Auteur Sujet: Patrick Drahi inquiété par le fisc ... genevois  (Lu 6525 fois)

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Myck205

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Patrick Drahi inquiété par le fisc ... genevois
« Réponse #24 le: 13 avril 2023 à 20:44:34 »
des pro quelque chose ca existe ?
normalement il faut etre contre tout, c'est comme ca qu'on se sent exister...

Contre les pizzas à l'ananas !!! Oui monsieur !!!

trekker92

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Patrick Drahi, vie de batisseur d'empire...
« Réponse #25 le: 11 août 2023 à 16:31:13 »
Quand Patrick Drahi était le roi de Cologny, « le Beverly Hills de la Suisse »

C’est ici, à Cologny, près de Genève, que le nouvel empereur des télécoms et des médias, Patrick Drahi, bâtit son fief familial. À l’abri des regards, il achète de somptueuses villas pour lui et ses proches. En 2016, Sophie des Déserts visitait ce curieux village où s’abritent les plus grandes fortunes du monde.

Il se murmure, dans les rues du village, que l’homme est un peu spécial : il aime prendre le bus. Certains l’ont déjà vu patienter à l’arrêt de la ligne A, tout sourire, en jean et polo, Swatch au poignet. Au lever du soleil, quand les employés de maison débarquent à Cologny pour une journée de labeur, Patrick Drahi s’offre parfois une escapade en transport public. Petit plaisir de dix minutes jusqu’à ses bureaux, au centre de Genève, comme un frisson de liberté avant d’aller batailler pour son empire. Le fondateur d’Altice, roi des télécoms depuis le rachat de SFR et conquérant insatiable d’entreprises médiatiques (Libération, le groupe L’Express, Next Radio-BFM TV) se rêve en « milliardaire normal ». C’est son obsession, ne pas perdre les pédales même quand on voyage en jet, qu’on emploie 55000 personnes et qu’on ne cesse de restructurer, licencier, convoiter toujours plus dans le monde entier. Quand il croise à Paris, non loin de la Muette, son voisin et rival Xavier Niel entouré d’un chauffeur et d’un garde du corps, il frémit à l’idée de devoir un jour vivre comme lui. À Cologny au moins, Patrick Drahi se fond dans la masse.

Personne ne l’envie – qui sait même qu’il possède sur la commune trois demeures splendides, ainsi que deux grands terrains prêts à en accueillir d’autres, un patrimoine de près de 100 millions d’euros discrètement acquis ? Son fief familial est ici. L’homme d’affaires franco-israélien est tombé sous le charme de cet éden perché sur les hauteurs de Genève face au lac Léman et aux cimes immaculées du Jura. Là vivent des gens qui lui ressemblent : une petite colonie de richissimes qui, pour leur argent comme pour eux-mêmes, cherchent la paix. Le monde est leur terrain de jeu ; Cologny, leur nid, sûr, douillet, secret. L’air y est pur, l’impôt léger et le voisinage de qualité. À peine 5000 habitants dont 40 % de résidents étrangers qui ne font généralement pas de vagues. Un condensé de l’oligarchie internationale, des vieilles familles de l’industrie aux jeunes loups de la finance, des pétroliers du Golfe aux magnats plus ou moins fréquentables de l’ex-empire soviétique. Ils cohabitent, protégés par les caméras de surveillance et les agents de sécurité qui tournent en boucle dans les vallons paisibles. « Cologny, se réjouissent les agents immobiliers, c’est le Beverly Hills de la Suisse. »

Malgré son nom d’artiste, Leonard Cohen est spécialiste des transactions haut de gamme et lui n’emploie jamais ce genre de formule. Trop vulgaire pour cet enfant du cru qui a arpenté, en skate puis en Mercedes, tous les chemins du village où derrière les haies touffues se cachent tant de fortunes. Il sait combien les Colognotes, les vrais, détestent les étaler. Belle gueule, mandibule gourmande, le trentenaire a ses habitudes au Lion d’Or, le temple étoilé de la haute société genevoise situé sur l’esplanade du village face au lac. Au menu du déjeuner, dans un décor épuré signé Jean-Michel Wilmotte : ballotin de turbotin, matelote de seiche à l’encre de calamar. « Ici, nous n’avons pas de stars du show-business », signale-t-il. Bien sûr, Cologny a compté autrefois quelques résidents célèbres : Sophia Loren, Petula Clark, Alain Delon, Charles Aznavour, Zizi Jeanmaire et même Daniel Balavoine, installé route de la Capite à la naissance de son fils. Quelques-uns y sont encore : Jean-Claude Killy, Alain Prost, Jean Alesi. « Mais aujourd’hui, la commune est surtout prisée des gens très riches, souvent inconnus du grand public, qui sont séduits par la sûreté et la beauté des lieux. »

