Après il ne faut pas se voiler la face, il y a forcement un bon argument qui décide de l'implantation d'un DC : lignes THT déjà présentes, fibre optique pas loin, etc...
Le raccordement réseau fibre est aujourd'hui le principal problème.
Les clients s'implanteront dans un datacenter que s'ils disposent d'une bonne connexion réseau (et redondante). Impossible aujourd'hui de dégrader les performances d'un service web ou d'une application par une latence ou un débit trop faible.
Inversement, les opérateurs attendent de voir s'il y a un potentiel clients avant de s'implanter en propre dans un datacenter.
En attendant, ce sont les gestionnaires des datacenters qui "construisent" le réseau en achetant des liens dédiés (et chers) pour avoir le minimum de connectivité. Les investissements (avant que le datacenter soit "profitable") sont souvent réduits (capacités) et mono-opérateur.
C'est donc un peu le chat qui se mort la queue.
J'exclu de ce schéma les datacenters qui n'hébergent que des services régionaux pour des connexions locales et qui travaillent en général avec les DSP locales (Délégations de Services Publics)
La meilleure combinaison est lorsqu'un opérateur de réseaux décide de créer ses propres datacenters. Son premier reflexe est alors la connectivité IP et il aura tendance à muscler son infra compte tenu qu'il a une sensibilité importante sur le sujet. Malheureusement, ils ne sont pas nombreux à s'aventurer sur ce terrain.
Ceci dit, même l'implantation de datacenters locaux avec de bons opérateurs nationaux ne résout pas encore le problème de "concentration" du réseau Français sur Paris.
Tous les grands opérateurs centralisent encore leurs interco / peering sur la capitale. Du coup, un habitant de Toulouse abonné Orange va voir son trafic remonter sur Paris pour redescendre sur Toulouse. La distance augmente mécaniquement la latence... et la latence réduit mécaniquement le débit. Au final, alors qu'il n'est qu'à quelques kilomètres, le datacenter sera considéré comme moins "performant" et ce même s'il répond exactement aux mêmes normes que les datacenters parisiens (alimentation doublées, groupes électrogènes, sécurités, etc...) NB : ceux qui répondent à la norme Tier 3 et Tier 4.
Nous mesurons cela nous même avec nos serveurs speedtest hébergés sur nos plateformes à Paris et sur celles de Toulouse. Sur le papier, celui de Toulouse devrait être plus performant (machine plus récente, taux d'occupation et bande passante disponible...) que celui de Paris alors que les mesures remontées par les utilisateurs indiquent plutôt l'inverse. Certes, en usage courant cela est largement aussi satisfaisant voire même meilleur que certains hébergeurs parisiens qui ont des liens saturés ou ont des transitaires qui vous font passer par bruxelles, amsterdam et londres à chaque paquet, mais cela reste une préoccupation pour les gros clients gros consommateurs (ceux capables de remplir rapidement des datacenters).
Si nous comptons sur les seules initiatives privées, il va falloir encore quelques temps avant que les infrastructures d'hébergement en région puissent rivaliser.
Il faudrait, un peu à l'image de l'expérience du TGV (dont on mesure parfaitement aujourd'hui l'impact sur les économies locales) que l'état décide de créer un réseau national de fibres optiques qui serait loué à des conditions avantageuses aux opérateurs locaux et nationaux (pourquoi pas une DSP nationale)
Ce serait beaucoup plus efficace et répartirait beaucoup plus justement la richesse et le dynamisme de l'économie numérique que d'investir des centaines de millions dans seulement 2 opérateurs de cloud nationaux qui vont tuer, du fait de cet avantage financier important, tous les autres opérateurs d'hébergement qui tentent d'investir (d'ailleurs c'est aujourd'hui clairement devenu une concurrence déloyale).
Si seulement nos chers dirigeants pouvaient être correctement conseillés (à défaut de maîtriser eux même les enjeux)...la France pourrait clairement se positionner au niveau mondial dans le domaine du numérique et les régions en profiteraient directement.