Claudine Decloedt n’avait plus Internet depuis le 9 juin. Sa situation a finalement été réglée le 13 septembre.
Déploiement de la fibre en Nord-Isère : la situations s'améliore mais...
Le réseau fibre continue de se développer dans le département. Si la situation est moins tendue que l’année dernière (près de 50 % des prises installées ne fonctionnaient pas), il y a encore des couacs ici et là. Notamment à Bonnefamille, où Claudine est restée trois mois sans Internet, ni téléphone.
Claudine Decloedt habite une maison au bout du chemin du Petit Bois à Bonnefamille. C’est calme, bucolique. Il y a un joli parc. Et malgré cette impression de bout du monde, la maison est connectée à la fibre depuis presque deux ans. Enfin, elle était connectée.
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Car Claudine n’a plus eu Internet pendant trois mois, du 9 juin jusqu’à ce lundi 13 septembre. Pendant ces trois mois, les techniciens de chez Orange ou SFR se sont succédé. Sans lui trouver de solution. « Je suis cliente Orange, explique-t-elle. Depuis décembre 2019 j’ai la fibre. Mais en juin dernier, mon voisin a voulu lui aussi se raccorder à la fibre. C’est là que les ennuis ont commencé. Un technicien est venu et il a débranché ma connexion pour brancher mon voisin. Il n’avait absolument pas le droit de faire ça. Mais à partir de là, impossible de rétablir ma connexion. »
Claudine a passé des heures au téléphone avec son opérateur. Elle ne compte plus combien d’interlocuteurs différents elle a eus. La semaine dernière, un énième technicien lui a expliqué qu’il n’y avait plus de place pour elle sur le réseau fibre, que toutes les prises étaient attribuées et qu’elle devait donc repasser sur un contrat ADSL. C’est à ce moment qu’elle a décidé d’alerter la presse.
« C ’est usant, on se bat contre des montagnes alors que ma situation est simple et pourrait être réglée rapidement, assure Claudine. En fait, à force d’écouter les techniciens j’ai compris que le problème, c’est que sur les six fils de fibre installés pour notre hameau, tous ne fonctionnent pas. Car tous ne sont pas reliés au réseau. Les soudures n’ont pas été faites, tout simplement. Il n’y a donc pas de continuité du réseau. Donc il y a les fils, qui ont été tirés jusqu’ici mais qui ne sont pas reliés. C’est quand même hallucinant. »
« Aujourd’hui toutes les prises fonctionnent »
En Isère, en dehors des grandes agglomérations, c’est Isère Fibre, filiale d’Altice/SFR, qui a obtenu le marché du déploiement de la fibre. Un marché confié par le Département de l’Isère, maître d’ouvrage de cet immense chantier. Et ce déploiement a été pour le moins difficile. Soudures mal faites, problèmes d’adressage, les loupés étaient si nombreux que quasiment la moitié des prises ne fonctionnaient pas l’année dernière. Le Département a donc stoppé le déploiement et sommé Isère Fibre de tout reprendre.
« Le plan de reprise nous a amenés à revoir les 100 000 prises construites dans le département, assure Cyrille-Frantz Honnegger, délégué régional Altice-France/SFR. Aujourd’hui, on les a toutes revues, elles fonctionnent. Après, la vie d’un réseau fait qu’il peut y avoir des dysfonctionnements ici ou là et il faut que nos équipes regardent ce cas particulier et qu’on mette en place une nouvelle route optique pour cette dame. Mais quoi qu’il arrive, notre contrat demande que nous puissions apporter la fibre à 100 % des Isérois. Donc cette personne doit pouvoir avoir la fibre si elle le souhaite. Et s’il y a un problème, il faut qu’on le règle. »
Et justement, ce lundi 13 septembre au soir, après trois mois d’appels incessants (et trois jours après la sollicitation du Dauphiné Libéré), Claudine a eu l’heureuse surprise de découvrir que son cas était réglé. « Une nouvelle route optique a été créée pour mon logement, se réjouit cette dernière. J’ai presque du mal à la croire. Mais ça fonctionne. Enfin. »
Tous les foyers doivent être raccordables à la fibre d’ici fin 2024.
La fibre en chiffres
2024.
Isère Fibre s’est engagée à ce que tous les foyers du Réseau d’initiative publique (RIP) soient raccordables à la fibre à la fin de l’année 2024.
Rappelons que le déploiement du très haut débit se fait selon différentes modalités en Isère. Il y a d’abord la zone appelée Amii (Appel à manifestation d’intention d’investissement). Cette zone est considérée comme suffisamment rentable pour les opérateurs privés.
Ceux-ci se chargent donc seuls d’y déployer la fibre. Ainsi, en Isère, SFR fibre gère sur ses fonds propres les villes de Bourgoin-Jallieu, Voiron, Eybens, Corenc et Venon. Quant à Orange, elle a obtenu de s’occuper des agglomérations de Vienne et Grenoble (sauf Eybens, Corenc et Venon), soit 43 communes.
