Je n'espérais rien mais j'ai été déçu : le traitement journalistique de la fabrication par une "imprimante 3D" d'une arme en plastique, tirant de vraies munitions, enfin
une vraie munition avant de se casser, a été lamentable.
Au lieu d'informer,
les journaleux ont très activement désinformé, puisqu'ils ont raconté :
- que l'arme était entièrement en plastique ("100 %") : sauf les parties en métal!
Le même article sur france24 prétendant que l'arme était 100 % plastique et avec du métal
Baptême du feu réussi pour le premier pistolet imprimé en 3D
Le jeune Américain compte mettre gratuitement en ligne le schéma de son arme 100 % en plastique.
(...)
Cette première arme, baptisée "Liberator" est composée de 16 pièces en plastique et d’un seul élèment en métal, le percuteur.
Tout va bien, en français de "France 24", la chaîne du rayonnement culturel de la France, "100 %" ne signifie pas "entièrement".
Vive la France, vive la francophonie, vive la précision du français.
- Que les parties métalliques sont là uniquement pour le respect d'une loi sur la détection des armes à feu :
D'après france24.com : Etats-Unis: fabriquer son pistolet à l'imprimante 3D, c'est possible
Il faut rajouter néanmoins un tout petit percuteur en métal et une autre pièce de métal de trois centimètres pour être en conformité avec la loi américaine en étant détectable dans les portillons de sécurité.
D'après Numerama : Impression 3D : censurés, les plans d'un pistolet se répandent sur BitTorrent
Un seul élèment de l'arme est toutefois fait de métal, afin que l'activité de Cody Wilson soit légale aux États-Unis.
Ce qui est absolument faux, le percuteur est en métal pour une évidente raison de solidité; l'arme n'est déjà pas fiable et pas solide, avec un percuteur en plastoc elle fonctionnerait peut-être une fois sur 100... (ce qui la rendrait peut-être moins dangereuse pour son utilisateur).
L'idée même qu'il y ai des difficultés techniques intrinsèques à la fabrication d'un dispositif pyrotechnique réutilisable (bref, d'une arme à feu) en plastique n'a pas l'air évidente :
Or même à supposer que cet élèment soit indispensable afin justement d'obliger celui qui fabrique l'arme à l'intégrer, il finira par apparaître des alternatives de ladite pièce en plastique ou dans un autre matériau.
Bien sûr, il suffit de le vouloir. Le volontarisme vient à bout de tout. (Le même volontarisme qui permet à certains pays d'arrêter les centrales nucléaires sans rallumer de centrales à flammes.)
L'idée qu'une pièce capable de supporter de fortes contraintes mécaniques (comme une pression de 3000 atmosphères) et thermiques, si elle est non métallique, risquera d'être néanmoins très dense donc détectable aux rayons X, donc difficile à passer dans des bagages contrôlées... (les rayons X voient bien le métal, mais aussi tout ce qui est dense).
- Que l'on peut fabriquer via un matériel peu couteux, sous-entendu sur LeMonde.fr :
Le "Liberator", premier pistolet né d'une imprimante 3D aux Etats-Unis
Une imprimante 3D comme la Replicator 2 fabriquée par la société MakerBot peut s'acheter par exemple pour 2 199 dollars, livrable en une semaine.
d'après france24.com : Etats-Unis: fabriquer son pistolet à l'imprimante 3D, c'est possible
Une imprimante 3D comme la Replicator 2 fabriquée par la société MakerBot peut s'acheter par exemple pour 2.199 dollars, livrable en une semaine.
En fait le matériel capable de produire cette merveille d'arme à un coup (un coup, un seul), coûte un peu plus cher que ça :
D'après lefigaro.fr : États-Unis : un pistolet créé avec une imprimante 3D
L‘objet, baptisé le «Liberator», tire même des balles réelles. Il s'agit en fait d'un assemblage de composants en plastique dur - utilisé notamment pour la confection d'instruments de musique - réalisés grâce à une imprimante 3D achetée 8000 dollars sur internet.
2199 $, 8000 $ : quand on aime, on ne compte pas!
Evidemment, parler d'un matériel à 8000 $ pour fabriquer une arme capable de tirer un coup au mieux (sans garantie, l'exemplaire n'ayant pas été testé par définition), ça impressionne un peu moins. Combien d'armes peut-on s'acheter légalement aux USA avec 8000 $? En France, combien peut-on se procurer d'armes au marché noir? (De vraies armes issues de vraies manufactures, capables de tirer des milliers de coups sans se détruire, pas de bricolages d'amateurs.)
