La France et l'Allemagne n'ont pas été en mesure d'aider l'Espagne à éviter le black-out en partageant la misère.
Les intercos ont aidé, le flux de puissance s'est inversé mais les protections les ont découplé, probablement sur critère de frequency slip, surintensité ou fluctuation de tension, ce n'est pas encore clair pour moi.
Refus technique du à seulement 2GW d'interconnexion contre 15GW perdu?
Ou refus politique : On n'écroule pas partiellement la France et l'Allemagne pour l'Espagne?
Les protections sont automatiques. Tu n'as pas vraiment le temps de passer un coup de fil et de faire une négo politique lors de tels évènements... en l’occurrence, la déconnexion automatique des intercos a aggravé le problème.
Et en effet, c'est technique : il y a un peu plus de 2GW d'interco disponible, pas plus. La FAQ de RTE le dit bien : la mise en service de la ligne HVDC en 2027 va porter ces capacités à 5GW.
RTE et REE étudient plusieurs scénarios pour augmenter encore ces capas d'intercos, car l'Espagne et le Portugal pourraient exporter pas mal vers l'Italie et l'Allemagne, notamment, lors de telles journées.
La France et l'Angleterre étudient aussi la possibilité de construire de nouvelles intercos (
https://en.wikipedia.org/wiki/FAB_Link, 1.25GW à priori), car on sature nos 3.5GW de capa d'export vers l'Angleterre en permanence (
https://www.rte-france.com/en/eco2mix/cross-border-electricity-trading, pas étonnant vu les prix de marché de leur zone).
Facile de dire que la France a aidé pour le bmack-start, c'est bien le minimum...
Il y a plusieurs facons de le faire : soit tu réalimentes à partir de tes propres générateurs (hydro d'habitude, mais on peut le faire autrement) puis tu resynchronises, choix qu'a fait le Portugal, soit tu utilises les intercos que tu as pour réalimenter ton réseau de transport et y recoupler tes moyens de prod.
Vu qu'ils ont tout de même 2GW de capa d'interco avec la France et que la France avait la capa de transport nécessaire à contribuer ces 2GW, se resynchroniser sur la plaque Européenne en recouplant leurs intercos avec la France très tôt dans la séquence de blackstart était un choix logique.
on abaisse la puissance des réacteurs nucléaires (avec toutes les mauvaises conséquences que cela engendre) pour laisser la place (obligation d'achat) au ENRi...
On économise aussi notre combustible nucléaire, ce qui permet d'améliorer la disponibilité des réacteurs car on les arrête moins pour rechargement.
Je ne savais pas que la France a de temps en temps un mixte avec 40% d'énergie non pilotable.
Probablement un peu plus à la pointe solaire, car beaucoup de producteurs ne sont pas monitorés en temps réel (installs < 100kWc il me semble) voire invisibles (autoconso, qui est vu du réseau comme une réduction de conso).
Alors oui, ENEDIS et RTE font des estimations, mais comme le parc grandit chaque jour, les puissances installées pour effectuer les estimations sont toujours plus faibles que la réalité.
Ca ne pose pas de problème particulier de stabilité : on est bien interconnectés avec nos voisins, on a *beaucoup* de réserve et, relativement parlant, les taux d'ENR intermittentes en France sont faibles.
J'ai travaillé sur des systèmes îliens non interconnectés beaucoup, *beaucoup* plus petits (centaine de kW à quelques dizaines de MW), donc avec beaucoup moins d'inertie, sur lesquels on frôle 90% de taux d'ENR intermittentes sans souci. Sur ces systèmes :
- on pilote les charges agressivement (ou du moins, plus intelligemment que ce qu'on s'autorise chez nous),
- on charge des batteries avec l'excédent ENR, et si elles sont pleines, soit on fait dériver la fréquence à la hausse pour que les onduleurs réduisent leur contribution, soit on envoie un autre signal aux producteurs pour qu'ils réduisent leur contribution,
- on impose aux producteurs de s'engager 24h à l'avance (quite à réajuster l'annonce en intra day, voir AO-CRE2 pour un exemple) et on les contraint à des pénalités financières en cas de déviation trop importante par rapport à leurs engagements,
- on impose aux producteurs >1MW de faire du Q(U) ou d'injecter à cos phi fixe, en fonction des besoins du réseau, de faire du P(f) au moins à la réduction, et bien plus tôt que 50.2Hz,
- on incite les producteurs aux grosses centrales PV en ayant des tarifs d'injection attractifs à la pointe.
