Droit de filmer en caméra cachée : la Cour de cassation a rendu un arrêt éclairant sur le droit pour les journalistes, de filmer en caméra cachée, aux fins de réaliser des reportages sur des sujets d’actualité. Les juges suprêmes ont confirmé le non-lieu prononcé du chef d’escroquerie à l’encontre d’un journaliste et du président de France Télévisions.
En l’occurrence, un journaliste s’est infiltré dans des milieux religieux et a filmé des images et enregistrer des propos permettant de témoigner de l’existence de méthodes susceptibles d’être nourries de l’idéologie de l’extrême droite. Les personnes filmées à leur insu ont poursuivi le journaliste et le président de France Télévisions pour escroquerie.
(...............)
Caméra cachée, outil légitime d’investigation
Sur l’infiltration des journalistes, il est constant que le procédé consistant à aller rechercher par le biais d’une caméra cachée, des informations qu’il serait impossible pour un journaliste de se procurer par un autre moyen, est légitime, compte tenu du sujet faisant l’objet d’investigations.
Ce procédé s’il n’est pas légalement proscrit, doit être justifié par les nécessités de l’information et effectué sans recours ni à la manipulation, ni au mensonge, et en respectant l’anonymisation des personnes filmées et auditionnées, dans une recherche de proportionnalité entre l’intérêt de l’enquête et le respect des personnes.
Au cours du reportage, force est de constater que le journaliste s’est borné à regarder et à écouter ce qu’il se passait autour de lui, (et donc de filmer et d’enregistrer) dans le but d’en restituer la teneur et la substance dans un reportage dédié au grand public.
https://www.mesformaliteslegales.fr/droit-de-filmer-en-camera-cachee/La Cour européenne des droits de l'homme, qui se prononçait en février 2015 sur la condamnation de quatre journalistes suisses ayant filmé un interlocuteur sans le prévenir, estime que cette pratique relève du droit à l'information.
Dans sa décision du 24 février 2015 AFFAIRE HALDIMANN ET AUTRES c. SUISSE (Requête no 21830/09), la CEDH a considéré que la prise d'images en caméra cachée ne peut faire l'objet d'une condamnation lorsqu'elle se fait dans l'intérêt du public, au risque de violer le principe de liberté d'expression.
Dans son arrêt, la CEDH ne nie pas que l'enregistrement pris à l'insu de la personne filmée, même en masquant son identité, pouvait nuire à son image, étant diffusé «d'une manière péjorative», mais cela ne suffit pas à justifier la condamnation des journalistes. L'objet du reportage relevait en effet selon les juges européens de l'intérêt général en rappelant que «La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique», s'appuyant sur l'article 10 de la Convention des droits de l'homme
En France, pour le CSA, les limites sont les suivantes:
- Le recours à la caméra cachée doit être réservé aux situations dans lesquelles l’information n’aurait pas pu être obtenue différemment ;
- Le recours à ce procédé doit être porté à la connaissance du public, de façon à ce qu’il ne subsiste aucun ambiguïté lors de la diffusion des images sur le fait que les propos sont tenus par des personnes qui ne sont a priori pas conscientes que la scène est enregistrée ;
- Les personnes filmées ou enregistrées à leur insu par ce processus n’ayant généralement pas donné leur accord pour la diffusion de leur image ni de leurs propos, il est nécessaire qu’elles ne soient pas identifiables lors de la diffusion de l’enregistrement. C’est pourquoi, il revient à la chaîne de garantir l’anonymat des personnes et des lieux filmés en caméra cachée.
https://www.thierryvallatavocat.com/2018/11/enregistrements-clandestins-et-liberte-d-information-quelle-legalite-pour-les-cameras-cachees.html