Leonard Cohen boit une gorgée d’eau, sourire entendu : « Ici, nous n’avons pas de terroristes. L’aéroport international est proche, l’éducation de qualité, l’immobilier ne perd pas de valeur. Certains sont prêts à payer 10, 20, 30 millions de francs suisses (à peu près l’équivalent en euros), parfois même plus... » À ces prix-là, le négociateur est devenu promoteur. Il suggère, en guise de dessert, une visite de sa dernière réalisation : un petit bijou cubique à 20 millions avec ascenseur, piscine, maison de gardiens et garage pour dix berlines. Deux ans plus tôt, il y avait là des retraités dans une vieille bicoque. Il a tout fait raser. Le chantier n’est pas loin; la route serpente devant la célèbre Villa Diodati où Byron, jadis, passa quelques étés. On dit qu’une nuit d’orage, le poète défia sa jeune amie Mary Shelley d’écrire le plus vite possible un roman d’horreur. Frankenstein aurait surgi ainsi, en 1816, devant les eaux tourmentées du lac Léman. La demeure mythique et sa chapelle ont été achetées par un couple d’Anglais, les Parker, qui ont fait fortune dans le duty free (le groupe dont ils étaient actionnaires a été revendu à LVMH en 1997 pour quelque 2,5 milliards de dollars). « Tenez, note l’agent immobilier en désignant sur la route déserte une maison en travaux gardée par un immense panneau “Défense d’entrer”. Ça, c’est la première acquisition de M. Drahi. »
La clèbre Villa Diodati où sjournait Byron.

Leonard Cohen ne précise pas que c’est son père qui a vendu sa résidence à l’homme d’affaires il y a plus de quinze ans : 256 m2 habitables (et 119 m2 de garage) pour 8 millions, d’après le registre des transactions immobilières accessible au public. Une villa blanche à l’architecture classique sise dans l’endroit le plus prisé de Cologny. Le chemin de Ruth ne paie pas de mine, il est long, sinueux, désert. Il doit son nom à une domestique qui, selon de vagues légendes, a laissé aux messieurs du coin quelques souvenirs. Et pourtant, cette voie bordée de hautes barrières abrite la crème de Cologny. Elle fait partie des emplacements les plus chers du monde, après Pollock’s Path à Hong Kong, Kensington Palace Gardens à Londres et la 5e Avenue à New York.

La transaction a été signée en août 2000. Patrick Drahi débutait tout juste son ascension. Il avait été muté à Genève un an plus tôt par UPC, la firme de son mentor Joe Malone, le roi du câble américain (à qui il a cédé sa première société créée avec un prêt étudiant dans le sud de la France). Lina, sa femme, l’a suivi, luciole indispensable et discrète depuis toujours. Elle était la sœur de son professeur d’informatique à Sup Télécoms, son école d’application après Polytechnique. Elle étudiait la médecine, semblait inaccessible vu ses origines syriennes orthodoxes. Drahi a décidé de l’épouser en une heure : « Love at first sight », comme il l’a confié au Wall Street Journal en juillet 2015. « Ce fut le combat le plus dur de ma vie », raconte-t-il souvent en rappelant combien lui, le juif de Casablanca, a lutté pour se faire accepter par sa belle-famille. Il lui faudra patienter plus de vingt cinq ans pour se marier religieusement dans la grande synagogue de Genève, à l’automne 2014, alors qu’il bouclait le rachat de SFR.

