Auteur Sujet: L'affaire "Techland" (lettre d'un cabinet d'avocat pour du téléchargement P2P)  (Lu 13628 fois)

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vivien

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Téléchargement : une société de jeu vidéo polonaise traque les internautes contrevenant en France

La société polonaise Techland n'était jusqu'à présent connue en France que pour avoir développé un jeu passé quelque peu inaperçu fin 2006 : Call Of Juarez. Mais depuis qu'elle a mandaté une société suisse spécialisée dans la lutte contre le piratage de retrouver les internautes ayant téléchargé et mis à disposition une version illégale de son jeu, l'affaire Techland enfle sur le Net, y compris au-delà de nos frontières.

Tout a commencé par une lettre simple reçue fin mars par quelques centaines d'internautes qui avaient mis le jeu à disposition sur un réseau P2P (pair à pair). Me Elizabeth Martin, spécialiste de droit informatique et propriété intellectuelle installée à Paris, y enjoignait les contrevenants de s'acquitter sous 14 jours de 400 euros de dédommagements au profit de Techland sous peine de poursuites.

Flairant la légèreté de la procédure, certains des internautes incriminés alertent alors le site Ratiatum, spécialisé notamment dans l'information sur les réseaux P2P. En effet, l'article 9 de la loi informatique et libertés n'autorise la collecte d'adresses IP qu'aux autorités publiques et sociétés de gestion collective de droits d'auteur si, et uniquement si, ces dernières ont reçu une autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Le forum dédié de Ratiatum croule rapidement sous les messages, si bien que le site décide d'ouvrir un espace spécifique pour tenir les internautes informés.

FREE A EXÉCUTÉ UNE DÉCISION DE JUSTICE

La collecte des adresses IP des contrevenants faite par la société Logistep AG est au cœur de la polémique. Plutôt que de piéger des copies du jeu afin de transmettre l'adresse IP des ordinateurs sur lesquels une copie pirate fonctionnait comme ce fut le cas il y a plusieurs années dans une autre affaire, c'est par une procédure juridique légale que cette société suisse a obtenu les informations : Free a reçu il y a quelques semaines une ordonnance de requête "Iliad contre Martin/Techland" en date du 22 janvier 2007 prononcée par le président du TGI de Paris, obligeant le fournisseur d'accès à fournir les adresses des "freenautes" ayant téléchargé le jeu sur le réseau eMule en septembre 2006.

Contactée, la société répond qu'elle "a scrupuleusement et strictement exécuté une décision de justice". D'autres fournisseurs d'accès pourraient également avoir reçu une requête similaire récemment. Par ailleurs, le site anglais TorrentFreak annonce qu'une procédure identique est en cours en Grande-Bretagne, à propos du jeu Dream Pinball 3D, et concernerait une vingtaine de fournisseurs d'accès.

LA DÉONTOLOGIE DES AVOCATS EN QUESTION

Dans cette affaire, quelques-uns des principaux intéressés ont tenu à se désolidariser immédiatement : un avocat parisien, qui s'est ému des démarches engagées par sa consœur, a saisi les instances déontologiques du barreau de Paris. Après une réunion le 2 avril, un rapporteur a été désigné pour examiner le fond de la procédure. De son côté, le distributeur français du jeu, Focus Interactive, a cru à un poisson d'avril en découvrant les faits sur Internet. L'avocate, elle, refuse de répondre sur cette affaire.


Source : Le Monde du 05/04/2007

vivien

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Alexandre Archambault (Affaires réglementaires chez Free) apporte quelques réponses :

Selon Denis Renard dans l'article <46145b92$0$7505$426a34cc@news.free.fr> :

Citer
Quelle est la position officielle de Free sur le sujet?

Celle en vigueur depuis toujours, à savoir - hormis pour ce qui relève de l'annuaire universel car c'est la loi - ne jamais communiquer d'informations concernant des abonnés (coordonnées et/ou données de connexion) en dehors de toute demande en ce sens émanant des autorités judiciaires ou administratives.

En réponse à ceux qui s'interrogent sur la validité des constats visant à collecte les adresses IP, précisons qu'à plusieurs reprises la Justice a rappelé qu'un agent assermenté ou un OPJ ont au sens de la loi de 1978 la qualité d'auxiliaire de justice habilité à agir pour les besoins de leur mission sans nécessiter une autorisation de la CNIL.