Pour les grosses centrales avec stockage, on demande parfois de pouvoir faire du black start pour aider à redémarrer en cas de coupure.
Plus que des machines tournantes, ce sont des batteries industrielles qui assurent le réglage de fréquence et de la tension (grid forming). C'est plus rapide que des alternateurs et il n'y a pas de problème d'usure lié aux contraintes mécaniques lors des fluctuations de fréquence.
On apprend d'ailleurs de ces petits réseaux : les projets de stockage par batterie >100MW/200MWh commencent à apparaître en France (
https://www.alpiq.com/fr/newsroom/communiques-de-presse/alpiq-investit-dans-la-flexibilite-avec-un-projet-de-batterie-de-100-mw-en-france pour n'en citer qu'un) et explosent en Allemagne.
Ces batteries font du stockage à court terme. On charge éventuellement sur l'excès d'ENR en journée pour décharger à la pointe le soir (energy arbitrage), mais c'est peanuts : la principale activité est le réglage de fréquence (la fameuse inertie, sauf qu'ici elle est virtuelle), donc FCR/réserve primaire et dans une moindre mesure FRR (réserve secondaire).
On peut aussi garder les alternateurs hydro ou thermiques couplés au réseau sans les entraîner mécaniquement, ce qui augmente l'inertie tournante et permet de les rallumer plus rapidement si besoin.
Visiblement, cela ne s'est pas passé comme cela et des GW ont été mystérieusement perdus.
Le fait que les marchés soient synchrones et que les périodes commencent/finissent au même moment et pour tout le monde fait effectivement pas mal dériver la fréquence, et ce, même sur des réseaux sans ENR intermittentes. Les producteurs ajustent leur prod et les consommateurs leur conso en fonction du signal prix, et ces ajustements sont synchronisés... forcément, ca déstabilise pendant quelques minutes au début de chaque heure.
Ceci dit, côté production, on n'ouvre normalement pas bêtement une cellule HTA/HTB pour stopper la prod. Si on manoeuvrait des cellules HTB 5x par jour, bonjour la durée de vie, aussi bien de la cellule elle même que des équipements derrière...
Il y a des rampes à effectuer, à la baisse comme à la hausse, et les onduleurs restent bien souvent couplés et peuvent repartir rapidement si sollicités. Si il y a une obligation de régulation de tension ou de fourniture de talon de puissance réactive (souvent le cas pour les centrales HTB), ces fonctions doivent rester actives même si le producteur n'injecte pas pour des raisons de marché.
Les STEP, les machines tournantes et les batteries peuvent servir à stabiliser le système lors de ces transitions, certes, mais il serait probablement plus opportun et moins cher d'ajuster le cadre réglementaire du marché pour étaler ces variations de prod/conso dans le temps, si je puis dire. Peut-être entre -5/+5 minutes par rapport au début de chaque heure, à l'instar de ce qu'ENEDIS a appris à faire (dans la douleur, d'ailleurs) avec les transitions HP/HC.
Pour avoir pas mal discuter avec des responsables technique de STEP, je peux vous assurer qu'ils n'apprécient pas les boursicoteurs et que les projets de mise en concurrence des barrages d'EDF sont très mal vécus.
À mon sens, cela mélange beaucoup de choses. Au centre de conduite hydraulique de Grenoble, les gens avec qui j'ai pu travailler lorsqu'il était question de forcer EDF à vendre des barrages/STEP étaient attachés d'une part à leur mission de service public (et donc de stabilisation du système, ce à quoi je m'intéresse ici) et d'autre part à leurs avantages sociaux (ca, je ne peux pas le traiter).
