Auteur Sujet: Spotify: comment ses pertes ont sauvé le monde de la musique  (Lu 1639 fois)

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Marco POLO

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Si l’industrie musicale gagne à nouveau de l’argent c'est aussi parce que Spotify s’est construit comme un géant qui ne fait pas de bénéfices.

Ce mardi, Spotify est officiellement entré en bourse sur le New York Stock Exchange sous le symbole SPOT. Le cours de l’action à l’ouverture était de 165,90 dollars, bien au-dessus du prix de référence fixé à 132 dollars. Bien que son prix ait baissé au cours de la séance, il a bouclé à 149,01 dollars, ce qui porte la valorisation de Spotify à 26,5 milliards de dollars.

L’entreprise suédoise, qui propose son service de musique en streaming à 10 euros par mois pour la version sans publicité, a choisi une option inhabituelle pour cette introduction sur les marchés. Elle n’a pas émis de nouvelles actions et a simplement proposé ses actions courantes dont le prix est déterminé par la valeur que lui donnent les investisseurs.

"Spotify n’a jamais été une entreprise normale", a écrit Daniel Ek, cofondateur et P-dg dans un billet de blog paru lundi. Et il a raison. Spotify est devenu le plus grand service de streaming musical du monde en impulsant un changement culturel sur la manière de consommer et de payer pour la musique. Après des décennies à acheter des vinyles, cassettes, CD puis des fichiers numériques, nous sommes en train de migrer vers un modèle par abonnement offrant un accès illimité. Avec Spotify comme moteur, ce mouvement a revigoré l’industrie musicale après 15 ans d’atrophie. Mais cette révolution s’est accomplie au prix de pertes croissantes pour Spotify. Désormais cotée en bourse, l’entreprise pourra-t-elle se redresser ?


Daniel Ek, cofondateur et P-dg de Spotify

Les gains de l’industrie musicale, les pertes de Spotify

Spotify, qui n’a pas souhaité s’exprimer dans le cadre de cet article, a creusé ses pertes tout au long de sa croissance. L’année dernière, elles s’élevaient à 1,23 milliard d’euros. Les royautés, c’est-à-dire ce que Spotify reverse aux artistes, compositeurs et maisons de disque à chaque fois qu’un morceau est joué, représentent la plus grosse part des coûts, soit plus de 70 centimes pour chaque euro de recette. Ce problème des droits de licence n’est pas spécifique à Spotify, il concerne tous les services de streaming musical qui sont pour la plupart déficitaires. Mais la facette positive de cette situation est qu’elle a conduit à la renaissance de l’industrie musicale. 2017 fut une année exceptionnelle avec une croissance de 16,5% du chiffre d’affaires à 8,7 milliards de dollars (source: Recording Industry Association of America). Il s’agit de la meilleure croissance enregistrée au cours des deux dernières décennies.

Les revenus issus des abonnements ont été les moteurs de la relance de l’industrie musicale. Les téléchargements, qui définissaient les ventes numériques depuis le lancement d’iTunes en 2003, représentent désormais moins que toutes les ventes de supports physiques. Autrement dit, iTunes rapporte aujourd’hui moins d’argent que les CD et les vinyles réunis.

Spotify a joué un rôle clé

Spotify est en concurrence avec d’autres services payants comme Apple Music, Deezer, Pandora, Google Play Music, Amazon Music Unlimited, Tidal et iHeart. Mais c’est lui qui a joué un rôle déterminant dans la renaissance de l’industrie musicale car il fut le premier à populariser le principe de l’abonnement auprès d’un large public.

"Spotify ne fut pas le premier service de streaming, mais il est le plus important", estime Mark Mulligan du cabinet Midia Research. "Sans Spotify, le marché de la musique ne progresserait pas". Avec 71 millions d’abonnés, il s’agit du plus grand service de streaming musical au monde. Apple Music, son plus proche rival, compte 38 millions d’abonnés. La firme à la pomme s’est lancée en 2015, après que Spotify ait démontré que les gens étaient prêts à payer un forfait mensuel pour écouter de la musique.

Cette approche pionnière a sorti l’industrie musicale d’une torpeur qui remonte au début du millénaire. Mais c’est un effort qui s’est payé au prix fort. Car, explique Mark Mulligan, l’industrie du disque ne voulait pas que les entreprises high-tech s’enrichissent à ses dépens. Les exemples de YouTube tombé dans l’escarcelle de Google ou de Pandora ayant levé 235 millions de dollars lors de son introduction en bourse leur avait laissé un goût amer. Et donc, les ayants droits ont défini des contrats de licence avec les services de streaming qui leur assurait de gagner de l’argent même si le service n’était pas rentable.

L’exemple d’Amazon

Spotify a deux options pour devenir profitable. La première est de se diversifier vers d’autres activités de loisirs exemptes de royautés ou redevances. Pour Russ Crupnick, analyste pour MusicWatch, un jour nous regarderons le Spotify d’aujourd’hui en riant à l’idée qu’il n’était qu’une simple plateforme de musique. Il cite une liste de domaines où l’entreprise pourrait croître, comme les podcasts, les concerts, les évènements live, les livres audio et la vidéo. Autant d’activités susceptibles d’offrir de meilleurs profits que la musique enregistrée. "Au début Amazon n’était qu’une libraire et regardez ce qu’il est devenu", ajoute Crupnick. "Spotify pourrait faire de même", pense-t-il.

Justement, Spotify a déjà tenté l’expérience de la vidéo. Et ses documents financiers d’entrée en bourse indiquent que l’entreprise compte se diversifier dans les livres audio, les podcasts et la vidéo. Mais une telle expansion ne serait pas le seul point commun entre Amazon et Spotify. Le géant du e-commerce n’a pas affiché de bénéfices pendant les 4 années qui ont suivi son entrée en bourse.

L’autre option possible pour le service de streaming serait la croissance pure. En devenant suffisamment puissant, Spotify pourrait imposer ses conditions à l’industrie musicale et ainsi se tirer d’affaire.


Source: CNetFrance.fr par Marc Zaffagni avec CNET.com mercredi 04 avril 2018.