Auteur Sujet: Liberté de choix du terminal  (Lu 3430 fois)

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letsar

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Liberté de choix du terminal
« le: 23 mai 2016 à 12:14:51 »
Lors de l'atelier sur la neutralité du net, l'ARCEP se demandait si la box est un terminal. Voici ci-dessous la réponse de la fédération FDN :

" Dans les éléments constitutifs d'un accès ouvert au réseau Internet tel que défini par le règlement européen sur les télécoms adopté récemment, il y a le fait que l'utilisateur final puisse utiliser le terminal de son choix.

Cet élèment se comprend bien quand on parle de l'accès mobile : on doit pouvoir utiliser le téléphone, ou le smartphone, qu'on veut, et pas celui imposé par l'opérateur du réseau auquel on est raccordé.

Mais ça devient très vite plus compliqué quand on parle de l'accès à Internet fixe : la box est-elle un terminal, et doit-elle être découplée de l'accès lui-même ?

Le cas pas si simple du mobile

Les smartphones sont tous conçus sur un modèle relativement similaire. Deux ordinateurs cohabitent dans le téléphone, qui font tourner deux systèmes d'exploitation différents. L'un est ce qu'on appelle le baseband, qui gère la liaison avec le réseau, l'essentiel de la partie radio/GSM. L'autre est celui qu'on manipule via un écran tactile.

Le texte du règlement européen ne rentrant pas dans ce genre de détails, et les téléphones n'étant pas démontables, il en résulte qu'ayant le choix du terminal, on a le choix (sans le faire exprès) du module de connexion au réseau.

Les projets en cours sur ces sujets-là emportent, à mon sens, un enjeu stratégique trop souvent mis de côté par le régulateur et le législateur : la confiance que l'utilisateur accorde, parfois un peu légèrement, à un intermédiaire technique dont il n'a pas forcèment conscience.

On a vu par exemple que le téléphone mobile est un outil de choix pour la surveillance de masse de la population (cf. révélations Snowden), que c'est un outil parfait pour cibler un individu, et que la partie radio est capable de prendre la main sur le système central et de le modifier. C'est par exemple ce qui se passe avec certains services contre le vol : le légitime propriétaire du téléphone va sur le site de fabriquant, signale qu'il veut que le terminal soit détruit, et lors de sa prochaine connexion sur le réseau, un message technique sera envoyé à la partie radio qui prendra la main sur le système principal, et effacera toutes les données.

C'est un vrai service rendu à l'utilisateur. Mais c'est aussi le signe que toutes les données de l'utilisateur sont à portée du constructeur et de l'opérateur réseau. Avec l'accord de l'utilisateur final. Ou sans cet accord. Et alors la liberté de choix du terminal prend un sens très fort. Souhaitons-nous accorder de tels pouvoirs à des intermédiaires techniques, et si oui, lesquels ?

Le découpage du fixe

Dans le cas de l'accès fixe à Internet, le découpage est beaucoup plus visible. Tellement visible qu'il finit parfois par être encombrant dans le salon. L'utilisateur final a en général deux ou trois boîtiers interconnectés. L'un est le convertisseur entre l'arrivée en fibre optique et une arrivée réseau plus classique, en RJ45 le plus souvent. Cet équipement est intrinsèquement lié au réseau. C'est lui qui est adapté à la couleur qui circule sur la fibre, et au type de modulation employée (GPON, ethernet, etc)[1]. Cet élèment est souvent embarqué dans la box dans le cas de l'ADSL tel qu'il se pratique en France.

Le second élèment est celui qu'on appelle la box, parce que c'est joli en terme de marketing. En pratique, c'est un routeur, qui embarque le modem dans le cas de l'ADSL. C'est cet équipement qui est connecté à Internet, qui dispose d'une adresse IP, qui propose du réseau Wifi pour le réseau local, qui réalise le partage de connexion entre le réseau local et Internet, etc. Cet équipement, quand la partie modem en est détachée, est parfaitement standard. Il n'a rien de vraiment lié au réseau. C'est un petit routeur, tout ce qu'il y a de plus simple. À tel point qu'avec un tout petit effort, on peut le remplacer par un système de son choix. Mais il ne faut pas le dire à l'opérateur, ça le perturbe[2].

