Auteur Sujet: IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6 (rapport Internet Governance Project)  (Lu 2284 fois)

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vivien

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L'Internet Governance Project publie un rapport qui conclut que le protocole IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6.

Le rapport (en anglais) : (cliquez sur la miniature ci-dessous - le document est au format PDF)


Un résumé, rapidement traduit :

Aujourd'hui, l'Internet Governance Project ( https://www.internetgovernance.org ) a publié un nouveau rapport indiquant que la transition vers une nouvelle norme Internet risquait de rester bloquée quelque part entre l'ancienne et la nouvelle.

Le protocole IPv4 a presque 40 ans et son espace d'adressage 32 bits est trop petit pour Internet. Un nouveau protocole Internet «nouvelle génération» (IPv6) dispose d’un espace d’adresssage beaucoup plus grand, de 128 bits. Mais le nouveau protocole n'est pas rétrocompatible avec IPv4. Au cours des 20 dernières années, la communauté technique Internet a tenté de migrer l’ensemble de l’Internet d'IPv4 vers la nouvelle norme IPv6.

L'étude, intitulée «La guerre des standards cachés: facteurs économiques affectant le déploiement d'IPv6», aborde des questions importantes mais souvent négligées concernant l'évolution technique d'Internet: le monde convergera-t-il sur IPv6? IPv6 va-t-il disparaître? Ou vivrons-nous dans un monde mixte (IPv4+IPv6) dans un avenir prévisible? Les auteurs de l’étude sont le Dr Brenden Kuerbis, chercheur postdoctoral, et le Dr Milton Mueller, professeur à l’école de politiques publiques de Georgia Tech. Leur recherche indépendante a été financée en partie par le bureau du directeur de la technologie de l’Internet Corporation (ICANN).

La recherche offre une étude éclairée et fondée sur l’économie des progrès et des perspectives d’IPv6. De nombreux promoteurs d'IPv6 croient sincèrement que la nouvelle norme doit s'imposer pour que l'Internet se développe et suppose que la transition IPv4 vers IPv6 est inévitable en raison de l'épuisement présumé des ressources d'adresses IPv4. Cependant, en examinant les effets de réseau associés, en développant les paramètres économiques de la transition et en modélisant les forces économiques sous-jacentes ayant une incidence sur les décisions des opérateurs de réseau, l’étude brosse un tableau plus complexe et nuancé et aboutit à plusieurs conclusions importantes.


Les bonnes nouvelles pour IPv6 sont les suivantes :

- IPv6 ne deviendra pas orphelin. Les principaux fournisseurs de contenu et les opérateurs mobiles [Note Vivien: Orange, Bouygues Telecom, SFR et FreeMobile en France] déploient IPv6 et détournent progressivement le trafic du protocole IPv4 vers des réseaux IPv6 natifs. Il semble que IPv6 dominera certaines parties des plus récentes et à plus grande échelle d’Internet.

- Le déploiement d'IPv6 peut avoir un intérêt économique pour les opérateurs de réseau qui ont besoin de croître, en particulier pour les réseaux mobiles où l'écosystème matériel et logiciel est principalement converti. Il atténue une contrainte majeure sur la croissance et réduit les complexités opérationnelles et les coûts de la traduction d'adresses réseau à grande échelle.


Mais il y a aussi de mauvaises nouvelles pour IPv6 :

- Les incitations des grands opérateurs à croissance rapide ne sont pas les mêmes que celles de nombreux autres réseaux Internet. De nombreux réseaux d'entreprise n'ont pas besoin de grandir et / ou peuvent toujours être hébergés dans un écosystème logiciel et matériel plus lent utilisant toujours IPv4.

- La diffusion d'IPv6 en est encore à ses débuts. Sur les 215 économies mesurées, seules 26 (12%) avaient des niveaux de capacité IPv6 en augmentation constante au cours de la période d'étude de trois ans. Dix-huit autres pays (8%) affichaient des niveaux mesurables de déploiement d'IPv6 mais affichaient des plateaux en cours d'adoption, leur capacité IPv6 étant bloquée depuis plusieurs années entre 8% (Autriche) et 59% (Belgique). Ce groupe comprenait de nombreuses économies européennes matures, ainsi que le Canada et l'Australie. Une grande majorité des économies (169 ou 79%) n’ont pas déployé d’IPv6 de manière siginificative. Les pays de ce groupe étaient situés dans toutes les régions et comprenaient de petites économies (Mozambique) et de grandes économies (Chine).

- En raison des coûts de déploiement IPv6, il existe une forte corrélation entre les niveaux de déploiement plus élevés du PIB et IPv6.

- Les réseaux qui déploient IPv6 doivent conserver une compatibilité ascendante avec les non-déployeurs. Cela entraîne une réduction des coûts pour les utilisateurs IPv6 et élimine certains effets de réseau susceptibles de dégrader ou de couper les réseaux non convertis.

- Même s'ils ont déployé IPv6, les réseaux en croissance doivent continuer à acquérir des adresses IPv4 rares et de plus en plus coûteuses pour s'interconnecter au reste de l'Internet. Le déploiement d’IPv6 ne met pas immédiatement fin au problème de l’épuisement des adresses IPv4.