- Enfin, que cette arme risquait de devenir l'arme favorite des malades mentaux et des criminels : comme si un malade mental avait des difficultés à se procurer une arme aux USA (les armuriers officiels doivent vérifier les antécédents des acheteurs, pas les vendeurs privés), comme si un criminel allait attaquer une banque avec une arme dont le concepteur recommande ...
...de vaporiser de l'acétone dans le canon avant utilisation!
L'article de Numerama révèle quand même que ceci est plutôt un gadget d'amateur technophile :
Le jeune homme est toutefois conscient qu'il est aujourd'hui plus facile de se rendre dans une armurerie et d'acheter une arme bon marché. C'est en tout cas le cas aux USA. L'état actuel de la technologie ne permet pas encore de rendre compétitive l'impression 3D d'une arme à feu.
Numerama, qui comme toujours croit tout savoir sur des domaines techniques auxquels ses "journalistes" ne connaissent rien, n'hésite pas à conclure :
Mais elle le sera un jour, pour quelques centaines de dollars. Ce qui est, au regard du processus, relativement abordable.
Super. (On les connaissait je-sais-tout en matière d'Internet, mais ignorants que l'adresse MAC n'était pas transmise au delà du réseau local, maintenant ils sont prévisionnistes en matières d'armes en plastique.)
Sur la qualité des armes à feu basées sur des pièces en résine thermofusible :
En décembre, il avait déjà effectué des tests avec un prototype, un fusil d'assaut AR-15 partiellement "imprimé". L'arme s'était cassée au bout de six tirs.
(Tu m'étonnes.)
Quand aux lecteurs-commentateurs,
certains ne sont pas dupes :
vu le cout de l imprimante et la puissance de feu ridicule de son arme, cad un mono coup en 380 ACP,il est moins cher et plus facile de se procurer sur le marché officiel voir " noir " des armes largement plus sophistiquées et meurtrières .
Quand au lobby des armes , il se porte très bien et les plus gros vendeurs et acheteurs sont nos états les amis pour lesquels nous versons des impôts et qui servent a fabriquer et a vendre des armes par milliers ,alors bon, il petit étudiant qui fabrique sont arme en résine c est une goutte d'eau dans l'océan ,m'enfin , ca donne du boulot aux journalistes
"du boulot aux journalistes" : bien vu!
Certains commentateurs de Numérama ne sont
pas spécialement impressionnés :
Je vois pas trop ce que vous avez avec ces imprimantes 3D alors que ça fait des lustres qu'un simple ouvrier fraiseur/ajusteur peut faire la même chose.
Là où je suis, les manuels de conception d'arme à feu sont dans toutes les bonnes écoles de méca, et croyez moi si vous voulez mais c'est en France, dans le Forez, plus précisèment à Saint Etienne (dont le FAMAS est issu entre autre).
Quels bandes de hackers ces anciens, arriver à fabriquer des armes à feu à la fraise et à la lime dans le recoin de son atelier.
Y a quand meme un bon truc a se rappeler. Ok l'imprimante imprime l'arme ... mais pas les munitions. C'est la-dessus qu'il faudra faire plus de controle
La munition n'est pas imprimée, et elle n'est pas en plastique.
Bah! Aux USA, je ne vois pas quel est le problème puisque n'importe quel demeuré est capable de se procurer une arme: l'actualité nous le prouve tous les jours.
Je vous le déconseille.Utiliser des plastiques pour des armes à feu est une bien mauvaise idée. Imprimante 3D ou pas, les plastiques ne conduisent pas la chaleur, résistent très mal à l'abrasion et pour certains d'entre eux vieillissent mal au soleil (ils deviennent cassants).
Ce monsieur aura surtout réussi à faire parler de lui.
Sur les lecteurs de la presse en ligne Les lecteurs, en moyenne,
sont plus réfléchis que les "journalistes".Il y a une distance critique que je n'ai trouvé que dans les commentaires des articles, jamais dans les articles (j'en ai lu quelques uns, certains sont des copié-collés...).
Sur cette technologie Le fait de pouvoir fabriquer un pistolet à un coup en grande partie en pastique thermofusible, même utilisable une seule fois, même peu fiable, même peu précis, même limité en puissance de munition... je ne pense pas que ça soit un non-événement du point de vue technique.
Mais
d'un point de vue pratique, pour les criminels, pour les malades mentaux, pour les personnes qui veulent honnêtement se procurer une arme aux USA,
cela ne change strictement rien, personne, à part les amateurs de cette technologie, ne sera intéressé par une telle arme. Des politiciens US qui doivent se montrer "concernés" (concerned) par les problèmes de société montent en créneaux avec des arguments d'une débilité rare.
