Ma parole corrector, toute énergie autre que le nucléaire te dégoutte ? Tu travailles ou des proches travaillent dans le secteur du nucléaire ?
Ce qui me dégoutte :
- que l'on monte en épingle le moindre micro-incident ayant lieu dans une centrale nucléaire; la dernière fois, c'était deux ouvriers légèrement brûlés au doigts avec du H2O2 (eau oxygénée);
- que certains propagent l'idée qu'un atelier travaillant sur du plutonium dans des boites à gant a frôlé l'accident de criticité alors qu'il n'y avait que quelque poussières de Pu réparties dans les recoins de plusieurs boites, qui n'ont jamais été rassemblées, qui n'ont jamais été mouillées, et qui n'ont jamais constitué un risque de criticité, ce qu'on peut affirmer avec une marge de sécurité vraiment énorme (marge de sécurité qui a manifestement déplu à un élu EELV, qui n'aime pas trop le fait d'avoir de la marge entre la limite réglementaire et le début de la zone de danger, comme il l'a très clairement exprimé en commission);
- que l'on fasse croire que l'exposition à de très faibles doses de radionucléides soit proportionnellement particulièrement dangereuse, alors qu'il n'existe aucun consensus scientifique sur le sujet;
- que l'on fasse croire que le plutonium est un produit maléfique créé par des savants fous alors qu'il existe dans la nature;
- que l'on raconte que l'industrie électronucléaire est de nature militaire alors qu'aucun réacteur nucléaire produisant de l'énergie en France et même aucun réacteur de ce type n'a été utilisé pour produire la charge d'une bombe nucléaire;
- que l'on insinue que l'Iran va (ou pourrait) utiliser une centrale électronucléaire pour avoir la bombe alors que tout le monde pense que l'Iran utiliser (ou pourrait utiliser) la filière amont du cycle nucléaire (avant l'étape je produits de l'énergie électrique) pour produire du matériel pour faire une bombe;
- que l'on raconte que les centrales électronucléaires françaises sont classés sites "secret défense" (aucun ne l'est);
- que l'on propage des tas d'approximation, d'erreurs, de mensonges, toujours allant dans le sens "nucléaire = horriblement dangereux" alors qu'une très simple vérification montre que c'est faux;
- que l'on raconte qu'en France les filières du nucléaire civile et du militaire sont liées, alors que le seul actuel est que le démontage de bombes permet de récupérer du combustible qui finit dans les centrales EDF : moins de bombes, plus d'électricité d'origine nucléaire, c'est ce que combattent les anti-nucléaires français.
Alors oui, EELV me dégoutte, les Verts allemands me dégouttent, Greenpeace me dégoutte, Amis de la Terre me dégoutte, l'Observatoire du nucléaire me dégoutte, la CRIIRAD (dangers des rayonnements ionisants) me dégoutte, de même que le CRIIGEN (dangers des OGM) et le CRIIREM (dangers des rayonnements non ionisants).
Quand le nucléaire a été lancé, on était certain de rien en terme de coût, et il en est de même pour cette nouvelle énergie.
Précise ce que tu entends pas "lancement" du nucléaire à fission :
- premiers réacteurs expérimentaux
- filière française CO2-graphite lancée par le Général
- fabrication en série en mode stakhanoviste pour rendre la production électrique française en grande partie nucléaire avec de l'eau légère
C'est sûr qu'en mélangeant réacteur expérimental et réacteur de série, tu peux raconter n'importe quoi...
Quand la Pompidou se lance dans les réacteurs à eau pressurisée, il ne lance pas la France dans une approche originale jamais validée, il rachète la technologie testée de General Electric.
Par contre
l'approche à spectre rapide est expérimentale : on a commencé par un petit réacteur pour faire un seul gros, Super Phénix, avec les résultats qu'on connait (incidents multiples, problèmes techniques très délicats, concepts de défense en profondeur difficiles à valider).
Si la France avait décidé de constuire en série des réacteurs à spectre rapide, je serais le premier à hurler au scandale.
Mais bizarrement, ce genre de choses débiles n'arrivent pas dans le domaine du nucléaire; pourquoi? Parce que ce domaine est contrôlé par des gens plutôt raisonnables, qui font des analyses rationnelles, qui ne foncent pas tête baissée sans savoir où ils vont.
