de chaleur résidentielle (environ 75 réacteurs dans le monde sur les 443 existants). D’autres projets d’utilisation de la chaleur ont existé, comme celui du dessalement de l’eau de mer, qui intéresse particulièrement l’Inde, le Japon et l’Arabie saoudite aujourd’hui.


Les leaders mondiaux de l’atome : le monde anglo-saxon
Les leaders mondiaux du nucléaire restent incontestablement les Américains. La recherche, les investisseurs et les pouvoirs publics ont bien compris que l’atome pouvait servir différemment qu’en centrale traditionnelle et que le changement de taille offrait des possibilités intéressantes. Outre-Atlantique, deux cas d’usage ont ainsi suscité la création de nombreux projets depuis quinze ans. Dans les sites isolés existent des communautés coupées du réseau électrique national au Canada et en Alaska, où habitants et activités industrielles ont un coût de l’énergie suffisamment élevé pour qu’une solution atomique soit intéressante.

La défense par ailleurs renoue avec la volonté de disposer de réacteurs mobiles pour fournir de l’énergie en théâtre d’opérations. Ainsi on trouve des projets de rupture dont les plus connus sont Oklo, USNC (Ultra Safe Nuclear Corporation), X-energy ou eVinci. Ils proposent tous de fournir simultanément électricité et chaleur à leur client. Les laboratoires nationaux, comme l’INL (Idaho National Laboratory) autour de l’initiative GAIN (Gateway for Accelerated Innovation in Nuclear), recensent et dynamisent ces nombreux projets. Les DoE (Department of Energy) et DoD (Department of Defense) soutiennent financièrement leur développement, avec un effort redoublé en sortie de Covid.

Le petit frère britannique, quant à lui, suit l’exemple américain. D’une part le gouvernement a mis en place le projet AMR (Advanced Modular Reactor) afin de proposer une solution atomique polyvalente et d’autre part Urenco poursuit depuis plusieurs années un projet proche de celui de USNC, appelé U-Battery, pour produire simultanément électricité et chaleur. Si le monde anglo-saxon a encore du retard sur les réacteurs à neutrons rapides, ces nouveaux besoins pourraient justifier des investissements pour franchir le pas. Oklo est d’ailleurs un premier projet pionnier de réacteur à neutrons rapides.

La Chine, le challenger qui pourrait rapidement prendre la tête
La Chine est le challenger, la puissance nucléaire montante, puisqu’elle comptabilise sur son territoire le plus de réacteurs en construction (14). Si aujourd’hui elle se concentre principalement sur des réacteurs de centrale pour la génération électrique, elle n’en reste pas moins potentiellement la prochaine puissance leader dans le domaine non électrogène. Cette montée en puissance s’inscrit dans la durée. Depuis trente ans, la Chine collectionne les différentes technologies apportées par les experts mondiaux historiques. En particulier, elle a bien compris l’intérêt de la chaleur fissile, ayant adopté rapidement la cogénération sur ses centrales nucléaires et ayant développé ces vingt-cinq dernières années sa filière de High Temperature Reactors à partir du savoir-faire germanique. Une nouvelle centrale de ce type a même été mise en service le 12 septembre 2021. Elle a également annoncé récemment l’industrialisation d’un réacteur à sels fondus d’ici 2030. Ainsi les applications directement industrielles et résidentielles sont dans la stratégie chinoise, qui aura pour chaque application (chaleur, dessalement, hydrogène) la meilleure technologie, déclinée à la puissance convenue.

En Europe, les pays nordiques sont les plus audacieux
L’Europe, qui avait bien compris l’enjeu de l’atome au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, est aujourd’hui divisée sur la question. Seules des initiatives privées, souvent proches de la recherche et encore récemment assez peu soutenues par les pouvoirs publics, voient le jour pour proposer des alternatives aux centrales électriques classiques. Les leaders dans les projets innovants sont les pays nordiques, installés depuis quelques années. On recense en particulier : le danois Seaborg, qui souhaite proposer à partir de 2027 des réacteurs à sels fondus pour produire électricité, chaleur et permettre la propulsion navale ; le suédois LeadCold, lié avec KTH (Institut royal de technologie), qui souhaite mettre au goût du jour la technologie soviétique au plomb pour les sites isolés nord-américains sur lesquels il opère ; le finlandais VTT (Centre de recherche technique de Finlande) qui souhaite construire un réacteur à eau, dédié au chauffage urbain.