Parmi les plus récentes : => 2 février 2007, TGI Nanterre => 8 mars 2007, TGI Nantes qui confirme la validité du procès verbal d'agent assermenté et considère que "le statut de l'agent assermenté, comme celui de l'Officier de Police Judiciaire, lui confère au sens de la loi du 6 janvier 1978 la qualité d'auxiliaire de justice, habilité sans autorisation préalable de la CNIL, à agir pour les besoins de sa mission" => 9 mars 2007, TGI de Montauban

La seule exception à ce jour (et largement médiatisée par Ratiatum, ZDNet & ceux qui mélangent tout) est un jugement du TGI de Bobigny de décembre 2006 contre lequel le Parquet a justement interjeté appel à titre principal sur ce point.

En tant qu'opérateur de réseau et services de communications électroniques, Free est tenue de se conformer aux règles existantes et notamment d'appliquer les décisions de justice et faire droit aux réquisitions judiciaires et administratives dès lors qu'elles rentrent dans des dispositions légales.

Certains qui pensaient être à l'abri derrière leur PC tombent peut-être des nues, il n'est donc pas inutile de rappeler quelques dispositions en vigueur qui visiblement ont échappé à Ratiatum, JDD & co :

Article L.34-1 du Code des postes et communications électroniques (CPCE) : I. - Les opérateurs de communications électroniques, et notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, effacent ou rendent anonyme toute donnée relative au trafic, sous réserve des dispositions des II, III, IV et V. II. - Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire d'informations, il peut être différé pour une durée maximale d'un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques.

Article R10-13 du CPCE dans sa rédaction issue du Décret du 24 mars 2006 : I. - En application du II de l'article L. 34-1 les opérateurs de communications électroniques conservent pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales : a) Les informations permettant d'identifier l'utilisateur ; b) Les données relatives aux équipements terminaux de communication utilisés ; c) Les caractéristiques techniques ainsi que la date, l'horaire et la durée de chaque communication ; d) Les données relatives aux services complèmentaires demandés ou utilisés et leurs fournisseurs ; e) Les données permettant d'identifier le ou les destinataires de la communication.

Article L.35-5 du CPCE, dernier alinéa : Les opérateurs de services de communications électroniques sont tenus de permettre l'accès par les autorités judiciaires, les services de la police et de la gendarmerie nationales, les services d'incendie et de secours et les services d'aide médicale urgente, agissant dans le cadre de missions judiciaires ou d'interventions de secours, à leurs listes d'abonnés et d'utilisateurs, complètes, non expurgées et mises à jour.

Article D.98-7 V du CPCE V. - Dans le cadre des missions judiciaires ou d'interventions de secours, l'opérateur permet aux services visés au dernier alinéa de l'article L. 35-5 d'accéder sans délai, directement ou par son seul intermédiaire, à sa liste d'abonnés et d'utilisateurs non expurgée des données couvertes par le troisième alinéa de l'article R. 10 et mise à jour dans les délais prescrits à l'article R. 10-4. Les quatrième, cinquième et septième alinéas de l'article R. 10 ne sont pas opposables auxdits services. Dans le cadre de l'application des dispositions du présent article, l'opérateur se conforme aux décisions ou instructions des autorités judiciaires, militaires ou de police ainsi qu'à celles du ministre chargé des communications électroniques.

Sachant que certains à la Chancellerie ne sont pas loin de penser que des requêtes DNS et autres logs SMTP / MX / POP / IMAP / P2P / IRC / MSN doivent être considérés comme des données techniques relevant du R.10-13, pour le plus grand bonheur des fabriquants de disques et autres babioles raidisées. Et qu'il n'y a pas que le trafic téléphonique qui peut faire l'objet d'écoutes judiciaires ou d'interceptions administratives (auquel cas reformater le disque juste avant la saisie ne change pas grand chose, et voire même peut agraver le cas au regard des dispositions de l'article 434-4 du Code Pénal, sauf à justifier qu'il y avait plusieurs PC spoofeurs de MAC sur la connexion).

Et contrairement à ce qu'on peut lire ici ou là, le P2P (mais également les newsgroups et les forums) ne relève pas de la correspondance privée, mais de la communication au public en ligne.

Alec, --

fox 64

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Ce que ce monsieur oublie ou fait semblant d'oublier  ::) c'est que l'on ne se transforme pas en agent assermenté ou OPJ juste en claquant des doigts. Je ne suis pas sur que cette société suisse (Logistep) en fasse partie.

feyb64

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Ce que ce monsieur oublie ou fait semblant d'oublier  ::) c'est que l'on ne se transforme pas en agent assermenté ou OPJ juste en claquant des doigts. Je ne suis pas sur que cette société suisse (Logistep) en fasse partie.