Le troisième élèment est le décodeur télé. Il intègre aussi d'autres fonctions, comme l'accès à une plate-forme de vidéo facturée au visionnage (dite vidéo à la demande). C'est ce décodeur télé qui est identifié par la plateforme de diffusion de vidéo, soit directement par un identifiant, soit via une carte d'abonnement, pour pouvoir déchiffrer les flux vidéos des chaînes payantes, soit pour savoir à qui on devra facturer le visionnage du film acheté. Cet équipement est couplé à l'offre de vidéo. Il n'est pas couplé au réseau. Les éléments techniques qu'il met en jeu ne sont pas liés au réseau en lui-même, mais à la plateforme de service.

Enfin, il est à noter que le service de téléphonie est assuré soit par la box, dans le cas des accès fibre et ADSL, soit par un équipement entièrement distinct, dans le cas de certains abonnements au câble. Techniquement, ce service pourrait complètement être découplé de l'abonnement à Internet, en étant un service entièrement à part, c'est par exemple le cas quand on prend un abonnement VoIP chez OVH.

Étranglons tout de suite le décodeur télé

En effet, le cas du décodeur télé est assez simple. D'une part il n'est pas lié à l'accès à Internet : qu'on le débranche et l'accès Internet fonctionne au moins aussi bien, si ce n'est mieux (le flux télé n'étant plus transporté, la bande passante disponible sur la ligne est augmentée, sur l'ADSL c'est sensible, sur la fibre ça ne se voit pas). Ne faisant pas partie de la chaîne d'accès à Internet, il ne peut pas être considéré comme partie intégrante du réseau. Il n'est donc qu'une partie du service de vidéo. Ce décodeur télé n'est donc pas un terminal utilisé pour le service d'accès au réseau, mais un terminal utilisé pour un service au-dessus du réseau.

Ce n'est pas le sujet ici, mais le service de vidéo n'a aucune raison d'être couplé avec le service d'accès à Internet. C'est un cas assez clair de vente lié et d'effet de bras de levier pour imposer un choix à un consommateur captif.

Regardons le modem

Dans le cas du RTC (le réseau téléphonique bas débit du siècle dernier), comme dans le cas de l'ADSL, l'utilisateur final était libre de choisir son modem. Soit de prendre celui de l'opérateur, soit de prendre celui qu'il lui plaira acheté chez un marchand autre. C'est par exemple ce qui se produit pour les accès ADSL livrés en collecte[3]. C'est l'utilisateur final, ou son opérateur alternatif, qui choisit le modem, ce n'est pas une contrainte spécifique du réseau.

Les normes techniques des réseaux sont connues. Elles ne sont en général pas spécifiques à un opérateur donné, mais à une technologie donnée. La question juridique de savoir si le modem est un élèment du réseau, ou si c'est un terminal se tranche probablement en considérant le modem comme le dernier élèment du réseau. Mais il se trouve qu'il est techniquement très simple, et que donc il pourrait être librement choisi par l'utilisateur, même si ce libre choix n'est pas imposé par le règlement européen.

La question de la définition réglementaire du modem quand il est incorporé dans un autre équipement semble peu intéressante. Soit on considère que c'est le statut de l'équipement englobant qui l'emporte, et alors le modem est intégré à un terminal qui doit être au libre choix de l'utilisateur. Soit on considère que c'est le statut du modem, dernier maillon du réseau, qui l'emporte, et alors il doit être au choix de l'utilisateur parce que le modem est un élèment standard simple et remplaçable comme on a vu ci-dessus. Si le libre choix de l'utilisateur est obligatoire, alors l'utilisateur final doit avoir accès à une version de l'abonnement où les deux équipements sont séparés, sans sur-coût inutile (ergo, avec une ristourne significative quand il se passe d'un équipement ou des deux).

On devrait donc arriver à une situation de marché où il est admissible que l'utilisateur n'ait pas le libre choix du modem en vertu du règlement européen sur les télécoms, mais où ce libre choix découlerait du droit de la concurrence et du droit de la consommation, et où les abonnements sans modem seraient moins chers que les abonnements avec modem. Toutes les autres combinaisons correspondent à un dysfonctionnement du marché, et devraient donc être corrigées par la régulation, côté ARCEP ou côté DGCCRF, selon.

Selon cette lecture, le modem n'est donc pas un terminal au sens du règlement européen, c'est le dernier élèment du réseau, il est contraint de respecter les choix techniques du réseau (un modem ADSL ne marchera pas sur de la fibre, par exemple). Reste à savoir si la box est un terminal au sens du règlement.

La box est-elle un terminal ?