Les Drahi, qui ont commencé leur vie conjugale dans un pavillon de Thiais, en banlieue parisienne, se plaisent à Cologny. À quelques foulées de chez eux, il y a leur bon copain Claude Berda, le fondateur d’AB Productions (« Je vis aujourd’hui à Bruxelles près de mes petits enfants, mais j’ai gardé ma maison à Cologny », précise l’entrepreneur qui essaie régulièrement de vendre son groupe au patron d’Altice). Tout autour, les Français sont nombreux et bien classés au palmarès des fortunes hexagonales: Michel Mulliez, l’un des héritiers du groupe Auchan (sa famille figure à la 4e place du classement de Challenges) ; Gérard Wertheimer, propriétaire avec son frère de Chanel (7e ) ; Pierre Castel, fondateur d’un empire dans le vin, la bière, les eaux minérales (11e ) ; Corinne Bouygues, fille de Francis ; Lionel Afflelou, fils du lunetier; Roger Zannier, le spécialiste des vêtements pour enfants (Z, Absorba, Kickers) ou encore Michel Reybier, ex-roi de la charcuterie (Aoste, Justin Bridou), reconverti dans le business anti-âge et l’hôtellerie de luxe (il possède notamment La Réserve, palace huppé de Genève). La plupart bénéficient du forfait fiscal suisse, qui permet aux résidents étrangers d’être imposés sur une estimation de leurs dépenses annuelles et non sur leur fortune. Patrick Drahi a opté pour ce système à Genève, avant de se faire domicilier en 2011 à Zermatt où il possède plusieurs chalets, la fiscalité y étant encore plus avantageuse.

La villa du chemin de Ruth a été enregistrée au nom de son épouse. Ses quatre enfants, scolarisés à la très sélecte École Moser de Genève, ont poussé au grand air. Et c’est à Cologny que l’heureux père de famille a commencé à dessiner son royaume, grâce à la revente de ses actions UPC. Il l’a baptisé Altice, en s’inspirant du nom d’un bois sacré d’Olympie, Altis, où Zeus avait son temple. La société, immatriculée au Luxembourg, opère depuis Genève ; la holding personnelle est enregistrée sur l’île anglo-normande de Guernesey. L’ingénieur opère en escadron, avec une petite équipe de jeunes fidèles très affûtés. Certains vivent près de Cologny, à Vésenaz notamment, où le directeur financier d’Altice, Dexter Goei, et son secrétaire général, Jérémie Bonnin, possèdent tous deux une maison. Parfois, des réunions s’improvisent chemin de Ruth, devant le piano du boss et sa collection de toiles impressionnistes et orientalistes.

Drahi aime que ça aille vite. Il a le goût du risque et multiplie, à coup d’emprunts, les rachats de câblo-opérateurs. Le petit monde des banquiers genevois observe, fasciné et parfois circonspect, l’incroyable culot de ce self-made-man aujourd’hui endetté à hauteur de 45 milliards d’euros. Drahi vise haut en espérant peut-être intégrer le cénacle des tout-puissants réunis au-dessus de chez lui. Au 68 chemin du Ruth, non loin des héritiers Guggenheim, une plaque gravée signale : « Committed to improving the state of the world » (Engagé à améliorer l’état du monde). Le message est généreux, l’accueil un peu moins. Des gaillards en gilet pareballes défendent l’entrée d’un bunker gardé par des molosses et bardé d’antennes satellites. On se croirait dans Star Wars. Dans le parc, au loin, une petite silhouette grise, Maître Yoda peut-être, glisse entre les arbres. Entre deux conversations avec les maîtres du monde, Klaus Schwab se promène. C’est ici, sur la colline, que le professeur d’économie, ancien complice de Raymond Barre, a installé le Forum économique mondial (World Economic Forum). Sa petite entreprise est devenue une machine de guerre, forte de 350 employés, qui multiplie les conférences et les cercles d’influence en Chine, à Dubaï, en Europe – dont le célèbre Forum de Davos, où se réunit depuis trente ans la crème du capitalisme planétaire. L’édition 2016 (30 000 euros en moyenne le ticket d’entrée) a rassemblé les patrons de Google, Citibank, General Motors, Renault, Total, ainsi que Leonardo DiCaprio, David Cameron et la moitié du gouvernement français.

À Cologny, Schwab tricote calmement ses réseaux. « Ici, c’est un peu le club house des dirigeants du monde », plaisante souvent l’auguste professeur. Yasser Arafat, Shimon Peres, Nelson Mandela, Mikhaïl Gorbatchev, Helmut Kohl, Bill Clinton, Bill Gates, Steve Jobs, tous sont venus deviser face au Palais des Nations qui trône sur l’autre rive. Les ambassadeurs peuvent débarquer en voisins puisque Cologny abrite de nombreuses résidences diplomatiques (celles du Royaume-Uni, des Émirats arabes unis, d’Afrique du Sud, du Koweït, de Libye, d’Irak, de la Barbade...). Schwab a accueilli aussi quelques dignitaires français comme Nicolas Sarkozy ou Dominique Strauss-Kahn, dont l’ancien ami et associé Thierry Leyne vivait à Cologny avant de faire faillite et de se donner la mort en 2014. Christine Lagarde, du temps où elle était ministre des Finances, a inauguré les nouveaux bâtiments du Forum économique mondial, construits pour 21 millions de francs suisses. En cas d’attaque nucléaire, les Colognotes savent qu’ils peuvent se réfugier dans le parking qui est équipé d’un stock de lits pliants.