Bien dit  :)

websniff

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Encore un coup de pub pour ce jeu ... :P

Dagnan

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Encore un coup de pub pour ce jeu ... :P

Je ne crois pas, au contraire, de la mauvaise pub pour les developpeurs (Techland), pour le distributeur français - qui n'a lancé aucune procédure, et découvert les faits en même temps que les internautes - (Focus il me semble), mais surtout une mauvaise pub (quoique ça dépend dans quel sens, ça peut intéresser certaines personnes p-ê) pour le cabinet d'avocat.

Dagnan

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La fin de l'histoire :

Techland : Neuf, Orange, Alice et Télé2 protègent leurs abonnés

L'information que nous révélions la semaine dernière concernant l'affaire Techland / Logistep est vérifiée. Les fournisseurs d'accès Neuf Cegetel, Orange, Télé2 et Alice ont résisté au n'importe-quoi judiciaire et obtenu l'annulation de l'ordonnance qui avait permis à l'éditeur Techland de menacer à la limite du chantage des centaines d'internautes français.

C'est donc confirmé. Comme nous le rapportions la semaine dernière sans pouvoir en apporter la preuve, le tribunal de grande instance de Paris a effectivement annulé les ordonnances qui avaient été accordées à l'avocate de l'éditeur de jeux vidéo polonais Techland. Pour mémoire, celles-ci faisaient obligation aux fournisseurs d'accès à Internet de délivrer à l'avocate les noms et adresses des internautes titulaires des adresses IP figurant sur des relevés d'infraction réalisés à l'étranger par la société d'anti-piratage Logistep. Plusieurs fournisseurs d'accès à Internet, à commencer par Free, avaient obtempérer à la demande sans s'y opposer, malgré l'absence d'autorisation de la CNIL pour la collecte des adresses IP.

Mais quatre fournisseurs d'accès se sont rebellés (Neuf Cegetel, France Télécom, Télé2 et Telecom Italia / Alice), et ont obtenu pour ce qui les concerne la rétractation de l'ordonnance. L'Association des Fournisseurs d'Accès et des Services Internet (AFA) s'était jointe à l'action sur une base volontaire, pour appuyer la demande de ses membres.

Par une décision du 25 juin 2007, le TGI de Paris a constaté notamment que l'autorisation de la CNIL exigée par la loi du 6 janvier 1978 n'avait pas été demandée, pas plus qu'à son homologue polonaise. La CNIL l'a confirmé par courrier du 11 mai 2007. Or, note le tribunal en reprenant l'argumentation des FAI, "cette législation et son respect s'impose de toute manière aux fournisseurs d'accès qui, bien que tiers au litige, sont donc fondés à vouloir se protéger de tout reproche qui pourrait leur être fait à cet égard". Sous-entendu, les fournisseurs d'accès comme Free qui n'ont pas veillé au respect de la protection de la vie privée de leurs abonnés en contestant l'ordonnance pourraient se voir reprochés cette négligence dans une éventuelle action judiciaire portée par l'une des victimes de l'affaire Techland.

Par ailleurs on notera dans la décision du tribunal que celui-ci a rejoint les arguments des FAI selon lesquels une action fondée sur l'article 336-1 du code de la propriété intellectuelle (qui peut imposer un filtrage des réseaux P2P lorsque des violations au droit d'auteur sont constatées) était préférable à une action en identification des abonnés.

Une plainte contre Free ?

Concrètement, cette décision permet d'annuler toutes les procédures intentées par Me Martin et ses clients contre les internautes identifiés suite aux ordonnances annulées. Ceci ne concerne cependant que les abonnés de Alice, Neuf et Orange. Sauf à ce qu'une action ait été intentée par ailleurs, les abonnés des autres fournisseurs d'accès devront contester eux-mêmes la validité du relevé, et trouveront là une base solide devant les tribunaux.

Cette décision ouvre également la perspective d'une plainte pénale contre Techland, Logistep et Me Martin, voire même contre les FAI qui n'ont pas contesté la demande et pourraient être accusés de complicité dans la violation des obligations imposées par la loi informatique et libertés. Comme l'ont noté eux-mêmes les opposants à propos de l'ordonnance contestée, "la mesure ordonnée amène [les fournisseurs d'accès] à participer à la commission d'actes délictueux , ce qui est susceptible d'engager leur propre responsabilité pénale".


Source : Numerama - Mardi 10 Juillet 2007

Merci Free :D

vivien

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Maintenant ce ne devrais pas être aux opérateurs de bloquer les demandes de réquisition judiciaire complétement farfelues ou hors la loi mais à la police / gendarmerie / justice / douanes de ne pas les laisser passer !

Quand la police demande un truc le premier réflexe n'est de se dire "euh... c'est légal ce qu'il me demande ou pas ?"