Les attaques sur la neutralité visent plusieurs objectifs bien différents :
- Faire baisser la consommation data (avec le nouvel argument : c'est bon pour la planète)
- Faire payer une partie des coûts du réseau aux fournisseurs de contenu
- Mettre en avant des services au détriment d'autres, via par exemple des godets différents sur le mobile (Une offre 100 Go est divisée en 5 godets de 20 Go chacun pour des usages différents, offre proposée en France par Digicel et rapidement retirée).
- Rajouter de la publicité
- Couper des services concurrents à ce que propose l'opérateur (couper Netflix pour proposer son propre service de vidéo, si si il y a ce type de demande)
- Proposer du zero-rating, c'est à dire ne pas décompter certain trafic sur les offres mobiles. En 2021, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu trois arrêts en matière de neutralité du net relatifs à des pratiques de zéro rating mises en œuvre par deux opérateurs allemands Vodafone et Telekom Deutschland. Ces arrêts répondent aux différentes questions préjudicielles posées par les juridictions allemandes à la CJUE portant sur la légalité des obligations contractuelles qui entourent l’utilisation d’une option dite de zéro-rating et mettent un coup d’arrêt brutal à cette pratique (peu rependue en France, mais beaucoup plus dans d'autres pays).
Pour répondre aux différentes questions préjudicielles, la CJUE a estimé nécessaire d’interroger au préalable la légalité d’une pratique commerciale de zéro-rating au regard de l’article 3 paragraphe 3 du règlement internet ouvert. Ce dernier prévoit que les fournisseurs d’accès à internet doivent traiter tout le trafic de façon égale et sans discrimination, restriction ou interférence, quel que soient, les applications ou les services utilisés. Toutefois, la Cour rappelle que l’article 3 paragraphe 3 autorise un opérateur à mettre en œuvre des mesures de gestion de trafic raisonnables fondées sur des différences objectives entre les exigences techniques en matière de qualité de service de certaines catégories de trafic, sous réserve que ces mesures ne soient pas fondées sur des considérations commerciales.
Or, une pratique de zéro-rating «
opère, sur la base de considération commerciale, une distinction au sein du trafic Internet, en ne décomptant pas du forfait de base le trafic à destination d’applications partenaires [de l’opérateur]. Par conséquent, une telle pratique commerciale ne satisfait pas à l’obligation générale de traitement égal du trafic, sans discrimination ou interférence, énoncé à l’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement [internet ouvert] ». La Cour ajoute que ce «
manquement (…) persiste, indépendamment de l’éventuelle possibilité de continuer, ou non, d’accéder librement au contenu fourni par les partenaires du fournisseur d’accès à Internet, après épuisement du forfait de base ». Ainsi, la Cour conclut qu’ «
une telle pratique commerciale est contraire aux obligations découlant de l’article 3, paragraphe 3, du règlement 2015/2120, [et que] cette contrariété subsiste, indépendamment de la forme ou de la nature des conditions d’utilisation attachées aux options tarifaires proposée ».
En somme, la pratique commerciale du zéro-rating est per se contraire à l’article 3, paragraphe 3 du règlement internet ouvert. Ainsi, les questions préjudicielles relatives aux conditions contractuelles entourant l’utilisation de ces options commerciales proposées par les opérateurs allemands n’ont pas besoin d’être examinés par la Cour, dès lors que la pratique est en elle-même illicite.
Les faits ayant conduit aux arrêts de la Cour de Justice de l’UE :
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L'affaire C-854/19, Vodafone propose à ses clients des options à tarif nul dénommées « Vodafone Pass » (« Video Pass », « Music Pass », « Chat Pass » et « Social Pass ») valables uniquement sur le territoire national. Ces Vodafone Pass permettent aux clients Vodafone l’utilisation de certaines applications (vidéo, musique, tchat ou réseaux sociaux) sans que le volume de données consommé par l’utilisation de ces services ne soit déduit du volume de données compris dans le forfait client. Toutefois, à l’étranger, ces options à tarif nul n’étaient plus valables et l’utilisation des applications dites zéro ratées était décompté du volume de données du forfait client. Les juridictions allemandes ont donc interrogé la Cour de Justice de l’UE sur une éventuelle incompatibilité de cette pratique commerciale à l’étranger avec les dispositions du règlement internet ouvert (Art 6 bis et 6 ter) relatives à la facturation et l’utilisation raisonnable de services de données en itinérance.
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L’affaire C-5/20, Vodafone propose à ses clients des options à tarif nul dénommées « Vodafone Pass », donnant accès à certains services dont l’utilisation n’est pas décompté du forfait client. Toutefois, les condition contractuelles générales associées à ces Pass stipulaient que l’utilisation des mêmes applications zéro-ratées via un partage de connexion était décompté du volume de données du forfait client, contrairement à leurs utilisations sans partage de connexion. Les juridictions allemandes ont alors interrogé la Cour de Justice de l’UE sur la compatibilité de cette clause contractuelle avec les dispositions du règlement internet ouvert, en particulier son article 3 garantissant aux utilisateurs finaux la liberté d’utiliser les équipements terminaux de leur choix.
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L’affaire C-34/20, Telekom Deutschland propose à ses clients, ayant souscrit certains forfaits, la possibilité de souscrire à une option complémentaire à tarif nul dénommée « Stream On ». Cette option permet de ne pas décompter du volume de données du forfait client l’utilisation d’applications de musique et de vidéo partenaire de Telekom Deutschland. Toutefois, la souscription à cette option complémentaire s’accompagnait d’une réduction du débit de transmission des données pour l’ensemble du streaming vidéo, qu’il s’agisse des applications zéro-ratées ou de fournisseurs de contenus similaires tiers. Les juridictions allemandes ont donc interrogé la Cour de Justice de l’UE sur la compatibilité d’une telle limitation de la bande passante en raison de l’activation d’une option complémentaire à tarif nul avec l’article 3 du règlement internet ouvert.
La Cour de Justice de l’Union européenne a donc conclu que le zero-rating est contraire au règlement sur la neutralité du net. Cette fin du zero-rating s'applique à tous les opérateurs, pour toute l'Europe et va impacter pas mal les offres dans certains pays (pas trop la France).