En réalité, même dans le cas d'une STEP ou d'une file hydro sous "contrôle" EDF, les plans d'exploitation sont normalement transmis par la DOAAT (Direction Optimisation Amont/Aval & Trading, j'ai du lookup...) 12h à l'avance, complète avec les profils de production attendus et la largeur des bandes de réglage pour services systèmes. Une bonne partie de leur mission est d'optimiser les rendements économiques du nucléaire en agissant sur l'hydraulique et les STEP. Donc un peu du boursicotage, mais sur un marché, on peut émettre l'hypothèse qu'il en faut.
L'autre intérêt de l’alternateur est qu'il tolère la surcharge en puissance active et réactive bien plus facilement qu'un convertisseur statique (onduleur). En cas de surcharge, l’alternateur décroche tout seul et les protections font le job.
On pourrait tout à fait imposer des onduleurs surdimensionnés pour tolérer 2*In ou plus, c'est un choix économique. Et vu le prix de la tonne d'IGBT, je peux comprendre... mais cela reste un choix économique.
Autant sur les éoliennes on a une réserve d'énergie cinétique, autant sur le PV il n'y en a pas de réserve d'énergie et il faut soit des supercap ($$$$$) soit des batteries ($$).
Coté onduleur, il y a à la serpe trois types.
1) Onduleur autonome : produit une source qui doit être toute seule, d'où la présence d'inverseur de source (dans les data-center par exemple).
2) L'onduleur hybride qui peut marcher tout seul et produire une source autonome ou bien se caler sur une source existante. On parle de grid following. C'est le cas des micros-onduleurs des panneaux solaires des particuliers et probablement de pas mal de fermes solaires.
3) L'avenir avec les onduleurs grid forming qui sont capables idéalement de remplacer les alternateurs, en introduisant de l'inertie virtuelle.
J'ai envie dire "the future is now" car sur des onduleurs de ~100kVA, les fonctionnalités que tu décris dans 3) sont quasiment toujours disponibles.
Je configurais même des onduleurs batteries SMA 6kVA pour faire du Q(U) (réglage de tension) et P(f) (réglage de fréquence) il y a 10 ans, pas exactement des gros bestiaux à la pointe de ce qui se fait :-) Mais ca marchait relativement bien.
Il faut bien voir que le pilotage, c'est à dire les consignes en puissance active, réactive, fréquence et tension (en fonction de son mode actuel) utilisées par l'onduleur sont générées par du software, et que les règles implémentés sont... arbitraires, si je puis dire, vu que c'est du software. Tout comme le fait que l'onduleur soit grid forming, grid following ou un mix des deux. On fait ce qu'on veut tant qu'on ne crame pas les ponts IGBT (et là encore, il y a du hardware pour éviter que ca ne se produise).
Par exemple, sur un projet de micro-réseau, j'utilise des onduleurs PV huawei 50kVA pour faire du réactif la nuit. Ca me permet d'éteindre un groupe électrogène sur les deux, car la nuit, la conso de puissance active est faible et on a majoritairement du réactif lié au réseau enterré.
La journée, ces onduleurs PV injectent quasiment à cos phi 1 car ils sont dimensionnés ric-rac par rapport au champ PV qui est derrière et qu'il vaut mieux produire la puissance active à partir de solaire que de diesel.
Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, mais j'essaye d'illustrer le fait qu'un onduleur peut faire énormément de choses.
Si les petits onduleurs PV ne font pas de réglage de tension, se découplent très rapidement en cas de variation brutale de fréquence et ne réduise leur contribution en puissance réactive qu'au delà de 50.2Hz, c'est parce que le grid code l'exige... Si ils commençaient à réduire leur puissance active plus tôt, à 50.1Hz par exemple, et qu'ils la réduisaient également graduellement lorsque la tension monte au dessus de 250V par exemple, ils participeraient à la santé globale du système, même si ils ne peuvent pas aider lors d'une chute de fréquence.