Pour le régulateur, c'est probablement la question la plus complexe. Et pourtant, une fois qu'on a dégrossi les deux questions précédentes, la réponse devient assez simple.

La partie modem est le point de terminaison du réseau, elle est un élèment du réseau, et ne peut donc pas être considérée comme un terminal au sens du règlement européen.

Les parties liées au service, que ce soit le module de téléphonie sur IP, ou le décodeur télé, ne sont pas liées à l'accès au réseau, et doivent donc être considérés comme des terminaux liés aux services que l'utilisateur final a souscrit. Que ces services soient couplés ou non à l'accès à Internet est une toute autre affaire, qui relève de le vente liée et donc du droit de la concurrence, ou qui relève du règlement si le réseau opère une priorisation abusive de ces services. Mais la question du terminal ne se pose pas.

La box, une fois ce découpage fait, c'est un simple routeur. Ce routeur monte la connexion, détient l'adresse IP publique, gère le partage de connexion, bref, réalise l'accès au réseau, et connecte les services qui disposent d'une priorité particulière. Cet équipement est le terminal qui gère la connexion au réseau. C'est cet équipement qui permet par exemple de faire suivre les connexions Web vers l'ordinateur qui est chargé, chez l'utilisateur final, de diffuser un site web (fourniture des services de son choix au sens du règlement). C'est typiquement cet équipement qui peut se charger de faire du contrôle parental pour que ce contrôle soit effectif sur tous les systèmes raccordés en Wifi au réseau familial.

Quand le règlement européen parle du terminal au libre choix de l'utilisateur final, c'est forcèment de la box, simple routeur domestique, qu'il est en train de parler, tous les autres éléments étant en fait les services, que le règlement évoque séparèment.

Conséquences


En organisant cette lecture strictement technique de ce qui est un terminal ou non dans l'offre d'accès au réseau, et le découpage entre le réseau et les services, on obtient une lecture assez claire de ce que le règlement européen dit.

L'opérateur est libre d'imposer un modem précis. La box, le routeur domestique, doit être au libre choix de l'utilisateur final. Il doit donc exister une offre sans la box, et cette offre peut contenir le modem, détaché de la box.

Pour le modem, c'est le droit normal de la concurrence qui va s'appliquer. Si c'est un modem standard, respectant une norme bien connue, et que pour cette norme il existe déjà un marché ouvert, il est probable qu'il soit lui aussi au libre choix de l'utilisateur final.

Les terminaux que sont les ordinateurs et tablettes sont génériques, utilisés pour accéder à l'ensemble des services disponibles sur Internet. Les terminaux spécifiques (décodeur télé, module de téléphonie, etc) sont rattachés au service, et c'est dans le cadre de l'analyse de ce service, détaché du réseau, que doit se faire l'analyse d'une possible vente liée entre le service et le terminal.

Notes


[1] Ici je me limite à l'exemple de la fibre. Mais le raisonnement est le même en RTC, en ADSL, en Wifi, en Wimax ou en câble : il y a un équipement qui est intrinsèquement lié à la technologie de transmission utilisée sur le lien de raccordement de l'abonné. On peut appeler cet équipement convertisseur, modem, etc. Le raisonnement est toujours le même.

[2] Le support technique, en particulier est très perturbé quand on lui dit qu'on n'utilise pas la MachinBox. Du coup il ne faut pas le dire. Et tout se passe très bien.

[3] On parle de livraison en collecte, ou en bitstream dans le jargon ARCEP, ou encore d'offre allumée dans le cas de la fibre optique, pour décrire les offres destinées aux petits opérateurs, où ils ne déploient pas d'équipements au plus près de l'abonné, et se font livrer le trafic de chaque ligne directement sur leur routeur. Dans le grand public, on parle de non-dégroupé pour décrire ces offres ADSL. C'est typiquement ce qui est utilisé par les associations membres de la Fédération FDN qui font de l'accès ADSL. "


Le lien : http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/18/Liberte-de-choix-du-terminal

thenico

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Liberté de choix du terminal
« Réponse #1 le: 23 mai 2016 à 12:28:54 »
Citer
On a vu par exemple que le téléphone mobile est un outil de choix pour la surveillance de masse de la population (cf. révélations Snowden), que c'est un outil parfait pour cibler un individu, et que la partie radio est capable de prendre la main sur le système central et de le modifier. C'est par exemple ce qui se passe avec certains services contre le vol : le légitime propriétaire du téléphone va sur le site de fabriquant, signale qu'il veut que le terminal soit détruit, et lors de sa prochaine connexion sur le réseau, un message technique sera envoyé à la partie radio qui prendra la main sur le système principal, et effacera toutes les données.

