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5G : après deux ans, les Européens peinent toujours à voir l’intérêt
EXCLUSIF - Même dans les pays où la technologie est la plus mature, le grand public ne perçoit pas vraiment les bénéfices, selon une étude de Roland Berger. Au grand dam des opérateurs.
Elle est déjà une réalité pour près de 8,2 millions d'utilisateurs en France et plus de 70 millions en Europe de l'Ouest. Et pourtant. La 5G peine à réaliser toutes ses promesses dans l'esprit des consommateurs. C'est la conclusion d'une vaste étude réalisée par le cabinet Roland Berger et conduite dans les 8 pays européens (France, Allemagne, Autriche, Suisse, Royaume-Uni, Irlande, Pays-Bas, Suède) les plus matures dans le déploiement du nouveau standard mobile. Un peu plus de deux ans après le lancement du nouveau standard, la technologie n'a plus rien de cryptique pour les utilisateurs.
Près de 4 personnes sur 5 savent ce qu'est la 5G dans les 8 pays étudiés, et un quart des sondés l'utilise. Un chiffre qui devrait progresser rapidement dans les prochaines années. Dans un récent rapport, l'équipementier suédois Ericsson estime qu'à horizon 2028, l'Europe de l'Ouest pourrait compter pas moins de 490 millions d'utilisateurs, soit une augmentation de 41% par an.
Les bénéfices mal perçus
Il s'agit toutefois moins d'une démarche proactive vers le nouveau standard, qu'une migration liée à la transformation progressive des offres des opérateurs. « Les consommateurs sont conscients de l'existence de ces offres 5G, mais ne comprennent pas vraiment leurs bénéfices», résume l'étude de Roland Berger. Sylvain Chevalier, expert sur les sujets télécoms et coauteur de l'analyse, abonde : «Les opérateurs n'ont pas réussi à expliquer clairement les bénéfices et les usages qu'allaient permettre la 5G, au-delà du désengorgement des réseaux et des débits qui sont parfois mais pas toujours supérieurs. Dans le grand public, ils n'ont pas réussi pas à créer un nouveau récit avec la 5G».
Ainsi, près de 33% des Européens n'ont aucune idée de l'amélioration permise par la 5G sur la performance du réseau, 38% ne savent pas qu'elle est vitale pour le développement économique. Près de la moitié ne sait également pas qu'elle permet une meilleure sécurité par rapport aux enjeux de cybersécurité, ou qu'elle est plus efficiente d'un point de vue énergétique.
« Il n'y a pas un seul pays étudié dans lequel quelqu'un a trouvé la recette magique », explique Sylvain Chevalier, qui rappelle quand même que ce passage à la 5G était absolument indispensable. « Vu l'explosion de la consommation en termes de données, la 4G allait être complètement saturée», justifie-t-il.
Une technologie difficile à monétiser
Aussi, l'investissement des opérateurs n'a pas été vain. D'ailleurs, ceux qui se sont montrés particulièrement dispendieux dans les infrastructures en récoltent les fruits. L'étude de Roland Berger montre qu'en France, par exemple, 7 utilisateurs sur dix sont satisfaits de leur réseau fixe et mobile. En Allemagne, où les investissements ont été bien moindres, à peine plus de 1 utilisateur sur dix se déclare satisfait de la performance des réseaux mobile ou fixe. C'est néanmoins une maigre consolation, vu les milliards investis notamment par les opérateurs au titre des enchères de la 5G par exemple.
Or Sylvain Chevalier l'explique : « Les opérateurs auront dû mal à faire payer 5 euros de plus pour un forfait 5G, vu la faible perception des bénéfices par les consommateurs». Selon l'étude, si certains clients sont prêts à payer un peu plus cher leur forfait, c'est pour des usages spécifiques plutôt qu'une offre générique en 5G. « Il y a de l'appétence pour les usages, par exemple pour les contenus vidéo streaming en très bonne qualité, et le gaming, dans une moindre mesure». Pour l'expert, si les opérateurs veulent tirer parti de la 5G, ils devront communiquer et faire beaucoup plus de marketing autour des usages de ce type que la technologie dans sa globalité.