Du haut de son bunker, Maître Yoda veille à tout. Une fois, une seule, le professeur Schwab est sorti de sa réserve. C’était au mitan des années 2000 quand les Russes, suivis par les nouvelles fortunes d’ex-URSS, ont déferlé sur le coteau. Ceux-là se croyaient tout permis, achetaient les terres comme des Rolex, avec l’intention d’y planter des palais clinquants. « Je veux du Louis à l’intérieur », demandaient-ils aux décorateurs sans préciser s’ils voulaient du mobilier Louis  XVI ou Louis XVIII. La fille aînée du dictateur d’Ouzbékistan, Gulnora Karimova, ex-partenaire de chant de Gérard Depardieu, donnait des fêtes à tout casser (poursuivie en Suisse et en France pour blanchiement, sa propriété a été saisie). Une autre poupée, kazakhe, lâchait 32 millions de francs suisses pour la villa voisine des Drahi ; son frère promettait de construire un somptueux complexe à Genève-Plage avec le soutien de Tony Parker. Tout près du Forum économique mondial, au 65 chemin du Ruth, Viatcheslav Moshe Kantor, dirigeant du géant international des engrais Akron, voulait bâtir entre ses deux villas à 28 millions chacune une galerie pour exposer sa collection de toiles signées Modigliani, Chagall, Rothko, Soutine. Le professeur craignait que cet « ouvrage funèbre » ne dénature ses terres. Il a tenté d’interdire le chantier. En vain. Quelques mois plus tard, un autre projet pharaonique a failli mettre le feu à Cologny. Dmitry Rybolovlev, autre Russe enrichi aux engrais (avant de se diversifier dans l’immobilier, la finance et le foot avec le rachat de l’AS Monaco) voulait ériger sur des terrains en pente une réplique du Trianon de Versailles. Lui aussi désirait creuser sous terre l’équivalent de trois étages afin d’abriter ses œuvres d’art. Les pelleteuses ont démarré. Panique dans le voisinage, juste au-dessus notamment, à la luxueuse résidence du Mail où habite Marina Picasso, petite-fille du peintre. Chaque camp a mobilisé avocats et experts pour évaluer le risque sismique. Le projet a été suspendu puis stoppé par le divorce du couple Rybolovlev. Depuis, un cratère défigure la colline. Les Genevois, résignés, l’appellent « le trou de Cologny ».
Discrètement décoré par Hollande

L'ancien maire, Pierre-Yves Vallon, ne perd jamais le sourire. Paisible dans ses Mephisto, nez volontaire et mine hâlée par les balades en montagne. Pourtant, ce trou lui reste en travers de la gorge. « Que voulez-vous, soupire-t-il. Ici, un élu a bien peu de pouvoir. Pour ces gens-là, on n’est rien, des gagne-petit ! » Ce soir de mars, au coucher du soleil, il ouvre une bouteille de blanc, pose quelques cacahuètes sur la table fleurie avec les jonquilles du jardin. Sa petite maison veille au bout du chemin de Ruth. Comparée aux propriétés de Kantor et de Drahi, à celle des frères Hinduja (neuvième fortune d’Asie), c’est un cabanon. On lui en offre régulièrement des millions. Mais cet ancien photographe refuse de vendre la terre de ses aïeux. L’amertume pointe dans ses yeux clairs : « Des propriétés qui valent 2 ou 3 millions partent à 10. Les têtes tournent, les familles se déchirent et les étrangers raflent tout. Nos enfants n’ont pas les moyens de vivre à Cologny. » Les autochtones font la gueule. À Genève comme à Paris et ailleurs, ils se sentent hors jeu. Les lois helvétiques, qui interdisent théoriquement aux étrangers d’acheter des biens immobiliers, sont souvent contournées par des sociétés administrées par des Suisses. C’est tout un symbole : Hauterive, la demeure historique de l’ancien président de la Confédération, Gustav Ador, a été rachetée en août 2013, par la fille du roi Fahd d’Arabie saoudite, Latifa Bint Abdulaziz Al Saud, pour 57,5 millions. Un palais vide, comme celui de 500 m2 construit en marbre blanc par Bahaa Al-Hariri, l’héritier de l’ancien Premier ministre libanais assassiné. Un gardien allume régulièrement les lumières pour faire croire qu’il y a de la vie. « Certains jours, il diffuse même de la musique. Toujours la même, s’agace une voisine. L’été, quand le Moyen Orient croule de chaleur, on voit débarquer à Cologny des grappes de femmes voilées avec enfants. »

