Le radiateur-calculateur, l'objet connecté qui fait plus que chauffer (PAPIER D'ANGLE)
Par Laurent ABADIE
Bordeaux, 4 déc 2015 (AFP) - La société Qarnot a présenté en Gironde sa nouvelle génération de radiateurs-calculateurs qui vont équiper une cinquantaine de logements sociaux pour fournir gratuitement aux locataires chauffage et connexion internet tout en offrant la puissance de calcul de leurs processeurs aux entreprises clientes.
En apparence, rien ne distingue ce radiateur renfermant des "puces" d'ordinateur d'un radiateur de nouvelle génération. Ses ligne fluides et épurées et sa grille en aluminium en font même un objet design. Seuls un écran tactile et des LEDs trahissent qu'il s'agit d'un appareil électronique connecté.
Le concept de ces radiateurs est né d'un simple constat: la consommation électrique des data-centers, bâtiments abritant de puissants calculateurs informatiques, qui "consomment près de 3% de l'électricité mondiale, 7% en France", indique Paul Benoît, cofondateur de Qarnot computing.
Car non seulement ces ordinateurs géants consomment de l'énergie, mais il faut aussi en dépenser beaucoup pour les climatiser car ils produisent une énorme quantité de chaleur.
Depuis cinq ans, Qarnot propose donc aux entreprises de délocaliser leur puissance de calcul informatique en les répartissant dans la ville sous forme de radiateurs numériques. Dans ce schéma, chaque radiateur individuel n'est qu'un petit élèment de data-center qui va produire de la chaleur directement là où elle est utile.
Concrètement, en tournant son thermostat l'utilisateur augmente le demande de puissance de calcul et le processeur chauffe le radiateur. L'été, l'activité de ces radiateurs-calculateurs est transférée sur d'autres data-centers
Qarnot équipe depuis 2013 avec ses radiateurs de première génération 110 logements sociaux de la Ville de Paris. A Bordeaux, ce sera la Maison de la solidarité et de l'insertion ainsi que 49 logements qui seront dotés, fin 2017, de 346 Q.rad, la nouvelle version de ces radiateurs-ordinateurs entièrement fabriqués et assemblés en France.
Le Conseil départemental et le bailleur social Gironde habitat financent le surcoût, d'environ 600.000 euros par rapport à une installation classique, lié à l'achat de ces radiateurs qui ne sont pas encore construits à l'échelle industrielle.
"C'est de l'innovation technologique au service de l'innovation sociale, qui est le champ du département", se félicite le président PS de la Gironde, Jean-Luc Gleyze, mettant en avant un retour sur investissement de neuf ans.
Et, alors que la maintenance des panneaux solaires ou des chaudières à gaz représente "un coût important" pour les collectivités, Qarnot prend à sa charge l'alimentation électrique des radiateurs ainsi que leur renouvellement, relève en outre M. Gleyze.
"Au bout de trois à cinq ans, la technologie des processeurs est obsolète et on a besoin de renouveler la puissance de calcul. En les changeant gratuitement, nous intègrerons par la suite de nouvelles technologies de +maison intelligente+", indique Miroslav Sviezeny, l'autre cofondateur de Qarnot computing.
Cette innovation intéresse ainsi les sociétés ayant besoin de grosse puissance de calcul, comme les centres de recherche, l'animation 3D ou les banques. "Il y a un intérêt économique et écologique convergent pour nos clients qui savent combien de logements ils ont pu chauffer grâce à leurs calculs, réduisant ainsi leur empreinte carbone", explique M. Sviezeny. Et il assure proposer ainsi "des coûts de calcul qui sont 2 à 4 fois moindres que les offres les plus basses du marché car nous n'avons aucun coût de construction ni de maintenance de data-center".
Pour les futurs locataires, "c'est bien plus qu'un radiateur, c'est une machine connectée au réseau de fibre optique qui permet d'ajouter un capteur de qualité de l'air, de pression et d'humidité supervisé dans toutes les pièces, et qui redistribue gratuitement de l'internet dans le logement via du wi-fi", dit le responsable de Qarnot.
"En phase de test", le département de la Gironde réfléchit déjà à d'autres usages pour ces radiateurs du futur. "Demain, les salles de classe de nos collèges pourraient être équipées, et le radiateur deviendrait aussi un ordinateur connecté permettant aux élèves, avec un clavier et un écran wifi, de travailler sans démultiplier le nombre d'ordinateurs, comme cela se fait aujourd'hui", lance M. Gleyze.