Orange déclenche la vente de son réseau rural de fibre optique
Dernier des quatre opérateurs à détenir 100 % de ses réseaux de fibre optique, Orange a mandaté Credit Suisse pour céder la moitié de ses réseaux ruraux à des investisseurs, selon nos informations. Ces 4 millions de lignes pourraient se voir valoriser de 1,8 à 2 milliards d'euros.
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Dernier opérateur après Altice, Free et Bouygues à détenir en propre 100 % de ses réseaux de fibres optiques, Orange a donné le coup d'envoi à une cession partielle de cet actif. Selon des sources concordantes, le groupe dirigé par Stéphane Richard a mandaté la banque d'affaires Credit Suisse pour conduire la vente de la moitié de ses réseaux en zone rurale, soit 4 millions de lignes - dont les trois quarts restent à déployer. Un premier tour d'enchères est attendu lundi.
Plusieurs grands investisseurs seraient sur les rangs comme le fond d'infrastructures australien IFM et l'Américain iSquared, ainsi que des institutionnels français à l'instar de la CNP, Crédit Agricole Assurances, la Caisse des Dépôts, EDF Invest, et étrangers tels que le fonds souverain singapourien GIC et la Caisse des Dépôts et Placement du Québec (CDPQ).
La candidature d'institutionnels n'a rien d'étonnant : dans les campagnes françaises, Orange déploie la fibre optique pour le compte des collectivités locales, dont il est le plus souvent concessionnaire. Et lors d'une audition au Sénat en décembre 2019, Stéphane Richard avait assuré les parlementaires que les partenaires financiers qu'il sélectionnerait ne seraient « pas des fonds spéculatifs américains. »
1 milliard d'euros
Il n'en aura de toute façon pas besoin pour faire grimper les prix. Les grands institutionnels croulent sous les liquidités à investir dans les infrastructures. Contre la moitié du capital de la nouvelle filiale « Orange Concessions » qui regroupe les réseaux de fibre en zone rurale de l'opérateur, ils seraient prêts à s'acquitter d'au moins 900 millions à 1 milliard d'euros.
C'est peu ou prou ce qu'en espère Stéphane Richard. Fin 2019, il jugeait qu'« une bonne référence » était la vente du réseau Covage et ses 2,2 millions de lignes de fibre optique à Altice (https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/altice-va-mettre-la-main-sur-les-fibres-optiques-de-covage-1150465) pour 1 milliard - soit 28 fois l'Ebitda de Covage. Dans l'opération actuelle, le nombre de lignes est quasiment deux fois plus important. Le prix aussi.
Mouvement sectoriel
En lançant cette opération, Orange sacrifie à un mouvement initié par Patrick Drahi, le propriétaire de SFR et qui touche aujourd'hui tout le secteur des télécoms : vendre tout ou partie de ses infrastructures pour dégager des marges de manoeuvre financière.
La concurrence féroce en Europe a réduit les marges des opérateurs à la portion congrue, alors qu'il faut déployer la fibre, la 4G et bientôt la 5G. Pris dans cet étau, les opérateurs ont peu d'alternatives, alors que la Bourse les boude ostensiblement faute de perspectives de croissance.
Rien qu'en France, Free et Bouygues ont cédé de larges parties de leurs infrastructures, notamment à l'espagnol Cellnex. En mars, Xavier Niel a fait entrer Infravia au capital de la filiale où il loge ses réseaux de fibre optique moyennant 300 millions ; Martin Bouygues a fait de même au printemps dernier avec Vauban Infrastructure Partners pour 1 milliard.
En 2018, Patrick Drahi avait encaissé, lui, deux fois 1,8 milliard en cédant la moitié du capital de la filiale gérant ses pylônes français à KKR (https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/altice-va-reduire-sa-dette-de-25-milliards-grace-a-ses-tours-133658) et la moitié du capital de celle gérant les déploiements de fibre hors des grandes villes à trois fonds : Allianz Capital Partners, AXA IM et Omers Infrastructure (https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/altice-cede-une-partie-de-son-reseau-de-fibre-optique-pour-18-millliard-deuros-168841).
Périmètre restreint
Orange a donc suivi le mouvement, mais avec moins de conviction, puisque dix mois après son annonce, la cession n'est toujours pas finalisée. Stéphane Richard s'était dit ouvert à céder le contrôle de la nouvelle entité et à accueillir « un ou deux » partenaires financiers. Pour entretenir la concurrence, l'opérateur n'aurait pas permis la constitution de consortium au premier tour indicatif des enchères.
Si tout s'accélère désormais, c'est parce que Stéphane Richard sait qu'Orange doit prendre ce virage et que le marché l'attend. Un point précis sur l'avancée de ce chantier devrait d'ailleurs être fait le 29 octobre prochain lors de la présentation des trimestriels du groupe.
Source : Les Echos (https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/orange-declenche-la-vente-de-son-reseau-rural-de-fibre-optique-1254390), écrit le 10 octobre 2020 par Anne Drif et Sébastien Dumoulin.