L'étude a examiné l'impact de l'IPv4 sur les marchés et la pénurie de main-d'œuvre lors de la transition. Il souligne que les fournisseurs de services cloud, qui doivent desservir les deux internets IPv4+IPv6, sont les plus grand acheteurs d'adresses IPv4. [Note de Vivien : En France les plus grand acheteurs d'adresses IPv4 sont OVH et Scaleway]

Le rapport conclut que l'ancien protocole IPv4 coexistera indéfiniment avec le protocole IPv6 sur Internet. Une variété de technologies de conversion et une utilisation plus efficace des adresses IPv4 à l’aide des technologies de NAT prendront en charge un «monde mixte» des deux normes dans un avenir prévisible.


Source: Internet Governance Project, le mercredi 20 février 2019 par Brenden Kuerbis et Milton Mueller.

vivien

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IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6 (rapport Internet Governance Project)
« Réponse #1 le: 20 février 2019 à 21:24:03 »
De mon coté je ne partage pas ces conclusions.

Je parie en effet sur un reversement de la situation, quand le trafic sur Internet sera majoritairement en IPv6, soit selon mes prévisions entre 2027 et 2032 (on en est très loin aujourd'hui, ne pas oublier que même si la moitié des clients sont en IPv6 et la moitié des fournisseurs de contenu sont en IPv6, seul 1/4 du trafic sera en IPv6)

Plusieurs hypothèses permettent de parier sur une demande forte en IPv6 :
- Si Google baisse le référencement des sites en IPv4 uniquement
- Si certains services des GAFAM sont disponibles uniquement en IPv6
- Si le jeu en ligne bascule en IPv6, pour ne plus être bloqué par les CG-Nat
- Si l’Europe (Le BEREC ?) impose une date où le trafic IPv4 aura des restrictions chez tous les FAI d'Europe, forçant les hébergeurs à passer en IPv6.
- D'autres situations pourraient pousser les clients à demander de l'IPv6.

Pour les grandes entreprises, avec un réseau interne complexe et des équipements industriels compatible uniquement IPv4 qu'il n'est pas possible de changer, il est illusoire de penser à une bascule en IPv6. Quelle solution ? Ces entreprises sont toujours connectées à Internet par un proxy : le réseau Internet de l'entreprise sera en IPv4 uniquement, tandis que le proxy permettra d'avoir un accès à l'ensemble de l'Internet IPv6. Il suffit donc de changer uniquement le ou les proxy.

Pour les plus petites entreprises, qui sont généralement sans proxy sur leur réseau, je parie sur une offre proposée par leur opérateur, qui permetrait de n'avoir que de l'IPv4 sur le modem et dans leur réseau : Chez l'opérateur un NAT46 + DNS46 sera installé, mutualisé entre plusieurs clients. L'adresse renvoyé par le serveur DNS sera donc toujours une IPv4. Si le site web est en IPv6 only, l'adresse IPv4 renvoyée sera celle de la plateforme NAT46 chez l'opérateur qui propose Internet. Cette plateforme aura une connectivité IPv4 et IPv6, permettant aux entreprises de rester en IPv4 uniquement tout en accédant à l'intégralité de l'Internet IPv4.

Bref, vous avez compris ma vision : pour moi IPv4 ne coexistera indéfiniment avec IPv6 sur Internet.
Toutefois sur les réseaux internes des entreprises et pour toutes les réseaux privés, je pense qu'IPv4 sera toujours largement utilisé, mais cela se fait sans aucun impact avec sur l'Internet qui pourra éteindre IPv4.

buddy

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IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6 (rapport Internet Governance Project)
« Réponse #2 le: 20 février 2019 à 21:45:44 »
Bref, vous avez compris ma vision : pour moi IPv4 ne coexistera indéfiniment avec IPv6 sur Internet (toutefois sur les réseaux internes des entreprises et pour toutes les réseaux privés, je pense qu'IPv4 sera toujours largement utilisé, mais sans aucun impact avec Internet.[/size]

Le soucis avec ce type de conclusion c'est qu'il faut définir le "n'existera plus".
Ne coexistera pas/coexistera ça veut dire quoi ? IPv4 < 10 %,   ipv4 < 1 % , ipv4 <0,1%, plus du tout d'ipv4 ? (à l'échelle mondiale ?)

alain_p

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IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6 (rapport Internet Governance Project)
« Réponse #3 le: 20 février 2019 à 21:51:51 »
Le dual stack, pendant longtemps, ce sera la garantie de pouvoir accéder à tout...

kgersen

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IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6 (rapport Internet Governance Project)
« Réponse #4 le: 20 février 2019 à 21:57:34 »
Les rapports et prédictions du genre y'en a plein les archives...

Le sujet est bien plus complexe et est lié a l'évolution de l'informatique et des usages. Le protocole IP n'est qu'un outil pas une finalité.

Prendre les usages et architectures actuels et se contenter de les imaginer demain en IPv6 c'est le meilleur moyen de se tromper.




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IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6 (rapport Internet Governance Project)
« Réponse #5 le: 21 février 2019 à 08:47:50 »
De mon coté je ne partage pas ces conclusions.