Bien sûr, cela pose le problème de la détection de telles armes par les contrôles de sécurité habituels :
- le percuteur reste en métal (c'est pas demain qu'il sera en plastoc quoi qu'en pense Numerama), mais si un simple clou fait l'affaire, il est possible de le passer à travers les contrôles;
- les munitions restent en métal, mais elles sont moins volumineuses que l'arme;
- les évolutions de la technologie pourraient rendre l'arme plus robuste.
Donc cette technologie
pourrait être une menace sérieuse dans
certains contextes. Je ne pense donc pas que cette évolution soit d'un impact nécessairement strictement nul, et
il y a lieu bien lieu d'en parler dans les média.
Mais avant qu'une arme "imprimée" devienne l'arme favorite des voyous, il faudra
une évolution technologique considérable de ces matériaux (peut-être même une révolution technique : matériaux complètement nouveaux, par exemple). En attendant,
on amuse la galerie en évitant soigneusement de
parler des limites techniques de la technologie.
Sur les journalistesOn dirait que ces "détails techniques" n'intéresse pas les journalistes : ils parlent de la technologie, mais avec un "angle" narratif, c'est à dire en français :
un biais. Ils ont décidé de raconter que cette invention est :
- révolutionnaire : alors qu'il ne semble pas que cela soit la première arme à feu avec un canon non métallique;
- techniquement mature et utilisable (en taisant toutes les données qui montrent qu'elle ne l'est absolument pas);
- "controversée" (c'est à dire générant une "controverse" dans les média, c'est à dire des articles disant que cette invention est controversée, c'est à dire que l'article de presse décrit le contenu de la classe d'articles de presse auquel il appartient); la définition de "controversé" est tellement vague qu'on peut toujours prétendre que n'importe quoi est controversé (si quelqu'un conteste ce fait, , CQFD);
- déstabilisante pour la société.
Mais la déstabilisation est corrélée à la capacité de cette technologie à se comparer à des vraies armes à feu; le fait qu'il faudrait pour cela un saut technologique n'effleure pas les journalistes, parce qu'ils ne pensent jamais en terme de technique, de résistance des matériaux, de physique, et qu'ils ne vont pas demander à des spécialistes du domaine ce qu'ils en pensent.
Après tout, c'est une brève, dans 5 minute on parlera d'autre chose, et dans 10 minutes encore d'autre chose. Pourquoi s'embarquer dans des questions de détail et des considérations ennuyeuses de physique.
Sur la presse et ses clientsCela montre le mépris du journaliste moyen (de télé ou du Web, c'est kif-kif) pour le "client". Le lecteur/auditeur/téléspectateur est donc présumé :
-
ignare : au moins autant que le journaliste ou la "speakerine" qui en tient lieu;
-
stupide : au point d'accepter deux affirmations contradictoires dans un même "sujet";
- ou bien,
indifférent : capable de passer sur n'importe quelle énormité.
C'est ainsi que les média nous abreuvent de "sujets" qui dépassent parfois la science-fiction en présentant cela comme une technologie presque réalisable demain, sans aucune considération pour les contraintes pratiques.
Peu importe si l'info est moisie : ça fait vendre.
Et après, les mêmes vont jouer du violon sur :
- le rôle essssentiel des média pour l'information impartiale dans une démocratie;
- l'importance d'aide (encore plus) ces média à diffuser leur soupe inepte jour après jour;
Cela à coups de centaines de millions d'euros :
- d'aide directe aux journaux;
- d'aide à l'acheminement postal, au "portage";
- d'exonération de TVA (TVA ultra-réduite à 2,1 %);
- d'exonérations de cotisations sociales et d'impôts pour les journalistes;
- aussi d'aides à la restructuration, d'aides exceptionnelles pour que la presse papier fasse des sites Web, "d'aides" Google...
(l'empilement de systèmes d'aide rend moins évident le prix payé pour la presse, en le dispatchant entre aide directe chiffrée apparaissent dans le budget, et manque à gagner en impôt (niche) moins évident à chiffrer; c'est assez typique)
Voir à ce propos :
slate.fr :
Aides à la presse: le syndrome de la sidérurgieCe n'est pas en freinant par tous les moyens le processus de destruction d'un modèle condamné qu'on évitera sa disparition. Au contraire. Si la presse ne veut pas se transformer en haut fourneau abandonné, elle doit se réinventer.
Contrepoint :
Aides à la presse : les chiffresVos impôts servent à financer chaque année plusieurs centaines de millions € d'aides à la presse. Plus d'un demi milliard d'euros rien que les aides directes.