Les gens du Golfe ont toujours apprécié la fraîcheur du Léman. L’un des frères de l’émir du Qatar a acheté en 2009 une résidence chemin du Pré-Langard. La même année, son pays a déboursé 47 millions de francs suisses pour s’offrir le domaine d’un chanceux promoteur, Maurice Dabbah. Le petit homme paradait au village avec une immense Barbie, Victoria Silvstedt, ex-vedette de Playboy et de « La Roue de la fortune ». Il y en a des beautés au volant des 4x4, des photocopies de blondes à lunettes fumées. Il faut bien rouler. À Cologny, les hommes sont à leurs affaires et les festivités bien rares. Certes, le théâtre Le Crève-Cœur est adorable et la fondation Bodmer regorge de trésors, des papyrus égyptiens aux manuscrits de Shakespeare, Proust, Kerouac... L’été, David Guetta vient parfois mixer sur les terrasses des voisins. Mais ça n’occupe pas les journées. Reste un « tea-room » qui sent la déprime, un fleuriste, un numismate, un styliste pour chiens et une épicerie hors de prix tenue par un vieil Italien. « C’est pas l’éclate, reconnaît Leonard Cohen. Ici, beaucoup de femmes finissent en desperate housewives. » Il y a quelques années, une Russe, lasse des absences de son mari volage, l’a massacré au couteau. Elena Rybolovlev, elle, a infligé à son époux le divorce le plus cher de l’histoire. C’est elle qui, dans le partage, a obtenu le terrain de Cologny et son trou. Elle s’est engagée à le reboucher avec la terre récupérée sur les chantiers du village.

trekker92

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Patrick Drahi, vie de batisseur d'empire...
« Réponse #26 le: 11 août 2023 à 16:31:29 »
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Il y a de quoi faire, les grues poussent comme des champignons. Un trader de BNP Paribas vient d’acheter pour quelque 10 millions la villa de Nana Mouskouri avec l’intention de tout rénover. Un autre, star des hedge funds, se fait construire près du vieux temple une résidence de nabab. L’un des pères du jeu Candy Crush s’est aussi installé dans les parages. Ceux-là rivalisent avec les grandes fortunes de l’or noir, comme le Suédois Torbjörn Törnqvist, patron de Gunvor (troisième trader pétrolier du monde, propriétaire en Russie et ailleurs de dizaines de gisements, de ports et de terminaux). Lui aussi bâtit un palais de verre chemin de Ruth, à quelques numéros des Drahi. Devant le chantier, des ouvriers avalent un sandwich : « Quatre ans qu’on bosse là. Quand le propriétaire n’est pas content, il demande de tout refaire. Il a voulu des panneaux invisibles qui rentrent dans le sol, une piscine tapissée de mosaïques en or. Un truc de malade ! »

Törnqvist voit plus grand encore que l’autre fondateur de Gunvor, Guennadi Timtchenko. Ce fidèle de Vladimir Poutine a été accueilli à bras ouverts à Cologny. « Il est chaleureux, très impliqué dans le tennis club, assume Pierre-Yves Vallon. Il nous a invités dans sa propriété pour nous montrer son terrain couvert conçu par les techniciens de Wimbledon avec bar, sauna, piscine et salle de massage. » L’oligarque, propriétaire de deux Relais & Châteaux en France, a financé les salles russes du Louvre. Il était l’ami de Christophe de Margerie, l’ancien PDG de Total qui dînait encore chez lui à Moscou quelques heures avant sa mort. Timtchenko a facilité l’entrée du groupe français au capital de Novatek, géant russe de l’énergie. En juillet 2013, discrètement, François Hollande l’a fait chevalier de la Légion d’honneur. Depuis, Timtchenko a été placé sur la liste noire de Washington visant à sanctionner les proches de Poutine. Il est aussi devenu la cible des Suisses scandalisés par les forfaits fiscaux. Malgré l’échec de l’initiative populaire lancée en novembre 2014 pour les supprimer, certains restent mobilisés. « On voudrait dénoncer les bénéficiaires de ces forfaits, indique Pablo Crucho du mouvement Solidarités. Dans ce système très opaque, on a trouvé un nom : Timtchenko. On est donc allé à Cologny lui rendre une petite visite avec une déclaration fiscale normale, pour lui prouver qu’il peut payer ses impôts comme tout le monde. » Le gardien a menacé d’appeler la police.

