La fibre à La Réunion : tentative d'analyse d'une exception françaiseD'après mon analyse personnelle, La Réunion a été initialement délaissée par Orange et SFR, qui ont retardé leurs investissements en pariant sur le réseau cuivre et en pensant que personne n'aurait les moyens de déployer un réseau fibre sans eux. C'était mal connaître le dynamisme économique de l'île et sa forte densité sur le littoral (340 hab/km²), où se concentre la population. Les coûts de déploiement y sont amortissables même sans mutualisation.
Face à l'immobilisme des opérateurs métropolitains, les politiques locales ont favorisé l'attribution de subventions publiques à tous les opérateurs. Les territoires ultramarins bénéficient également de règles spécifiques : absence de zones AMII, donc pas de réservation exclusive de territoires.
L'opérateur local ZEOP (nom actuel en mettant de coté l'histoire et le nombre de rachat/reprise etc...) a profité de ce contexte favorable pour fibrer une grande partie de l'île, prenant Orange et SFR de court. Ne pas mutualiser était alors un avantage stratégique pour acquérir rapidement une base commerciale solide.
SFR a dû rattraper son retard seul, Orange restant peu mobilisé. Plusieurs hypothèses personnelles pourraient expliquer cette inertie : rentabilisation maximale des investissements existants (Transpac/Numéris, réseau cuivre), préférence pour des zones plus rentables de l'océan Indien comme l'île Maurice, ou excès de confiance dans sa position historique.
Quand Orange (ex-France Télécom) s'est finalement mobilisé, il n'avait plus aucun levier pour négocier une mutualisation et a dû déployer son propre réseau. Seules certaines infrastructures passives sont aujourd'hui partagées (fourreaux, poteaux).
Résultat : un territoire ultra-connecté avec ses contraintesL'île figure parmi les territoires les plus fibrés de France, mais cette configuration présente certains désavantages :
- Des prix élevés liés aux coûts de maintenance démultipliés, particulièrement lors d'événements climatiques comme les cyclones
- mais fibrer l'île ne résout pas le souci majeur de la connectivité de l'île -> Une dépendance commune aux câbles sous-marins, véritables goulets d'étranglement :
SAFE (2002) : 13 800 km, capacité initiale 130 Gbit/s
LION/LION2 (2009/2012) : 1 000 km vers Maurice, puis Madagascar
METISS (2020) : 3 200 km, capacité 24 Tbit/s
Projet IOX Cable (en développement)
Jusqu'en 2020, seul le câble SAFE permettait véritablement le haut débit, créant une vulnérabilité majeure pour tous les opérateurs.