Je parie en effet sur un reversement de la situation quand le trafic sur Internet sera majoritairement en IPv6...
Je suis du même avis.

Maintenir du dual-stack au quotidien, c'est lourd. Il faut doubler beaucoup de choses : les smokeping pour vérifier l'accessibilité v4/v6, son attention pour établir un diag et proposer une solution, les règles firewall (une modif en v4 doit avoir son équivalence en v6), les règles SPF/DNS pour les mails, etc.

Et l'Homme est paresseux. Viendra un moment où la partie IPv4 sera délaissée et non-maintenue, au même titre qu'aujourd'hui avec la majorité des SS2I qui disent que l'IPv6 ça sert à rien. Viendra un moment où quand la partie v4 tombe, on pourra dire "pas grave, je verrais demain".

Citer
Pour les plus petites entreprises, qui n'ont généralement sans proxy sur leur réseau, je parie sur une offre proposé par leur opérateur qui permet de faire de ne livrer que de l'IPv4
Il faut surtout un accompagnement. En ce moment je me fais une joie de pourrir les SS2I ou les petits bricoleurs du dimanche qui installent des "firewalls" hardware sans connectivité v6. Et quand le client a un problème, et qu'il doit se brancher sur notre modem en direct pour ravoir de la connectivité, bah souvent le presta est jarté  :)

Anonyme

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IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6 (rapport Internet Governance Project)
« Réponse #6 le: 21 février 2019 à 21:45:48 »
Personnellement, je verrais plus un découplage entre V4 et V6 entre opérateurs et clients.
La majorité des clients se foutent éperdument que ce soit V4 ou V6, ils veulent leurs usages sans avoir a se précoccuper des adresses, en soit cela reste un numéro.
Pour les usagers, leur adresse physique ne change pas, quand ils doivent donner leur adresse à une administration ou autre, le plus flagrant est le numéro de téléphone, autant avant on se souvenait des numéros des personnes, autant maintenant on l'entre dans ses contacts et on oublie le numéro.
Une évolution me semblant possible, est de ne plus attribuer les adresses V4 a des machines terminales, mais les garder au sein des opérateurs pour dialogue de routage, et n'attribuer que des V6 aux machines terminales.Beaucoup d'adresses V4 pourraient ainsi redevenir libres.Je sais c'est dans une futur très lointain, mais c'est ce qui me semblerait être le plus rationnel.
Et soit dit en passant, il y aurait pas mal de ménage à faire dans la base RIPE et chez certains opérateurs ayant racheté d'autres opérateurs, je connais quelques réseaux attribués dont l'opérateur garde le client dans la base, sans que celui-ci soit existant,dépot de bilan mais adresses encore attribuées et ne répondant à rien.

obinou

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IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6 (rapport Internet Governance Project)
« Réponse #7 le: 21 février 2019 à 22:16:08 »
Est-ce qu'il y aurait un espace économique pour un hébergeur IPv6-only ?

Les IPv4 sont de + en plus rare & donc chères , surtout pour de gros blocs contigus, fatalement ce prix va être répercuté sur les clients - En plus la désagrégation des blocs pénalise tous les opérateurs qui ont des full-view sur du "vieux" matériel.

Or je vois plein de services hébergé qui, à condition que le FAI dispose aussi de l'IPv6, ne pourrait être qu'en IPv6 - la sauvegarde par exemple, ou les serveurs de build / CI / tests.
Répercuter le coût grandissant d'IPv4 reste encore une option actuellement, mais à terme...

Après j'avais lu une étude (ZDNet je crois) qui montrait que chez les FAI au moins en France, pour ceux qui avaient l'IPv6 activé par défaut, le routage était, disons... peu optimal, ce qui induisait une qualité moins bonne en V6 qu'en V4 - de nature à inciter non seulement des clients à désactiver l'IPv6 mais aussi des fournisseurs à ne pas forcèment diffuser de record DNS AAAA pour éviter des problèmes au support. Je ne sais pas si c'est encore le cas.



vivien

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IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6 (rapport Internet Governance Project)
« Réponse #8 le: 22 février 2019 à 09:24:29 »
C'est toujours le cas, de nombreux acteurs ne se préoccupent pas d'IPv6 pour le peering et ne montent que des sessions en IPv4 pour limiter le nombre de sessions à monter.

Leur justification est qu'IPv6 représente moins de 1% du trafic, voir moins de 0,1% du trafic.

Exemple du pourcentage du trafic chez Scaleway :
Sur les 7 derniers jours, 0.9% du trafic externe est en IPv6.

Chez les FAI, certains n'ont pas de l'IPv6 natif ce qui dégrade la latence, toutefois c'est en train de changer.

doctorrock

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IPv4 coexistera indéfiniment avec IPv6 (rapport Internet Governance Project)
« Réponse #9 le: 22 février 2019 à 21:35:32 »
Ce qui est sûr, c'est qu'on assistera à "la bascule" dans nos carrières respectives. On pourra écrire un livre sur cette expérience qui aura finalement pris tellement d'années , et touchera tout le monde sans exception. ^^