Auteur Sujet: Conflit autour du Très Haut Débit entre des élus du Jura et Orange  (Lu 5191 fois)

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vivien

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Orange d"éploie prioritairement le FTTH là où les autres opérateurs ont déjà un réseau très haut débit.

Un exemple : Sur Amiens, les zones FTTH déployées par CityPlay seront équipées en priorité par un nouveau réseau FTTH déployé par Orange.
De même quand une ville est couvert partiellement par Numericable le FTTH sera déployé prioritairement sur la zone où Numericable est présent.

Dans le jura cette politique a donné lieu a une manifestation d'élus à Champagne sur Loue (39) :


Conflit autour du Très Haut Débit entre des élus du Jura et Orange

Lundi dernier, des élus du Jura ont manifesté et perturbé des travaux menés par Orange, qui installe une fibre optique en doublon d'un petit Réseau d'Initiative Publique local. Une histoire plus compliquée qu'il n'y paraît et qui illustre bien les difficultés de collaboration entre certains réseaux publics et les opérateurs commerciaux.

Lundi, c'était l'émoi dans les environs d'Arc et Senans, un lieu connu pour sa célèbre saline royale que je vous invite à visiter. En effet, alors qu'Orange avait entamé des travaux dans le nord du Jura pour raccorder en fibre optique la petite commune de Champagne sur Loue, une trentaine d'élus sont venus manifester contre ce chantier.



Le motif de leur courroux peut sembler à première vue légitime : un petit Réseau d'Initiative Publique dessert déjà ces communes, ainsi que quelques autres alentour. Ce réseau a été déployé par le SIDEC, syndicat mixte d'énergies, d'équipements et communication du Jura, une structure publique créée en 1949 pour aider au développement des communes de ce département. Ce mini-RIP déployé il y a quelques mois seulement s'appuie d'ailleurs sur l'infrastructure du réseau local de desserte électrique.

Du point de vue des élus jurassiens, il serait plus utile qu'Orange aille desservir d'autres communes, qui attendent le Très Haut Débit, plutôt que de venir s'adresser à des communes déjà raccordées en concurrençant un réseau public. Jean-Marie Sermier, député de la circonscription, l'explique sur son blog, dans un billet daté de dimanche dernier où il appelle à la manifestation qui eut lieu le lendemain : « Face à l'inaction de France Télécom, qui depuis 10 ans ignore les demandes d'installation d'un réseau haut débit dans les communes du Val d'Amour [ … ] les collectivités du Val d'Amour et le Département du Jura ont financé un projet de RIP visant à offrir à tous les habitants de Champagne sur Loue et des collectivités environnantes la possibilité de communiquer en très haut débit via l'installation d'un réseau de fibre optique. [ … ] Au lieu de doubler notre RIP, je souhaiterais donc qu'Orange réserve ses investissements pour les communes de la collectivité qui se trouvent toujours dépourvues de très haut débit. C'est pourquoi je défends une alternative au projet d'Orange, qui réponde davantage aux besoins et réalités de notre collectivité. »

Mais la situation est plus compliquée que cela. En effet, les travaux d'Orange s'inscrivent dans le contexte de son grand plan de neutralisation des multiplexeurs, qui permet à l'opérateur historique de rendre éligible à l'ADSL des lignes qui ne l'étaient pas encore, du fait de la présence de ces multiplexeurs situés entre l'abonné et le NRA. Pour cela, Orange rapproche le DSLAM des abonnés en le déplaçant en amont du multiplexeur... ce qui nécessite de le raccorder à très haut débit à son réseau :



 Orange, qui prévoit de rendre éligible à l'ADSL 99% des foyers français à fin 2013, avait donc planifié de déployer le haut débit à Champagne sur Loue. Mais les élus, qui attendaient depuis longtemps, ont voulu à la fois aller plus vite et plus loin en apportant directement le très haut débit. Ils ont donc lancé le RIP du SIDEC, et dépensé, selon le quotidien Le Progrès, 400.000 euros pour raccorder les 110 habitants de Champagne sur Loue.

Aujourd'hui, Orange pourrait évidemment décider d'utiliser le RIP existant pour raccorder les abonnés à son réseau ADSL… mais encore faut-il que les conditions techniques et tarifaires soient compatibles avec son plan d'affaires. Or, comme l'indique Daniel Bonnet, délégué régional d'Orange, dans le reportage de France 3 Franche Comté que vous pouvez voir plus haut, « Nous avons pris contact avec le SIDEC pour connaître les conditions tarifaires, mais ces conditions tarifaires ne nous conviennent pas ainsi que les conditions d'exploitation ».

Je n'ai aucune information complèmentaire sur d'éventuelles incompatibilités techniques ou fonctionnelles entre le RIP du nord Jura et le réseau Orange. En revanche, et cela a déjà été évoqué dans un de mes derniers billets par le dirigeant du petit opérateur LASOTEL, il est de notoriété publique que les tarifs de certains RIP sont parfois dissuasifs, au point que des opérateurs trouvent un intérêt économique à déployer leur propre réseau en parallèle : voilà qui n'est certainement pas la meilleure façon de rentabiliser l'argent public investi dans ces réseaux publics !

Selon un expert du secteur qui connaît bien le dossier, « Le Conseil Régional de Franche-Comté a toujours refusé de prendre en main l'aménagement numérique et laisse ce lourd dossier aux départements ou grandes agglomérations, qui ne sont pas forcèment à l'aise avec cela. C'est une erreur stratégique que de multiplier les RIP dans une région aussi petite que la Franche-Comté : il faut justement mutualiser un maximum de moyens humains, techniques et financiers - et outrepasser les clivages politiques - pour utiliser correctement l'argent public en gardant à l'esprit le double objectif d'apporter le Très Haut Débit à tous les foyers (et entreprises) et de stimuler sur le long terme la concurrence régionale en matière d'offres de services télécoms. L'exemple du Limousin qui a su fédérer ses différentes collectivités est à ce titre excellent ».

Pour ce qui est du nord Jura, on peut espérer que la situation s'arrange, puisque, suite à la manifestation de lundi dernier, la direction régionale d'Orange a interrompu les travaux et va entreprendre de nouvelles négociations avec le SIDEC et les élus concernés...


Source :  Pierre Col pour ZD Net Infra le 18 mai 2013