Ce n'est pas le baseband qui gère l'effacement du téléphone mais le CPU applicatif.
Je n'ai pas souvenir d'avoir vu un message de service permettre l'effacement à distance du téléphone dans les normes GSM (et heureusement sinon certains joyeux lurons effaceraient  les smartphones des manifestants avec  un faux BTS).

Nico

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« Réponse #2 le: 23 mai 2016 à 13:16:31 »
Je vois qu'on a tiqué sur la même chose. Blâmons Internet dans ce cas, histoire d'être vraiment ridicules !

hwti

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« Réponse #3 le: 23 mai 2016 à 20:55:43 »
Selon eux, le service télé doit être complètement détaché du réseau, mais il me semble que le trafic multicast reste presque toujours local à un opérateur (je suppose à cause du risque de saturation en cas d'erreur ou d'oubli de désabonnement des clients).
S'il faut imposer une généralisation des flux unicast, il va falloir augmenter les liens de collecte...

Hugues

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« Réponse #4 le: 23 mai 2016 à 21:13:34 »
L'unicast, c'est le futur !

hwti

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« Réponse #5 le: 23 mai 2016 à 21:26:46 »
L'unicast, c'est le futur !
A condition d'augmenter le débit de tous les liens de collecte et du cœur de réseau, de limiter le nombre d'abonnés par arbre GPON, ...
Quand on voit les saturations Netflix / Youtube chez certains opérateurs aujourd'hui, j'imagine mal la même chose avec des bitrates supérieurs et 10 fois plus de clients.

Hugues

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« Réponse #6 le: 23 mai 2016 à 21:40:02 »
Les bons opérateurs ne saturent pas, les mauvais restent fidèles à eux mêmes  ;)

alegui

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« Réponse #7 le: 23 mai 2016 à 22:14:49 »
Les bons opérateurs ne saturent pas, les mauvais restent fidèles à eux mêmes  ;)
Là on parle quand même d'une explosion du volume de données. Même si l'unicast a plein de qualités, je ne suis pas sûr que les opérateurs se réjouissent de multiplier les dépenses au niveau du backbone pour juste éviter de saturer.

C'est là où ceux qui prévoient que la croissance de l'internet ne va pas suivre les usages ont d'une certaine façon raison.

Mais c'est aussi là où la solution de placer des caches dans les NRO / POP régionaux prend tout son sens, avec le client qui ne va plus chercher ses données de l'autre côté de l'atlantique (années 1990), ni à l'autre bout du continent (années 2000) mais dans sa ville
(ce qui n'empêche pas d'accéder à ce qui n'est pas disponible à côté)

Hugues

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Liberté de choix du terminal
« Réponse #8 le: 23 mai 2016 à 23:15:48 »
D'ou la nécessité de caches au plus près de l'abonné dans les POPs régionaux !  ;)

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« Réponse #9 le: 24 mai 2016 à 02:20:29 »
"Toutes les autres combinaisons correspondent à un dysfonctionnement du marché, et devraient donc être corrigées par la régulation, côté ARCEP ou côté DGCCRF, selon."

C'est drôle, j'aurais plutôt dit AdlC (qui ferait mieux de se trouver des couilles et de l'attaquer au fief CGTiste SNCF).

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« Réponse #10 le: 24 mai 2016 à 03:41:05 »
Selon eux, le service télé doit être complètement détaché du réseau, mais il me semble que le trafic multicast reste presque toujours local à un opérateur (je suppose à cause du risque de saturation en cas d'erreur ou d'oubli de désabonnement des clients).
S'il faut imposer une généralisation des flux unicast, il va falloir augmenter les liens de collecte...
Sur le multiposte de Free, un client (VLC) qui disparaît, est tué, est déconnecté, est firewallé, ou ne donne plus signe de vie pendant quelques secondes est déconnecté du flux automatiquement, même s'il m'est arrivé plusieurs fois d'avoir un flux bloqué sur la Freebox, que j'ai donc redémarré (mais cela m'est arrivé moins d'une fois par an).

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Liberté de choix du terminal
« Réponse #11 le: 24 mai 2016 à 04:58:03 »
A condition d'augmenter le débit de tous les liens de collecte et du cœur de réseau, de limiter le nombre d'abonnés par arbre GPON, ...
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