La majeure partie du département est classée en Réseau d’initiative publique (RIP). Ce sont des secteurs plus ruraux qui ne sont pas suffisamment rentables pour qu’un opérateur investisse seul. Ce sont donc les collectivités locales qui prennent le relais. En Isère, c’est le Département qui a lancé son plan Très Haut Débit, en désignant une filiale de SFR, Isère Fibre, pour déployer le réseau.
450 000
C’est le nombre de prises qui doivent être installées sur le Réseau d’initiative publique pour que tous les foyers soient raccordés. Pour l’instant, selon les derniers chiffres officiels, 107 000 logements étaient déjà raccordables fin juin. Toutes ces prises ont été revues, selon Isère Fibre. Le taux d’échec est de 15 %, soit un taux en dessous de la moyenne nationale (il était de près de 50 % l’année dernière avant la reprise du réseau). L’objectif affiché est d’avoir installé 50 000 prises supplémentaires d’ici fin 2021.
20 000
Toujours selon les données de juin dernier, on compte pour l’instant 20 000 clients abonnés à la fibre sur le réseau RIP. Début 2019, ils étaient 7 000.
525 millions d’euros
C’est le coût total de l’investissement du plan Isère Très Haut Débit. 225 millions d’euros ont été investis par les entreprises privées, 97,5 millions d’euros par l’État, 82,5 millions par la Région, 70 millions par le Département, 45 millions par les intercommunalités iséroises et 4 millions par le Fonds européen de développement régional.
Le déploiement de la fibre a repris après plusieurs mois d’arrêt.
« Nous avons pris nos responsabilités »
Si on en croit Cyrille-Frantz Honegger, 100 % du réseau fibre a été repris en Isère. Et le taux d’échec est aujourd’hui inférieur à la moyenne nationale. Sauf que dès qu’un article paraît dans nos colonnes sur un problème d’accès à la fibre, il déclenche une série de commentaires sur les réseaux sociaux et de messages à notre rédaction d’autres clients mécontents. C’est le cas, par exemple, au Mas de la Raz à Villefontaine. Kevin Choron et trois de ses voisins ne parviennent pas à avoir la fibre.
« J’habite au 29 rue Jean-Moulin, explique ce dernier. Mais nous sommes 35 pavillons qui partageons cette même adresse. Et visiblement, il n’y a pas assez de câble pour tout le monde. Le plus rageant c’est que la borne qui me concerne se situe à l’autre bout du lotissement. Et à 20 mètres de chez moi, au 28 rue Jean-Moulin, il y a une autre borne, avec des branchements libres. Mais comme mon domicile a été adressé au 29 rue Jean-Moulin, impossible de se brancher de ce côté. Avec mes voisins, on ne parvient pas à expliquer à nos interlocuteurs qu’il faut juste revoir notre adressage de départ. Franchement, je ne pensais pas que ce serait aussi compliqué d’avoir la fibre une fois celle-ci déployée. »
« Nous avons signé un contrat avec cette entreprise et il s’agit juste d’être ferme dans l’exécution de ce contrat »
Pour Isère Fibre, tout rentre progressivement dans l’ordre. Effectivement, l’année dernière la quasi-totalité du réseau déployé à Villefontaine ne fonctionnait pas. On n’en est plus là, heureusement. Il n’empêche que la gestion du chantier pose question.
Pour déployer le réseau, Isère Fibre a fait appel à plusieurs sous-traitants. Pour un résultat clairement insatisfaisant. Peut-on parler de raté industriel ? « Nous avons rencontré des problèmes avec des sous-traitants, reconnaît Cyrille-Frantz Honegger. Nous avons pris nos responsabilités en mettant en place un plan complet de reprise du réseau. Et nous avons appris de tout ça. Aujourd’hui, nous poursuivons le déploiement du réseau et nous ne faisons plus les mêmes erreurs : nous vérifions à chaque fois la continuité optique des lignes que nous installons. Et nous avançons bien. »
Et le Département alors ? Il est maître d’ouvrage et c’est lui qui a confié le chantier à Isère Fibre. Quel regard porte-t-il aujourd’hui sur ce choix ? Était-ce une erreur de faire confiance à cette société ? « La question n’est pas de savoir si on fait confiance ou pas à Isère Fibre. Nous avons signé un contrat avec cette entreprise et il s’agit juste d’être ferme dans l’exécution de ce contrat, répond Damien Michallet, le vice-président au Département en charge du déploiement de la fibre. Nous avons mis l’entreprise en demeure de reprendre les 100 000 prises. Tout a été fait et on est passé d’une qualité médiocre à une qualité supérieure à la moyenne nationale. Il s’agit maintenant de suivre l’exécution du contrat sans politesse ni animosité. On ne les lâche pas. »