12. La société Molotov fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que le droit voisin du droit d'auteur dont un éditeur de services de communication audiovisuelle est titulaire sur les chaînes de télévision qu'il édite ne le dispense pas du devoir de se conformer aux prescriptions de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce dans ses rapports avec les distributeurs et ne justifie en rien d'apprécier plus strictement en cette matière qu'en d'autres la notion de déséquilibre significatif, ni même de reculer le seuil de significativité du déséquilibre entre les droits et obligations des parties ; qu'en l'espèce, la société Molotov rappelait dans ses écritures qu'après avoir conclu en 2015 un premier contrat de distribution avec le groupe M6, par lequel ce dernier, en contrepartie d'une rémunération de 1,5 millions d'euros par an, l'autorisait à distribuer ses chaînes de la TNT en clair (M6, W9 et 6TER) dans le cadre d'un bouquet de chaînes accessibles gratuitement pour le consommateur, le groupe M6 avait subordonné la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à un engagement du distributeur de ne rendre ces chaînes accessibles au public que dans le cadre d'une offre payante pour le consommateur ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ; que, pour juger qu'en formulant une telle exigence à l'égard de la société Molotov, le groupe M6 n'avait pas enfreint les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce, la cour d'appel retient que cette exigence "doit être appréciée (
) en fonction du contexte particulier né du droit voisin dont cette société est titulaire sur les programmes des chaînes en clair de la TNT qui sont en cause", que, par la clause litigieuse, le groupe M6 demande essentiellement que les chaînes en clair de la TNT soient accessibles de manière indissociable au sein d'une offre de télévision payante et qu'il s'agit là seulement de la mise en oeuvre, selon une modalité non dépourvue de contrepartie pour la société Molotov, des droits conférés à la société Métropole télévision en vertu de l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, qui soumet à autorisation de l'entreprise de communication audiovisuelle exploitant un service de communication audiovisuelle la reproduction de ses programmes ainsi que leur mise à disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci, moyennant paiement d'un droit d'entrée ; qu'en se prononçant par de tels motifs, laissant apparaître que la nature du droit de l'éditeur de chaînes de télévision aurait commandé, en la matière, une appréciation restrictive de la notion du déséquilibre significatif, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce dans sa rédaction applicable en la cause ;
2°/ que caractérise une tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la décision d'un éditeur de chaînes de télévision diffusées en clair sur le réseau public hertzien de subordonner le renouvellement du contrat de distribution conclu avec un distributeur sur Internet à l'engagement de celui-ci de ne rendre ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, lorsqu'il apparaît qu'une telle exigence ne trouve pas de contrepartie dans un engagement réciproque que l'éditeur aurait souscrit de s'interdire de rendre lui-même ces chaînes de télévision accessibles gratuitement sur son propre site internet ; qu'en l'espèce, la société Molotov rappelait dans ses écritures qu'après avoir conclu en 2015 un premier contrat de distribution avec le groupe M6, par lequel ce dernier, en contrepartie d'une rémunération de 1,5 millions d'euros par an, l'autorisait à distribuer ses chaînes de la TNT en clair (M6, W9 et 6TER) dans le cadre d'un bouquet de chaînes accessibles gratuitement pour le consommateur, le groupe M6 avait, toutes autres conditions demeurant égales par ailleurs, subordonné la conclusion d'un nouveau contrat de distribution à un engagement du distributeur de ne rendre ces chaînes accessibles au public que dans le cadre d'une offre payante pour le consommateur ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ; qu'en jugeant qu'une telle exigence n'était pas de nature à placer le distributeur en situation d'assumer une obligation sans contrepartie et ne caractérisait aucune autre forme de déséquilibre significatif, sans identifier de contrepartie spécifique qui aurait été offerte à la société Molotov en échange de cet engagement nouveau s'ajoutant à son obligation de payer le prix convenu, ni d'engagement réciproque et symétrique qu'aurait souscrit le groupe M6 de s'interdire lui-même de rendre les chaînes en cause accessibles gratuitement sur son propre site internet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce ;
3°/ que caractérise une tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties la décision d'un éditeur de chaînes de télévision diffusées en clair sur le réseau public hertzien de subordonner le renouvellement du contrat de distribution conclu avec un distributeur sur Internet à l'engagement de celui-ci de ne rendre ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, lorsqu'une telle exigence, qui entrave la capacité du distributeur de déterminer librement son modèle d'affaires, ne repose sur aucun motif légitime tiré de la préservation de la valeur desdites chaînes de télévision ; qu'en l'espèce, la société Molotov faisait valoir que cette exigence nouvelle formulée par le groupe M6, de nature à modifier en profondeur son modèle économique et à menacer la pérennité même de son exploitation, ne reposait sur aucun motif légitime tiré de la préservation de la valeur desdites chaînes, lesquelles demeuraient diffusées gratuitement, tant sur le réseau public hertzien que sur internet par le groupe M6 lui-même au travers de son propre site Internet ; que pour juger qu'une telle exigence n'était pas de nature à caractériser un déséquilibre significatif, la cour d'appel retient que la circonstance que la position adoptée par le groupe M6 vienne fragiliser la pertinence et la pérennité du modèle d'affaires "freemium" de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué ; qu'en se prononçant de la sorte, sans caractériser un motif économique légitime qui aurait pu justifier une telle entrave au libre choix par la société Molotov de son modèle d'affaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce ;