Un vent de révolte souffle sur le coteau. Une jeune députée a même proposé de bâtir des logements sociaux sur le golf de Cologny. « Le cancer socialiste tente de grignoter la Suisse, s’inquiète Leonard Cohen. Le référendum sur le forfait fiscal a heureusement échoué, mais cela a créé une petite musique désagréable pour les investisseurs. Nous sommes déjà moins attractifs que l’Espagne, le Portugal ou Londres avec leurs golden visas [des dispositions fiscales particulièrement avantageuses pour les résidents étrangers]. » L’agent immobilier, qui a ouvert une succursale à Dubaï, continue pourtant de faire de bonnes affaires. Fin 2015, il a vendu, chemin de Ruth, la fameuse résidence de la poupée kazakhe, évaporée à Beverly Hills depuis que sa famille est poursuivie pour blanchiment. Toit ouvrant, terrasses à colonnades, piscines intérieure et extérieure... Le bien a été cédé pour 28 millions à une société nommée Habima, comme le théâtre de Tel-Aviv, administrée par un certain Dominic Sandell. L’homme apparaît parfois en photo au côté de Patrick Drahi, dont il gère les voyages d’affaires. Il dirige une entreprise qui vend et achète des jets, ainsi qu’une autre société, Yafit, en tandem avec Jean-Luc Berrebi, le responsable des finances de l’opérateur israélien Hot, propriété d’Altice. La presse a d’ailleurs cru que c’était Berrebi qui avait acheté le palais kazakh. « Tu t’es fait plaisir », l’ont chambré les « Drahi boys », comme si leur collègue pouvait débourser une telle somme. Eux savaient bien que la villa était tombée dans l’escarcelle du big boss.

D’habitude, le patrimoine immobilier de Patrick Drahi à Genève, Zermatt, Tel Aviv et Paris (y compris l’ancien immeuble de Libération rue Béranger, à Paris, qu’il envisage peut-être de reconvertir en hôtel) est géré par d’autres sociétés administrées par l’unique femme de sa garde rapprochée : Anne-Laure Coates, 35 ans en 2016, repérée au Crédit suisse à Londres. Drahi en a fait sa super-comptable. C’est elle qui, via la société Canef, a acheté en juin 2014, pour 20 millions d’euros, la propriété d’une héritière de l’industrie pharmaceutique, chemin de Ruth toujours. Trois mois plus tard, elle signait pour un terrain un peu plus haut; puis un deuxième en janvier 2016, 2 130 m2 vendus 18 millions de francs suisses, prêts à construire. N’en déplaise à Arnaud Montebourg qui, lors du rachat de SFR, priait Patrick Drahi de « rapatrier l’ensemble de ses biens en France », le milliardaire continue d’investir en Suisse. C’est une habitude chez les nouveaux Colognotes, ils préemptent les terres pour leur descendance. Comme Kantor, comme Timtchenko qui, pour les 23 ans de sa fille, lui a acheté une petite maison à 30 millions, Patrick Drahi pense à ses quatre enfants. Deux d’entre eux sont diplômés de Polytechnique Lausanne, un autre d’HEC dans la même ville, la quatrième étudie encore dans une école de commerce de Tel-Aviv. Certains sont déjà en formation dans le groupe. Qu’ils n’attendent pas de hautes rémunérations. Le fondateur d’Altice l’a confessé en septembre à New York devant un public d’investisseurs : « Je n’aime pas payer des salaires, j’en verse le moins possible. » Drahi est dur en affaires mais tendre avec ses petits. Chacun aura une place sur l’Olympe, ainsi qu’un nid à Cologny.


Source : Vanity Fair - Par Sophie des Déserts - Cet article est issu du magazine Vanity Fair, paru en juin 2016. Il est désormais disponible intégralement en ligne.