Pour ceux qui veulent comprendre les raisons de la chute en bourse d'Altice (encore -0.5% aujourd’hui à 10.25 €), je conseille la lecture de cet article intelligent du Point (auteur Michel Albouy), qui ne se contente comme d'autres de broder autour de dépêches d'agence, et revient en particulier sur le rôle du programme de rachat d'action de 1 milliard lancé en Août.
C'est la fin de ce programme de rachat d'actions le 2 Novembre, qui explique surtout la chute de l'action, sur une tendance à la baisse depuis Août, et pas les résultats du T3 en eux-mêmes, médiocres mais sans plus, qui n'auraient pas justifié à eux seuls une baisse de plus de 5 à 10%. C'est la perte de confiance des investisseurs qui explique la chute, et elle était antérieure, n'étant plus freinée par un programme de rachat d'actions limitant la baisse de l'action.
Avec ce programme, Altice a jeté de l'agent par les fenêtres, dépensant 1 milliard en actions qui ont baissé de 25 à 50% depuis.
L'article s'intitule : "
L'insoutenable légèreté de la stratégie financière d'Altice"
Un programme massif de rachat d'actions inutile
Mais le caractère insoutenable de la stratégie financière d'Altice ne se trouve pas que dans son endettement colossal. Il se trouve également dans le programme de rachat d'actions annoncé fin août 2017 et portant sur un milliard d'euros. Pour ses dirigeants, le fait de lancer un programme de rachat d'actions soulignait la confiance du groupe dans sa capacité à générer du cash.
Avec ce programme, Altice, qui ne verse pas de dividendes, faisait ainsi passer le message qu'elle disposait d'assez de cash pour honorer ses engagements et qu'elle pouvait même compter sur un excédent pour en verser à ses actionnaires. Bref, c'était un « bon signal » envoyé au marché sur la capacité du groupe à générer suffisamment de cash et à rembourser ses dettes.
Mais, le 16 octobre 2017, Altice annonçait la suspension de son programme de rachat d'actions et son remplacement par un autre, d'un montant équivalent. Cette fois, l'annonce venait dèmentir la promesse faite aux investisseurs et constituait un très « mauvais signal ». Peu de temps après, le 3 novembre, le directeur général d'Altice US, qui rassemble les actifs cotés américains du groupe, déclarait donner la priorité à l'opérationnel plutôt qu'aux fusions-acquisitions.
Un retour à la normale pour un groupe collectionnant les acquisitions ? En effet, vu la situation actuelle, l'enjeu principal du groupe contrôlé à 60 % par Patrick Drahi est d'améliorer ses résultats opérationnels pour générer suffisamment de cash pour rembourser sa dette colossale. Dans ces conditions, pourquoi avoir annoncé un tel programme de rachat d'actions d'un milliard d'euros et qui fait désordre ? Et ce, d'autant plus que la théorie financière et les nombreuses recherches empiriques montrent que le rachat d'actions n'est pas créateur de valeur (voir notre article dans The Conversation du 23 mars 2016 « Dividendes et rachats d'actions n'enrichissent pas les actionnaires »). L'étude d'Andew Laptone (reprise dans le Financial Times du 24 août 2017), analyste à la Société générale, montre clairement qu'il n'y a « pas de surcroît de performance en Bourse des sociétés américaines sur les périodes de rachat de leurs propres actions ». Venant d'un professionnel de la finance, ce résultat bien connu par les chercheurs en finance sera-t-il peut-être enfin entendu ?
Rq : il y a bien d'autres analyses intéressantes et chiffres dans cet article.
http://www.lepoint.fr/economie/l-insoutenable-legerete-de-la-strategie-financiere-d-altice-13-11-2017-2171971_28.phpL'article est aussi disponible sur le blog de l'auteur 'The Conversation' :
https://theconversation.com/linsoutenable-legerete-de-la-strategie-financiere-daltice-87323