Le domaine de la production d'énergie a été contrôlé par les ingénieurs, surtout issus des Mines, d'après les critiques; je m'en félicite. Cela a permis de faire des choix basés sur l'état de l'art de la technique et
non sur les lubies politiques.
Le choix de subventionner par divers dispositifs :
-
rachat obligatoire de la production à toute heure, quelle que soit la demande instantanée, quel que soit le point de livraison, à un tarif fixe administré censé refléter le coût de la technologie, tarif qui est supérieur au prix d'achat administré de l'énergie en ce même point de livraison (aberration même pas dénoncée par les économistes médiatiques qui prétendent savoir ce qu'il faut faire pour relancer la croissance : comme si quelqu'un qui ne sait pas compter sur ses doigts faisait la leçon à un médaillé Fields)
- divers dispositifs de défiscalisation
Ces choix sont purement politiciens. Quand Nicolas Sarkozy a décidé de siffler la fin de la récrée, pardon de l'orgie pour le solaire PV, cela a fait un scandale parce qu'on tuait la filière PV. Sauf que cette filière n'existait pas par pure "volontarisme" politique, autrement dit parce qu'on avait décidé de mettre à contribution les moutoncontribuables pour faire exister une filière inutile.
Le débat est aussi pourri-hystérisé par les pro nucléaires qui ne veulent rien envisager d'autre que le nucléaire.
On peut envisager :
- d'investir dans la recherche sur n'importe quelle approche ayant un potentiel intéressant afin de mettre au point une technologie innovante
- de généraliser n'importe quelle technologie dont on a vérifié qu'elle fonctionne
Les nouveaux renouvelables que poussent les Verts ne passent aucun des tests :
- l'éolien est par nature variable; il n'y a aucune "amélioration" possible de la technologie des éoliennes de ce coté
- le stockage à très grande échelle de l'énergie électrique sous forme chimique en est au balbutiements
- le seul type stockage à très grande échelle de l'énergie électrique qui soit efficace, éprouvé et rentable est le stockage sous forme de potentiel gravitationnel de l'eau
Certains écolos tentent d'insinuer que les choix d'investissements français ont déterminé quelle technologie est exploitable :
- fission nucléaire : beaucoup d'investissement => techno mature
- vent, solaire : peu d'investissement => techno pas mature
En racontant cela, ces personnes montrent qu'elles ignorent tout simplement la physique :
- énergie de fission : potentiel extrèmement concentrée (on n'en utilise qu'une petite part avec la technologie actuelle)
- vent, solaire : énergie très diffuse
- l'intermittence est un problème indépassable : c'est un problème physique et non une limitation d'une technologie particulière
- le foisonnement éolien est une très grosse blague (négationnisme militant des pro-éoliens, il suffit de regarder un graphique de production totale avec une bonne résolution temporelle, mais en publiant des graphiques avec une pauvre résolution temporelle on peut essayer de noyer le poisson)
- l'intermittence n'est pas le fait que la production deviennent strictement nulle de façon aléatoire, mais qu'elle varie de façon erratique et imprévisible
- contrairement à la légende, l'éolien en mer n'est pas constant, il est au contraire très variable; voilà une nouvelle fumisterie ruineuse mais qui fera les affaires des constructeurs
Il faut d'immenses champs d'éoliennes ou de panneaux solaire pour produire autant de kWh à l'année qu'une seule tranche nucléaire. La limite physique ultime est évidemment l'énergie présente dans la nature, la technologie ne peut pas dépasser 100 % d'efficacité.
Il faut aussi d'immenses réservoirs pour stocker de l'énergie gravitationnelle; les élus EELV seront-ils assez aimables pour :
- choisir quels territoires seront inondés;
- aller expliquer aux habitants expropriés que c'est pour la bonne cause;
- aller expliquer aux associations de défense de la nature que les espèces végétales présentes n'ont pas d'intérêt et que les animaux peuvent bien aller ailleurs.
Pour la plus grosse production renouvelable de Chine, le barrage des Trois-Gorges, il a fallut déplacer juste un million de personne. (C'est plus que pour accident nucléaire très grave.)
C'est ce qu'on appelle le principe de réalité. Sinon, on peut aussi se pailler de mots.