4°/ que la société Molotov rappelait dans ses écritures, qu'après avoir stipulé dans leur contrat initial conclu en 2015 que les chaînes de la TNT en clair éditées par le groupe M6 seraient distribuées au sein d'une offre gratuite pour le consommateur, puis lui avoir indiqué, le 30 octobre 2017, qu'il subordonnerait désormais tout nouvel accord de distribution à l'exigence que le distributeur ne rende ces chaînes accessibles aux consommateurs que dans le cadre d'offres payantes ne pouvant être constituées essentiellement de chaînes de la TNT en clair, le groupe M6 avait, les 29 décembre 2017 et 13 février 2018, précisé que, dans l'hypothèse où le groupe TF1 autoriserait la société Molotov à distribuer ses propres chaînes au sein d'offres gratuites, il se réserverait lui-même la faculté discrétionnaire de changer d'avis et d'imposer à la société Molotov, moyennant un simple préavis de six mois, le retour des chaînes de la TNT en clair au sein d'une offre gratuite ; qu'après avoir elle-même constaté que "compte tenu du nombre limité d'acteurs susceptibles de conférer des droits sur les chaînes en clair de la TNT susceptible de lui permettre de constituer les bouquets de son offre "freemium", il doit être reconnu en l'espèce l'existence d'un rapport de force au détriment de la société Molotov, qui dépend dans une large mesure de la société Métropole télévision laquelle, par l'adoption de la clause 3.1 de ses conditions générales de distributions a fait nécessairement perdre beaucoup d'intérêt du public pour ce type d'offre, par la nécessité de renoncer aux importantes chaînes en clair du Groupe M6", la cour d'appel a néanmoins considéré que la circonstance que la position adoptée par le groupe M6 vienne fragiliser la pérennité du modèle d'affaires "freemium" de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué ; qu'en se prononçant de la sorte, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la tentative de soumission d'un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ne résultait pas de la volonté du groupe M6 de placer la société Molotov en situation de devoir de manière incessante adapter son modèle économique à ses décisions unilatérales et potestatives et de la précarité qui en résultait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 2 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
13. L'arrêt rappelle d'abord qu'il doit être procédé à une appréciation concrète et globale des contrats en cause et du contexte dans lequel ils ont été conclus ou proposés à la négociation, et que la clause litigieuse doit être analysée, d'un côté, à la lumière de l'ensemble des clauses des conditions générales de distribution et du contrat dont la négociation a été rompue, notamment de celle par laquelle la société Métropole exige paiement pour la diffusion par internet des chaînes en clair de la TNT et, de l'autre, en fonction du contexte particulier né du droit voisin dont cette société est titulaire sur les programmes des chaînes en clair de la TNT qui sont en cause. Il estime que le groupe M6 demande essentiellement, au titre de la clause litigieuse, que les chaînes en clair de la TNT soient accessibles de manière indissociable au sein d'une offre de télévision payante, tandis que le distributeur fixe librement le prix de l'abonnement à ses offres et qu'il verse à la société Métropole une rémunération. Il retient qu'il s'agit seulement de la mise en oeuvre des droits conférés à la société Métropole en vertu de l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, qui soumet à autorisation de l'entreprise exploitant un service de communication audiovisuelle, au sens de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, la reproduction de ses programmes ainsi que leur mise à disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci, moyennant paiement d'un droit d'entrée. Il retient encore que la circonstance que la société Métropole exige le paiement d'une redevance pour une telle autorisation, en même temps qu'elle impose au distributeur de ne pas diffuser ces mêmes chaînes en dehors de bouquets payants, ne caractérise nullement une absence de contrepartie à cette dernière obligation, ni aucune autre forme de déséquilibre significatif. Il retient enfin que la circonstance que la position adoptée par la société Métropole puisse fragiliser la pertinence et la pérennité du modèle d'affaires de la société Molotov est sans effet sur l'existence du déséquilibre significatif allégué.
14. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est sans avoir à effectuer la recherche invoquée à la quatrième branche, étrangère à la clause des conditions générales de distribution en cause, et en se bornant à rappeler à juste titre que, disposant sur les chaînes qu'elle édite d'un droit voisin conféré par l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, la société Métropole était en droit de définir les conditions économiques de diffusion de ses chaînes, sans exclure pour autant la possibilité d'un abus de ce droit constitutif, le cas échéant, d'un déséquilibre significatif, que la cour d'appel a estimé que la preuve incombant à la société Molotov, de ce dernier, qui ne pouvait résulter ni du seul usage par la société Métropole de son droit de s'auto-distribuer parallèlement ni de la seule atteinte alléguée au modèle économique de la société Molotov, n'était pas rapportée.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.