La France commence à réagir
La France, pourtant pionnière dès les années 70 avec le projet de pile thermique Thermos ou le programme Score, ne se positionne que depuis deux ans sur cette gamme à travers deux initiatives privées : le projet Naarea qui concurrence quasi frontalement Seaborg en proposant une technologie à sels fondus provenant des travaux du CNRS ; la start-up Jimmy, qui adapte une technologie mature à un positionnement unique puisqu’elle ne se concentre exclusivement que sur la chaleur industrielle, sans aucune production électrique, ce qui lui permet de décarboner massivement l’industrie en proposant une chaleur moins chère que celle du gaz avec une prévisibilité du coût à vingt ans.

D’autres projets ont vu également le jour grâce à des entrepreneurs européens. On peut noter en particulier : le suisse Transmutex, qui souhaite coupler un accélérateur de particules à un réacteur pour détruire les déchets nucléaires ; l’italien Newcleo qui veut industrialiser des projets de réacteur 4e génération en Europe.

Le Japon et la Russie, deux acteurs qui pourraient profiter de leur passé atomique
La Russie, héritant du savoir de l’URSS, est capable de se positionner sur un projet de réacteur non purement électrogène. En particulier elle bénéficie de la technologie au plomb grâce à son concept Brest-OD-300 et ses sous-marins de la classe Alpha. Elle bénéficierait aussi du retour d’expérience de la mise sur orbite de satellites contenant des réacteurs nucléaires par le passé. Aujourd’hui la recherche russe reste cependant orientée autour de la possible propulsion aéronautique et les centrales sur barges.

Le Japon, dix ans après Fukushima, reprend également une politique nucléaire. La puissance nippone rallume des réacteurs de prochaine génération comme le HTTR (High Temperature Engineering Test Reactor) et affirme sa volonté de poursuivre son expérience de couplage thermique avec un site de production d’hydrogène.

Réussir une transition énergétique
Électricité, chaleur industrielle, chaleur résidentielle, hydrogène par électrolyse ou cycle iode-soufre, dessalement, transport… tout peut être fait à partir de fission. L’enjeu est alors de réussir une transition énergétique en créant des entreprises prospères pour soutenir l’innovation tout du long de cette transition. Si les SMR offrent un renouveau au marché électrique, des réacteurs d’un ordre de grandeur inférieur, dits microréacteurs, semblent être une bonne voie pour proposer de nouvelles applications.

“Le format microréacteur est propice à l’export du savoir-faire français.”
 
Ses dispositifs sont en effet plus abordables désormais et plus facilement acceptables, car ils présentent généralement une sûreté passive intrinsèque. Ainsi, investir massivement dans cette voie pourrait permettre de rendre à nouveau pleinement rentable notre industrie nucléaire. En effet la demande croît sur ces secteurs, moins concurrentiels que celui du marché électrique, et le format microréacteur est propice à l’export du savoir-faire français. Par ailleurs, la production en moyenne série permet des innovations plus rapides, en particulier pour minimiser la création de déchets, dont les constructeurs de centrale pourront ensuite bénéficier.

kgersen

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Le nucléaire
« Réponse #1125 le: 06 décembre 2022 à 14:29:35 »
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Anonyme

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Le nucléaire
« Réponse #1126 le: 06 décembre 2022 à 14:56:14 »
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Tout n'est pas intéressant,il y a quelques exercices de style, à la Raymond Queneau, mais, il existe quelques informations cruciales.
Il faut savoir que tous les intervenants ont des postes prépondérants dans la filière de l'atome.

kgersen

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Le nucléaire
« Réponse #1127 le: 06 décembre 2022 à 14:59:48 »
c'est juste que poster des tartines copiées/collées comme ca ne fait qu'embrouiller le sujet.
Poste un lien vers la source et ajoute soit un résumé (en blanc si écrit par toi) soit des extraits courts importants (en bleu).