Les pro-éoliens éludent les vrais problèmes et parlent d'investir pour améliorer la technologie des éoliennes alors que cette technologie est déjà mature : on sait construire une éolienne qui fonctionne, qui tombe rarement à cause du vent, etc. De même qu'on sait fabriquer des voitures électriques mais que les limites sont l'autonomie et le temps de charge, et le prix notamment de la batterie. On peut toujours investir autant qu'on veut pour améliorer d'un pouillème la performance du moteur de la voiture électrique, cela ne résoudre les problèmes bloquant de la voiture électrique.
Le fait que les Verts n'arrivent pas à distinguer un problème sérieux d'un problème anecdotique montre qu'ils ne sont pas capable d'assumer des postes de l'exécutif : ce sont des bouffons médiatiques.
les pro nucléaires qui ne veulent rien envisager d'autre que le nucléaire.
Je ne connais aucun intervenant en France qui corresponde à cette description.
Le nucléaire est simplement la seule technologie de production d'énergie électrique qui :
- occupe un terrain minuscule;
- fournisse une production fiable (sauf de rares pannes, qu'il faut savoir compenser);
- n'èmette pas en lui-même de CO2; même en comptant tout le cycle, èmet très très peu de CO2
- rejette très peu de polluants en fonctionnement normal (quelques rejets radioactifs sans impact sanitaire).
Les renouvelables occupent souvent des territoires immenses (sauf turbien au fils de l'eau) si on veut une production qui ne soit pas parfaitement anecdotique (le solaire sur les toits c'est sympa mais ça ne va pas loin en terme de production d'énergie électrique).
Le charbon èmet non seulement du CO2, divers polluants gazeux, des particules cancérigènes, et beaucoup plus de radionucléides qu'une centrale nucléaire en fonctionnement normal.
Le gaz èmet du CO2 (nettement moins que le charbon), et est une ressource naturelle précieuse. Les seules ressources en gaz en France sont de nature "non conventionnelle" (gaz de roche mère) qu'on ne sait pas exploiter de façon parfaitement sure, il créé donc une dépendance aux pays producteurs.
L'énergie renouvelable la plus importante dans le monde est la biomasse, en clair le bois à brûler. Dans un cadre renouvelable elle est limitée par la vitesse de croissance des forêts, et par la proximité de la ressource : le bois est un combustible peu dense dont le transport est énergivore.
La fabrication de pastilles de bois utilisables dans les chaudières adéquate nécessite le broyage du bois, le séchage et le compactage. (Quand le broyage du bois est nécessité par un autre processus industriel, la fabrication des pastilles peut se faire à partir d'un déchet industriel.)
La généralisation de la biomasse est typiquement une fausse bonne idée écologique : non renouvelable à l'échelle du besoin de la population en énergie thermique, nécessitant en plus beaucoup de carburant pour le transport (les consommateurs ne sont pas tous proches d'une forêt) et de la fabrication du combustible. La combustion génère des particules fines cancérigènes.
Les problèmes du nucléaire sont bien documentés. Ils sont sérieux, je ne pense pas qu'il soit utile de les exagérer.
Amont du cycle :
- déchets miniers : vie très longue, très faible activité
- exposition des mineurs au radon : une bonne ventilation des mines est nécessaire
- fabrication du combustible nucléaire énergivore (imputée sur le coût du nucléaire)
- les usines d'enrichissement permettent de fabriquer aussi du combustible militaire par enrichissement supplèmentaire (technologie duale civile/militaire)
Fonctionnement des réacteurs :
- rejets radioactifs usuels;
- rejets radioactifs exceptionnels en cas d'incident;
- risque d'accident grave : rejets importants plusieurs heures/jours après l'accident (délais permettant de mettre à l'abri la population; par contre, une rupture de barrage ou une explosion d'ammonitrate ne laisse aucun délai);
aval du cycle :
- exposition des travailleurs du nucléaire (très contrôlée);
- activation neutronique;
- impact des neutrons et des photons de haute énergie sur le matériel : durée de vie, impact sur l'électronique...
Aval du cycle :
- activité résiduelle du combustible usagé après déchargement; nécessité de maintenir ce combustible dans une piscine de désactivation
- transport des déchets;
- déchets à période longue, très chauds, très faibles volumes;
- déchets à faible activité, froids, gros volumes (activation neutronique de tout ce qui se trouve autour d'un réacteur nucléaire)